lundi 20 octobre 2014

Faut-il supprimer le Sénat ?

Chambre haute de notre système parlementaire, le Sénat est composé de 348 sénateurs élus pour six ans avec renouvellement par moitié tous les trois ans. Contrairement aux députés, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect sur la base des départements par un collège de 150 000 grands électeurs (députés, conseillers généraux, conseillers régionaux et délégués des conseils municipaux). En cela, et comme mentionné explicitement dans la Constitution, les sénateurs sont les représentants des collectivités territoriales.
Tout comme l'Assemblée Nationale, les pouvoirs du Sénat sont fixés par l'article 24 de la Constitution. On y retrouve notamment le vote des lois, le contrôle de l’action du gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Il faut également noter que le président du Sénat (Gérard Larcher, UMP, depuis le 01/10/14) assure l'intérim en cas de vacance de la présidence de la République et nomme des personnalités dans différentes instances (conseil constitutionnel, conseil supérieur de la magistrature, ARCEP, AMF, CSA).
 
Suite au renouvellement partiel de 2011, le Sénat est passé pour la première fois de son histoire à gauche suite notamment aux bons résultats du PS aux élections locales de 2008. Cette nouvelle majorité n'a toutefois pas duré dans la mesure où la droite est redevenue majoritaire lors du dernier renouvellement partiel du 1er octobre dernier.
A l'occasion de ces élections sénatoriales, des critiques se sont à nouveau fait entendre à l'encontre de la haute assemblée. D'une part, les détracteurs mettent en avant le coût important du Sénat (budget 2014 : 347 M€ dont 12 M€ pour les jardins, 316 M€ de fonctionnement et 18 M€ d'investissement) ainsi que les privilèges dont bénéficient les parlementaires (20 685 € d'indemnités mensuelles, train gratuit en 1ère classe …), particulièrement en période d'austérité. D'autre part, la question de la représentativité démocratique est régulièrement avancée. En effet, il apparait que le collège électoral représente uniquement 0,25 % de la population française et que 98 % de ce corps électoral est composé de membres des zones rurales. En conséquence, cela conduit à une surreprésentation des communes rurales par rapport aux communes urbaines et qui explique alors le poids historique de la droite dans cette assemblée.
 
Partant de ce constat, la question de l'avenir même du Sénat peut être posée. Trois pistes peuvent ainsi été identifiées : maintenir le système en l'état, supprimer complètement le Sénat ou le réformer.
En tout état de cause, il semble difficile de se satisfaire de cette situation. Conserver le Sénat sous sa forme actuelle n'est donc clairement pas une solution envisageable.
 
A l'opposé total d'un statu-quo, une solution plus radicale est possible : la suppression complète et totale du Sénat. Plusieurs arguments viennent alors en faveur de cette piste. Comme nous l'avons indiqué précédemment, le Sénat représente un coût pour les contribuables d'environ 0,10 % du budget annuel de l'État. Cette somme peut paraître anecdotique par rapport au déficit et à la dette du pays mais cette économie constituerait un signal positif en direction de la population à qui il est demandé d'importants efforts. Par ailleurs, nous avons vu que l'élection sénatoriale se faisait au suffrage indirect avec un collège électoral réduit qui conduisait à une représentativité biaisée des collectivités territoriales avec une répartition communes rurales/urbaines en opposition avec les réalités démographiques, ce qui n'est évidemment pas optimal. Enfin, la question de l'utilité même du Sénat peut être posée. Notre système parlementaire actuel repose sur un modèle bicaméral avec la coexistence de deux chambres qui ont les mêmes pouvoirs. Cela signifie donc qu'il existe une certaine redondance entre Sénat et Assemblée Nationale en termes de pouvoirs législatifs. L'existence des sénateurs pourrait donc légitimement être remise en cause. Et cela d'autant plus que notre processus législatif prévoit que l'Assemblée Nationale, représentante directe du peuple, a le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres. Ajoutons également que 925 parlementaires (577 députés et 348 sénateurs) œuvrent à la même mission, soit environ 1 parlementaire pour 70 000 habitants contre 1 pour 595 000 aux États-Unis ou 1 pour 115 000 en Allemagne.
 
Comme nous l'avions annoncé précédemment il existe une voie intermédiaire entre suppression et conservation en l'état, à savoir une réforme. Évidemment le terme de réforme est parfois fourre-tout mais au vu de la situation actuelle, il paraît nécessaire d'engager une réforme d'ampleur afin de redonner au Sénat ses lettres de noblesse et de lui rendre toute sa légitimité en remettant en cause les fondements mêmes des critiques émises à son encontre.
La réforme du Parlement français revient fréquemment dans les débats notamment au travers de l'instauration d'une dose de proportionnelle à l'Assemblée Nationale. Si je suis favorable à une évolution de nos institutions, je me méfie de ces demi-mesures qui pourraient nous conduire à un retour à la IVème République et son instabilité politique. En revanche, il me paraît intéressant de développer cette idée de proportionnelle en poussant le concept à l'extrême. Plutôt que de se limiter à une dose de proportionnelle à l'Assemblée Nationale, il semble intéressant de changer le mode d'élection du Sénat en allant vers une élection au suffrage universel direct à la proportionnelle intégrale. Ce nouveau mode d'élection permettrait ainsi aux Français de se réapproprier le Sénat par le biais du vote direct mais également d'aboutir à une meilleure représentativité du pluralisme politique dans notre pays en favorisant la présence au Parlement de formations politiques diverses. Concrètement, cela conduirait à la mise en place d'un Sénat reflétant mieux les différentes sensibilités politiques de nos concitoyens. Ainsi "l'anomalie démocratique" de la quasi-absence du FN au Parlement ou de la forte présence des communistes et écolos par rapport à leurs résultats électoraux serait corrigée. A noter toutefois que l'Assemblée Nationale conserverait toujours sa prédominance en cas de désaccord afin d'éviter toute paralysie du système.
 
Quelle que soit la piste retenue, suppression ou réforme, il semble impensable de conserver le Sénat sous sa forme actuelle. Une révision de notre Constitution doit donc sérieusement être envisagée. Néanmoins, du fait la modification à apporter, un vote du Parlement réuni en Congrès paraît inapproprié. Le recours au référendum devenant alors l'unique alternative possible afin de redonner réellement la parole au peuple.