Nouveau volet dans la série de
mes lectures d'été après le dernier ouvrage de Nicolas Dupont-Aignan. Il s'agit
aujourd'hui d'un livre de Jean-Luc Mélenchon datant de 2014 et intitulé
"l'ère du peuple".
Je n'ai jamais caché l'admiration
que j'ai pour les qualités de tribun du leader du Parti de Gauche (PG) ni
certaines convergences de point de vue que je peux avoir avec lui, en
particulier sur l'europe. Appréciant en outre le style de l'auteur, j'étais
quelque peu impatient d'attaquer la lecture de cet essai. La joie fut
malheureusement de courte durée tant j'ai eu du mal à me plonger dans ce nouvel
opus auquel je n'ai d'ailleurs jamais réellement accroché.
Si j'avais particulièrement aimé
"le hareng de Bismarck", je ne peux pas en dire autant de celui-ci.
Alors que le premier était incisif, tranchant, "l'ère du peuple" me
parait nettement plus apathique et clairement moins savoureux. Mais plus que le
fond, certes moins fourni à mon sens, c'est la forme qui m'a davantage gênée
avec la multiplication de réflexions parfois complexes, peu concrètes voire
totalement abstraites sur le nombre ou le temps par exemple. Évoluant
régulièrement à la frontière de la pensée philosophique et manquant de
structuration, je n'ai pas retrouvé les éléments que j'attends d'un essai
politique.
Cela étant, et en faisant
abstraction de ces aspects, je dois reconnaitre que ce livre reprend malgré
tout la majorité des thématiques chères à l'auteur.
Fervent opposant à François
Hollande, Mélenchon ne pouvait évidemment pas ne pas évoquer son adversaire
favori. S'il considère que le président de la République a trahi ses promesses
de campagne, il estime pour autant que la simple critique du pouvoir en place
n'est pas suffisante et qu'il faut chercher à développer une alternative.
Alternative qui proviendrait selon lui d'un sursaut du peuple et non de la
classe dirigeante dont il ne faudrait rien attendre.
Mélenchon rappelle d'ailleurs
qu'en 2012 les Français n'ont pas voté pour François Hollande mais plutôt
contre Nicolas Sarkozy et sa politique. Je le rejoins effectivement sur ce
point bien que cette tentative ait finalement échoué dans la mesure où on ne
peut que constater une certaine continuité entre les deux présidents
successifs, en particulier en matière économique et de politique étrangère.
S'agissant de ce dernier aspect, nul ne pourra sincèrement évoquer de réel
changement, surtout vis-à-vis de l'Allemagne où nous sommes passés de Merkozy à
Merkhollande lorsque l'ancien premier secrétaire du PS a enterré sa promesse de
renégocier les traités européens.
La transition avec un thème
également abordé est ainsi toute trouvée. L'europe et l'union européenne
figurent évidemment en bonne place dans cet ouvrage où on retrouve les
critiques certes habituelles et récurrentes mais qui restent malheureusement
toujours d'actualité. Échec de l'euro fort, domination de l'Allemagne,
condamnation des politiques d'austérité et du dogme de la concurrence libre et
non faussée, voilà les principales thématiques qui sont traitées.
Sans oublier évidemment la
dénonciation du futur traité de libre-échange actuellement en cours de
négociation entre l'union européenne et les États-Unis (TAFTA). Mélenchon
profite également de ce passage pour adresser une charge virulente au pays de
l'oncle Sam en vilipendant leur hégémonie militaire, monétaire et commerciale.
Si j'adhère évidemment à
l'ensemble de ces propos, je regrette que la question du protectionnisme, sujet
pourtant majeur à mon sens, ne soit que très peu évoquée (seulement quelques
lignes). Jean-Luc Mélenchon semble toutefois avoir évolué sur le sujet depuis
la parution de son livre (2014) puisque cette problématique revient
régulièrement dans ses discours de campagne pour la présidentielle de 2017.
Autre thème de prédilection, très
(trop ?) longuement traité dans ce livre : l'écologie et en particulier les
problématiques liées à la mer. Plus d'une vingtaine de pages y sont ainsi
consacrées et on sent indéniablement que l'auteur est fortement engagé sur les
questions environnementales.
Pour lui, les mers et les zones
maritimes revêtent des enjeux considérables pour les nations, notamment en
raison de leurs sous-sols du fait de la présence d'hydrocarbures. Avec 18 000
kms de côtes et 11 millions de m² d'espaces maritimes, la France est ainsi le
deuxième territoire maritime après les États-Unis. Pour autant, il estime que
le gouvernement n'a pas pris la mesure de cet avantage concurrentiel et commet
une grave erreur en baissant le budget alloué à la mer. Mélenchon reconnait que
la mer est certes une opportunité mais qu'elle constitue aussi une menace en
raison de la hausse du niveau des eaux (+ 50 cm d'ici 2050 et + 1,40 m d'ici
2100). Deux cent millions de personnes seraient à déplacer d'où des risques
importants de conflits entre pays ou de guerres civiles ainsi que des vagues de
migration conséquentes à venir.
Toujours dans le même ordre
d'idées, le leader du PG aborde la question de la croissance de la population
mondiale. Aucune réelle prise de position sur le sujet car ce sont davantage
les conséquences de ce phénomène qui sont traitées. De manière logique,
l'augmentation de la population requiert davantage de ressources, de denrées
alimentaires, de terres, de logements et accroît parallèlement la pollution et
l'empreinte de l'Homme sur la planète.
Si cette problématique de
croissance exponentielle de l'humanité n'est pas pour l'heure au cœur des
débats, elle constitue pour autant un enjeu fondamental des années à venir tant
elle a et aura plus encore dans le futur des impacts sur nos vies. Car il
faudra évidemment réussir à nourrir, loger et fournir du travail à ces nouveaux
habitants. En sommes-nous capables ? Notre planète pourra-t-elle le supporter ?
Quelles que soient les réponses, il faut se préparer aujourd'hui pour réussir à
y faire face demain.
Comment terminer cet article sans
parler du projet constitutionnel du candidat à la présidentielle ? Aucune
nouveauté dans ces derniers chapitres du livre pour celui qui connait quelque
peu l'auteur. Mélenchon y réaffirme ainsi la nécessité d'élire une assemblée
constituante visant à instaurer une sixième République et par la même, selon
l'auteur, un pouvoir du peuple.
Me reconnaissant dans le doctrine
gaulliste et considérant que les institutions de la cinquième ont fait preuve
de leur résistance et de leur adaptabilité malgré toutes les réformes
successives, je dois reconnaitre être plus que sceptique sur cette proposition.
Malgré les louanges chantées par ses partisans, je suis loin d'être convaincu
que ce changement de République permettrait de venir à bout de tous les maux de
notre société. Pour moi, ce ne sont pas les institutions qui posent problème
mais plutôt l'usage qui en est fait par nos dirigeants. Si nous ne commençons
pas par renouveler cette classe politique rien ne changera vraiment et la 6ème
connaîtra rapidement les mêmes dévoiements que la 5ème.
En revanche, toujours en matière
d'institutions, il est une proposition de Mélenchon à laquelle je souscris
totalement. Il s'agit de l'instauration du référendum révocatoire, c’est-à-dire
la possibilité pour les électeurs de voter pour la destitution d'un élu. Si
cette mesure nécessite d'être discutée, en particulier pour ce qui est de ses
conditions de mise en œuvre, je crois qu'elle va indéniablement dans le bon
sens en remettant en cause la toute-puissance des dirigeants entre deux scrutins.
Elle permet notamment de rappeler à chacun que l'élection n'est pas un
blanc-seing donnant tout pouvoir à celui qui la remporte. Clairement dans l'air
du temps, cette proposition permettra également de réduire le fossé grandissant
entre dirigeants et population comme cela peut-être le cas pour les référendums
qu'ils soient locaux ou nationaux.
En intitulant son livre "l'ère
du peuple" Jean-Luc Mélenchon annonce d'entrée de jeu la couleur. Comme
lui je pense que le peuple doit revenir au cœur des débats et reprendre la
place qu'on lui a longtemps confisquée. Le XXIème siècle sera
indéniablement le siècle d'un retour en force du peuple comme nous pouvons le
voir actuellement par-delà le monde. Cette expression populaire, quoi qu'en
dise certains, ne pourra se faire que dans le cadre des nations. Souveraineté
nationale et souveraineté populaire voilà deux notions avec lesquelles vont
devoir composer nos dirigeants. Et cela, qu'ils le veuillent ou non …