vendredi 22 février 2013

Maurice Taylor ou l'archétype du patron voyou

Ceux qui fréquentaient déjà ce blog au moment de la primaire socialiste connaissent ma proximité idéologique avec Arnaud Montebourg. Aussi, je ne peux que me réjouir de la joute verbale menée actuellement par le ministre du redressement productif contre le PDG du groupe Titan International.
 
Petit rappel des faits pour ceux qui auraient manqué un épisode.
Après plusieurs années de difficultés, Goodyear a annoncé fin janvier que l'usine d'Amiens-Nord serait fermée à court terme, laissant sur le carreau plus de 1000 salariés. Cette annonce a évidemment contraint le gouvernement à agir et Arnaud Montebourg a appelé le groupe Titan à revenir à la table des négociations malgré un précédent échec. Rien d'exceptionnel jusque là.
C'est en réalité la réponse de Maurice Taylor, PDG du groupe Titan, au ministre qui a mis le feu aux poudres. En effet, celui-ci n'a pas hésité, dans son courrier du 8 février, à fustiger ouvertement les ouvriers français (Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures) et la CGT (syndicat fou). Pire que son arrogance, classique des républicains américains, Taylor a fait preuve d'un cynisme démesuré : " Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l'heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin".
Heureusement, et je l'en félicite, Arnaud Montebourg ne s'est pas dégonflé face à ce sinistre individu et l'a gratifié d'une réponse à la hauteur du courrier initial : "vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays. Les compagnies [étrangères présentent dans notre pays connaissent et apprécient la qualité et la productivité de la main-d'œuvre française, l'engagement, le savoir-faire, le talent et les compétences des travailleurs français.".Mieux, Montebourg s'est laissé aller à quelques piques renvoyant clairement Taylor dans ses 22 : "Titan, l'entreprise que vous dirigez est vingt fois plus petite que Michelin, notre leader technologique français à rayonnement international, et trente-cinq fois moins rentable. Soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller [...] avec un zèle redoublé vos pneus d'importation."
 
Au-delà de l'aspect "divertissant" qui enchante les médias, cette affaire me semble tout à fait révélatrice du système économique dans lequel notre pays évolue. En effet, c'est aujourd'hui Maurice Taylor qui est à l'origine de ces propos abjects mais bien d'autres patrons de grands groupes, français ou étrangers, auraient pu tenir le même discours. Et c'est bien là tout le problème de notre économie qui se trouve coupée en deux entre la base (ouvriers, employés …) qui permet la création de richesse et la coalition actionnaires-"top management" qui œuvrent à la défense de leurs intérêts propres en s'appropriant une partie toujours plus grande des richesses créées (dividendes, bonus …). Il est bien loin le temps de l'entreprise familiale gérée en bon père de famille et du patron paternaliste. Tout cela a laissé place à un capitalisme débridé et libéralisé à outrance.
 
Alors certains diront, Alain Minc le premier, que la mondialisation est une chance pour notre pays et que c'est à la France de s'adapter aux nouvelles contraintes économiques. Je m'inscris bien évidemment en faux contre ces propos. Comment peut-on encore aujourd'hui prononcer de telles inepties, sauf à être aveuglé par le dogmatisme ? Il n'y a qu'à voir les conséquences désastreuses de cette mondialisation (et de son cheval de Troie, l'union européenne) sur notre industrie. Allez donc demander à ces dizaines de milliers d'ouvriers licenciés pour cause de délocalisation ce qu'ils pensent de la "mondialisation heureuse" …
Dire que la mondialisation n'a que des inconvénients serait faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. De fait, ce phénomène a permis, au moins en partie, d'avoir accès à de nouveaux marchés donc de nouveaux débouchés pour nos entreprises. Sans parler du développement exceptionnel de certains pays émergents.
 
Mais tout cela a bien évidemment un prix. Un prix parfois lourd à payer pour ceux qui en sont les victimes. Cela ne semble toutefois pas déranger notre cher Maurice Taylor. Bien au contraire, puisque celui-ci n'a aucun scrupule à exploiter la misère humaine en "achetant un fabricant de pneus chinois ou indien pour payer moins de 1 euro l'heure de salaire".
Car s'il est une caractéristique indéniable de la mondialisation, c'est bien cette mise en concurrence forcée des peuples du monde entier. C'est d'ailleurs par ce moyen, en recourant massivement aux délocalisations vers des pays à faible coût de main d'œuvre, qu'un grand nombre d'individus se sont enrichis. Je parlais dans un précédent article de l'esclavage. Et bien cette exploitation d'ouvriers chinois contraints de travailler durant des heures dans des camps de travail dans des conditions intolérables, le tout pour des clopinettes, n'est ni plus ni moins qu'une forme d'esclavage moderne (exemple de Foxconn, sous-traitant d'Apple).
 
Dans ce processus de course au moins disant fiscal, social et environnemental, la France est logiquement la grande perdante. De fait, et comme le dit très bien Taylor, "les Français sont trop chers à cause notamment de leurs avantages sociaux". Il est donc impossible de s'aligner sur la Chine ou l'Inde par exemple, sauf à remettre complètement en question notre modèle social, ce que certains libéraux rêvent de faire depuis des décennies. Mais outre le fait que cela n'est pas souhaitable, cela sera clairement vain dans la mesure où certains pays sans aucune réglementation sociale arriveront toujours à produire pour moins cher.
 
Mais plutôt que de niveler par le bas, pourquoi ne pas adopter le raisonnement inverse en cherchant à pousser les moins bons pour rattraper les meilleurs ? La réponse est simple : le profit. Car si les pays émergents se dotaient de réglementations plus contraignantes, il est certain que les conditions de vie et de travail des ouvriers s'amélioreraient, parallèlement à un accroissement des coûts de production donc une dégradation des bénéfices. Et ça les patrons n'en veulent pas. Pour eux seul l'argent compte comme le résume une fois encore à la perfection l'incroyable Maurice Taylor : "nous sommes ceux qui avons le carnet de chèques et vous nous dites que nous devons d'abord rencontrer les syndicats ? Vous êtes dingues".
 
Puisque le seul langage parlé par ces personnes est celui du dollar alors c'est au porte-monnaie qu'il faut taper pour se faire entendre. Et plus particulièrement par la fiscalité qui constitue l'arme de prédilection de l'Etat pour ce genre de besognes. Plusieurs mécanismes sont évidemment envisageables et doivent faire partie d'une réforme fiscale d'ampleur, notamment en ce qui concerne la taxation des revenus.
 
Mais plus largement c'est notre modèle économique et commercial qu'il faut repenser. Comme nous l'avons dit, la France mais également les autres nations européennes voire même occidentales ne peuvent plus faire face à la concurrence déloyale des pays émergents. De même, chercher à rivaliser serait à la fois vain et dangereux. Aussi, il me semble impératif de faire fi du dogmatisme libéral qui gangrène nos dirigeants pour en revenir à un réel interventionnisme d'Etat. Et par interventionnisme d'Etat je pense bien évidemment, dans le cas qui nous intéresse, au protectionnisme.
 
Longtemps honni officiellement par les organisations supranationales (OMC, FMI, UE), il n'en reste pas moins que de très nombreux pays du monde entier, pour ne pas dire la plupart d'entre eux, ont allègrement recours à des mesures protectionnistes de manière déguisée. Il ne s'agit plus de barrières douanières trop visibles mais plutôt d'un ensemble de mécanismes plus subtils et plus efficaces (sous-évaluation de la monnaie, appels d'offres biaisés, normes particulières …).
Or l'union européenne, sous prétexte de respecter une concurrence libre et non faussée (qui n'existe que dans les livres), se refuse à recourir à toute forme de protectionnisme malgré des déficits commerciaux abyssaux. Pire, invoquant la crise de 1929, les soi-disant experts économiques nous expliquent que la situation serait pire  du fait de mesures de rétorsion.
 
Une fois encore cela prouve que l'UE est gangrénée par un dogmatisme libéral qui ne tient en aucun cas compte des réalités (exemple des plans d'austérité à répétition qui aggravent les choses au lieu de les améliorer).
Si certains dirigeants politiques plaident pour un changement de cap, d'autres continuent à persister dans l'erreur. C'est notamment le cas de l'actuel et  du précédent gouvernement et plus largement d'une majorité des membres du PS et de l'UMP. Seuls perdurent quelques irréductibles qui cherchent à ouvrir les yeux à la population. Malheureusement pour nous, il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir …

samedi 16 février 2013

Ne confondons insécurité et sentiment d'insécurité



Depuis plusieurs années, et en particulier sous Nicolas Sarkozy ministre de l'Intérieur puis président de la République, les problématiques de sécurité sont devenues un sujet majeur dans notre pays. Pour preuve, c'est ce qui a conduit, entre autres, à la défaite de Lionel Jospin en 2002 et à la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007.
 
Le thème de la sécurité n'est évidemment pas nouveau et tous les candidats, des maires aux députés en passant par les conseillers généraux et régionaux, se doivent d'aborder ce sujet sensible au risque de passer pour des laxistes en cas d'impasse. Du petit village de campagne à la grosse métropole urbaine, la (in)sécurité est donc partout.
 
Mais croire que celle-ci est l'apanage du XXIème serait bien évidemment une erreur. De tout temps, depuis la naissance de l'humanité en fait, l'Homme a cherché à se protéger et à protéger ses biens, que ce soit par ses propres moyens ou par le biais d'un "structure collective" (Etat, royaume …). En revanche, et cela paraît indéniable, ces questions sont devenues prépondérantes dans le débat public depuis peu.
 
Et c'est sur ces raisons qu'il me semble intéressant de s'interroger.
Sur ce thème, et bien d'autres d'ailleurs, la politique peut être assimilée à un marché avec une offre et une demande. L'offre est ici constituée d'une politique sécuritaire musclée (plus dans les paroles que les actes en réalité) de la part de la droite et une politique plus timorée venant de la gauche, tout du moins avant l'arrivée de Manuel Valls place Beauvau. En face, on trouve une demande de sécurité, à la fois des biens et des personnes, des électeurs.
 
Comme en économie, une des deux composantes du marché, à savoir l'offre et la demande, prend l'ascendant et entraîne l'autre. Dans notre cas précis, il apparaît que c'est la demande qui conditionne l'offre et non l'inverse. En effet, c'est dans une visée électoraliste et afin de répondre aux attentes de la population que les questions de sécurité sont si présentes. C'est justement en raison d'une demande de l'électorat que l'offre politique sur ce sujet s'est développée.
 
Sur bien des sujets, les positions des électeurs ne sont pas forcément rationnelles. Et la sécurité fait clairement partie de ces sujets là.  Mais est-ce à dire que les inquiétudes et requêtes des Français sont totalement déconnectées de la réalité ? En vérité non. Ou plutôt pas complètement. Indéniablement la France n'est pas le pays des Bisounours et dire que tout va bien dans le meilleur des mondes serait idiot. Chacun est bien conscient que chaque jour connaît son lot de meurtres, viols, vols … Pour autant, la France n'est pas un pays en guerre avec des crimes à chaque coin de rue. Il existe certes des zones de non droit ou des lieux plus sensibles que d'autres mais cela ne constitue pas la majorité des cas.
 
Cela étant, il faut bien reconnaître qu'une partie de la population vit dans la peur. Pas forcément dans la peur de ce qui leur arrive mais plutôt de ce qui pourrait éventuellement leur arriver. Et c'est cette nuance, fondamentale à mon sens, qui fait toute la différence entre insécurité bien réelle et sentiment d'insécurité.
 
Sans nier tout problème d'insécurité, qui n'est en rien une lubie populaire, il est clair que le sentiment d'insécurité fait des ravages dans les foyers. Aujourd'hui les gens sont plus méfiants et ont davantage peur qu'autrefois. Ce phénomène conduit alors à une demande de toujours plus de sécurité, notamment chez les particuliers. On voit alors se multiplier portails, barrières et digicodes comme si l'enfermement était la solution à tous les problèmes.
J'en prends comme exemple mon cas personnel. Je vis actuellement dans une copropriété dont la majorité des habitants sont des retraités. Le quartier est assez calme avec quasiment aucune nuisance ni dégradation hormis une voiture brulée à l'occasion. On est donc loin des cités remplies de dealers ! Pourtant, il nous a été proposé de fermer le quartier par des portails, justement pour des questions de sécurité. Soi-disant que cela rassurerait les gens et sécuriserait les lieux. Pire, j'ai même entendu certains résidents invoquer la peur de l'agression pour justifier ce projet. Preuve que parfois la peur annihile toute capacité de réflexion.
 
Le sentiment d'insécurité né donc et est entretenu par les peurs des gens. Peurs qui peuvent être légitimes par moment mais qui reposent parfois sur des réalités fantasmées. Comme je le disais précédemment, les gens sont aujourd'hui plus craintifs. Si les délinquants et criminels ne sont pas forcément plus nombreux qu'auparavant, il apparaît que leurs méfaits sont davantage connus. A l'ère du tout communication et en raison des évolutions technologiques, l'information se diffuse partout et plus vite. La moindre violence est donc connue de tous ce qui donne l'impression d'un accroissement de celle-ci. Il n'y a qu'à voir l'importance accordée aux faits divers dans les médias pour s'en rendre compte. Sans parler d'une partie de la classe politique, et notamment la droite et l'extrême droite, qui joue largement sur les peurs des gens pour récolter des voix.
 
L'action combinée des médias et des politiques à laquelle s'ajouter la réalité des faits conduit finalement à entretenir un climat de tension permanente au sein de la population et à cultiver un sentiment de méfiance générale aboutissant parfois à un recul net de la fraternité et de la solidarité.
 
Les questions de sécurité sont donc à la fois sensibles et complexes dans la mesure où il est nécessaire de traiter des problèmes concrets dans un contexte intellectuel particulier. Si certains jouent la carte de l'apaisement d'autres, dont c'est le fonds de commerce, n'hésitent pas en revanche à mettre de l'huile sur le feu pour des raisons purement électoralistes.
C'est donc pourquoi le sentiment d'insécurité, s'il s'agit d'un phénomène contemporain, a encore de belles années d'existence devant lui.

lundi 11 février 2013

Django Unchained : bien plus que du cinéma

Les lecteurs assidus de ce blog auront pu constater que l'art et la culture ne sont pas mes thèmes de prédilection. Non pas que je n'y sois pas sensible mais je leur préfère grandement la politique et l'économie. Cela étant, c'est de ma récente sortie au cinéma dont il sera question aujourd'hui.
 
Un certain nombre de mes amis m'avaient fortement recommandé d'aller voir Django Unchained de Quentin Tarantino. Et les excellentes critiques de ce film m'encourageaient effectivement en ce sens. Malgré tout, j'avais quelques réserves concernant le réalisateur depuis que j'avais vu Inglorious Basterds avec Brad Pitt. En effet, je n'avais que peu apprécié l'enchainement plutôt décousu du film ainsi que cette articulation en chapitre assez frustrante pour moi. Mais finalement les quelques extraits visionnés ont fini par me convaincre d'y aller.
 
Et bien m'en a pris tant ce film est excellent. Mieux il s'agit là du meilleur film que j'ai vu depuis longtemps : 2h45 de pur bonheur sans longueurs ni ennui. En termes de pitch basique, on retrouve bien là le grand classique américain à savoir un héros qui va sauver une demoiselle en détresse avec l'aide de son fidèle compagnon. Traditionnel certes mais toujours aussi efficace. De même, et c'est également une marque du cinéma américain, l'opposition entre le bien et le mal, les gentils et les méchants est clairement posée tout au long du film.
 
Outre ces aspects, il est clair que cette production est mise en valeur par la qualité de ces acteurs avec un casting haut en couleurs, si je puis dire. Les personnages principaux, à savoir King Schultz (Christoph Waltz) Django (Jamie Foxx) et Calvin Candie (Léonardo Di Caprio) sont tout simplement géniaux, à la fois dans leurs caractéristiques propres et leur interprétation. Sans oublier bien sûr le fidèle Steven campé par le célèbre Samuel L. Jackson.
 
Par ailleurs, il faut noter l'importance accordée à la musique par Tarantino. Musique qui rappelle indéniablement les westerns dont le réalisateur a voulu s'inspirer. Et prépondérance également de l'humour distillé par petites touches tout au long de l'intrigue qui permet de prendre du recul et de dédramatiser et de tourner à la dérision certains personnages et situations. Je pense notamment à la scène des cagoules lors de l'attaque des hommes du Ku Klux Klan.
 
Pour en finir avec l'aspect artistique, je soulignerais la violence du film. Il s'agit certes d'une marque de fabrique de Tarantino (cf Inglorious Basterds ou Kill Bill par exemple) mais certaines scènes peuvent malgré tout être assez choquantes, en particulier du fait de leur réalisme. Personnellement, ce n'est pas tant la violence physique qui m'a mis mal à l'aise par moment mais plutôt la "violence "psychologique et verbale" qui existe entre les différents protagonistes et en particulier entre les blancs et les noirs.
 
Mais si Django Unchained est plus qu'un bon film c'est, je crois, notamment en raison du thème qu'il aborde et du contexte particulier dans lequel les personnages évoluent. En effet, l'histoire de déroule en 1858 aux Etats-Unis quelques années seulement avant la guerre de Sécession. C'est donc dans une période noire des Etats-Unis, durant les années d'esclavage que se situe l'intrigue. Du fait de cet environnement, le film oblige donc d'une certaine manière à réfléchir sur l'esclavage et l'égalité entre les Hommes.
 
Le parti pris de Tarantino est on ne peut plus explicite du début à la fin. De fait, la plupart des personnages blancs sont assez primaires avec une intelligence clairement limitée et sont souvent tournés en dérision. De plus, le personnage du docteur Schultz, lui aussi blanc, incarne une sorte de conscience qui cherche à tempérer les ardeurs des esclavagistes.
Cela étant, Quentin Tarantino entend rappeler la terrible réalité de l’esclavage : châtiments corporels, travail dans les champs … Si celui-ci était très répandu à l'époque et a permis un enrichissement de nombreuses nations, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une pratique d'asservissement et de soumission d'un être humain sur la seule base de sa couleur de peau.
 
Si l'action se déroulait à la fin du XIXème siècle, je crois malgré tout que des parallèles peuvent être faits avec des périodes plus proches de nous, et en particulier la seconde guerre mondiale. Je prendrais notamment deux exemples pour illustrer cela.
En premier lieu, et la scène du repas dans la maison de Calvin Candie l'éclaire à merveille, Calvin Candie (Léonardo Di Caprio) explique à ses hôtes la supériorité de l'Homme blanc en se justifiant avec des données scientifiques et notamment la constitution du cerveau. En somme, les blancs exploitaient les noirs car il s'agissait d'êtres inférieurs avec une intelligence moins développée et une soumission plus forte. C'est ainsi avec ce genre de propos qu'Hitler et l'Allemagne Nazie ont réussi à exterminer des millions de juifs dans les années 1940.
Ensuite, et c'est peut-être plus discutable, je pense que le "comportement zélé" de certains esclaves peut être rapproché de celui des collabos sous l'occupation. Ainsi, Steven (Samuel L. Jackson) le majordome était d'une grande fidélité envers son maître et n'a pas hésité à dénoncer sa camarade d'infortune dans l'unique but de plaire à son propriétaire. Comme une partie des Français à l'époque, cet homme est allé au-delà des attentes de son maître au risque de trahir les siens.  Si cela est difficilement compréhensible sur le plan moral, on peut toutefois penser que ces comportements s'expliquent par une volonté (légitime) d'améliorer leur sort en s'attirant les faveurs du tyran.
 
Mais au-delà de la seconde guerre mondiale, des ressemblances existent avec l'ensemble des conflits où un peuple est opprimé par un autre. Dans l'Histoire du monde, les situations de domination ont été multiples et existent encore aujourd'hui. Quelles que soient les régions et les époques, les despotes ont toujours une bonne raison de faire régner la peur et la violence. Et ce jusqu'à ce qu'un soulèvement populaire massif permette d'inverser la tendance.
Aujourd'hui, dans notre monde moderne et "civilisé", l'esclavage existe malheureusement toujours. Celui-ci ne se présente plus sous la même forme de manière aussi ouverte mais les situations d'asservissement d'un individu par un autre sont encore légions, que ce soit en France ou à l'étranger. Et comme à l'époque l'objectif reste le même : exploiter la misère humaine pour s'enrichir toujours plus.
 
Plus que l'esclavage en tant que tel, le film de Tarantino conduit à s'interroger sur le respect de chacun et l'égalité entre les Hommes. Dans cette histoire, les noirs sont maltraités et dévalorisés en raison de leur seule couleur de peau. Par chance, les choses ont évolué dans le bon sens depuis mais il existe encore trop de comportements intolérables dans notre société. Alors bien sûr l'égalité parfaite n'existe pas et chaque personne est (heureusement) différente. Pour autant, les Hommes, quelles que soient leur couleur, leur origine ou leur ethnie, se ressemblent malgré justement leurs disparités. Et plutôt que d'exacerber ce qui nous éloigne, il serait préférable pour le bien de tous de chercher à valoriser ce qui nous rapproche. Et c'est là l'essence même de la Nation que de rassembler des gens différents autour de valeurs communes et dans un dessein collectif.
 
Juger l'autre fait partie intégrante de la nature humaine et chacun y est confronté au quotidien. Mais il faut, je crois, savoir dépasser ces a priori pour voir plus loin que le seul aspect physique.
 
En 2007, durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait pour slogan : "ensemble tout devient possible". C'est bien évidemment lui qui avait raison et cette phrase est indéniablement toujours d'actualité. Or en ces temps difficiles où la crise fait rage, il est bien plus facile de se replier sur soi-même et de rester avec ses semblables dans une forme confortable de communautarisme. Malgré tout, cela ne conduira en rien à résoudre les problèmes mais au contraire à les accentuer.
Si l'union fait la force, certains ont bien compris que diviser permet de mieux régner. Et ils n'hésitent donc pas à mettre de l'huile sur le feu, quitte à embraser le pays, en jouant sur les peurs et les angoisses. Rentrer dans leur jeu serait la pire des choses et conduirait irrémédiablement à une remise en cause de la cohésion nationale.
 
"L'Homme est un loup pour l'Homme" disait Thomas Hobbes. Cela était vrai au temps de la citation mais cela l'est encore plus aujourd'hui que l'argent, la finance et l'économie sont devenus l'alpha et l'oméga de nos civilisations. C'est généralement dans l'adversité que naissent les plus belles idées. Or c'est dans un tel moment que nous nous trouvons actuellement. Tâchons donc de rester unis en nous serrant les coudes les uns les autres afin de sortir de la tempête plutôt que de nous tirer dans les pattes pour de futiles raisons.