lundi 26 octobre 2015

Émeutes de Moirans : du laxisme à l'impuissance de l’État


Hier soir, TF1 diffusait dans l'émission "sept à huit" un reportage sur les récentes scènes de guérilla urbaine survenues à Moirans. Une fois encore Grenoble et son agglomération attire l'attention des médias pour des phénomènes de violence. Une fois de plus nous faisons la une pour de sombres affaires qui entachent encore un peu plus l'image déjà peu reluisante de notre région.

Évidemment Grenoble n'est pas un cas isolé en France. Et il est clair que le fait d'y habiter renforce le degré d'information et de connaissances des faits divers. Cela étant l'agglomération a connu son lot de mésaventures en tout genre (émeutes, braquages, règlement de comptes …) et restera tristement célèbre pour le discours de Nicolas Sarkozy du 30 juillet 2010.

Mais in fine ce n'est pas tant le lieu qui compte mais bien les faits en eux-mêmes. Et ici les faits sont clairs et limpides. Des individus appartenant à la communauté des gens du voyage ont mis à feu et à sang la commune de Moirans afin d'obtenir une permission de sortie précédemment refusée. Bref une "vulgaire" tentative de chantage par la violence.

Heureusement cela n'a pas fonctionné cette fois ci mais on peut évidemment se remémorer des évènements similaires en août dernier sur l'A1. Des gens du voyage (déjà) avaient complètement bloqué l'autoroute afin d'obtenir une permission de sortie (encore) pour l'un des leurs. Et de tels exemples peuvent être multipliés à l'envie. Je pense notamment en Isère au blocage de routes à Meylan ou du campus universitaire à Saint Martin d'Hères visant à obtenir l'ouverture de barrières afin d'y stationner leur caravane. La méthode est toujours la même : recourir à la violence pour obtenir d'un tiers, en l'occurrence l’État ou les communes, une dérogation à la règle de droit commun.

Malheureusement ces gens là obtiennent souvent ce qu'ils veulent. Et c'est bien là tout le problème. Car pourquoi ne pas recommencer si cela fonctionne ? Puisque la puissance publique cède face à ces revendications, pourquoi se priver ? Cette faiblesse de l’État crée finalement une sorte de jurisprudence qui incite à récidiver. Les émeutiers de Moirans n'ont peut-être fait que s'inspirer de leurs confrères de l'A1. Peut-être ont-ils simplement profité de la brèche ouverte à cette occasion ?

Voila toute la problématique qui nous occupe aujourd'hui. Évidemment dans le cas de Moirans mais bien plus largement en réalité. La faiblesse de l’État. Son laxisme ou pire, son impuissance. Beaucoup d'habitants ont blâmé les policiers et gendarmes présents sur place pour leur inaction. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils laissaient ces voyous saccager leur ville sans rien faire. A Moirans comme ailleurs la réponse est la même : "on a des ordres".

Ordre. Voila le mot magique. Mais en fait d'ordres de la part de nos gouvernants, c'est le désordre qui s'installe. La chienlit comme disait De Gaulle. L’État a peur. Peur de la bavure, peur de la contagion, peur d'un nouveau 2005.
On peut évidemment comprendre qu'il faille tenir compte des risques et conséquences avant d'intervenir mais quelle image donnée à la population que ce laisser-faire ? Comment demander aux citoyens de respecter les lois sous peine de sanctions alors que d'autres bénéficient d'une totale impunité ? Comment justifier ce deux poids-deux mesures, cette telle différence de traitement entre d'un côté des CRS qui délogent manu militari des avocats manifestant pacifiquement devant un tribunal et de l'autre ces mêmes CRS qui restent immobiles devant des voyous brulant des voitures ?

Le citoyen lambda ne peut qu'être stupéfait par ce phénomène. Il ne peut que s'interroger de voir ses dirigeants si impuissants face à des voyous. Parce qu'il est l’État, l’État ne peut et ne doit pas avoir peur. De par ses attributs et ses fonctions, l’État doit assurer l'ordre sur son territoire et protéger sa population. Or tout cela l’État a renoncé à le faire. L’État est devenu couard et fuit de plus en plus ses responsabilités au risque de déstabiliser toujours plus le fragile équilibre de la vie en communauté.

Dans le cas qui nous occupe, on ne peut que regretter qu'aucune interpellation n'ait eu lieu. Et malgré les vaines promesses du premier ministre, on peut légitimement penser qu'aucune poursuite ne sera engagée comme ce fut le cas par le passé. Je ne peux m'empêcher de me demander si une intervention franche et massive afin de faire cesser ces exactions n'aurait pas été préférable ? Nos forces de l'ordre sont-elles à ce point incompétentes qu'elles n'auraient pas su ramener le calme ? Je ne le crois pas. Une fois de plus l’État a cédé face aux gens du voyage, laissant ces individus évoluer en toute liberté jusqu'au prochain affrontement pour je ne sais quelle revendication.

Accuser l’État de tous les maux de notre pays serait bien sûr une hérésie. Mais je suis convaincu que beaucoup de nos problèmes seraient résolus si l’État se redonnait les moyens de son action, et ce dans tous les domaines. Seul un État fort et souverain sera en mesure d'affronter les défis des prochaines années. Espérons simplement que nos dirigeants en aient conscience …

lundi 5 octobre 2015

Poutine, ce grand méchant loup ?

"L'Histoire est un perpétuel recommencement" disait Thucydide (historien grec, auteur de l'histoire de la guerre du Péloponnèse) en son temps. A la lumière des évènements de ces derniers jours, il semblerait que celui-ci n'ait pas forcément tort.

Plusieurs décennies après la chute du mur de Berlin et alors que le monde est clairement devenu multipolaire, des relents de guerre froide se font à nouveau sentir. Comme à l'époque deux blocs s'opposent et se font face. En cause aujourd'hui, la lutte contre Daech en Syrie et la position vis-à-vis de Bachar el-Assad.

Si les deux camps ont le même objectif final, à savoir combattre et détruire Daech, ce sont les moyens d'y arriver qui différent.
Côté occidentaux, les États-Unis et la France, entre autres, ont clairement exprimé leur volonté de voir le président syrien quitter le pouvoir. François Hollande l'a d'ailleurs réaffirmé à plusieurs reprises et l'a posé en condition sine qua none. Pour aboutir à cela, américains et européens ont donc soutenu ouvertement l'opposition dite "modérée" en Syrie en les entrainant et les armant. Outre le fait que cette stratégie soit un échec, celle-ci est surtout à double tranchant puisqu'elle consiste à appuyer militairement des groupes tels que le front al-Nosra qui sont proches d'Al-Qaïda. Autrement dit, cela revient à renforcer nos ennemis d'hier, et qui le seront probablement de nouveau demain.
Côté Russes, les ambitions ne sont pas aussi clairement revendiquées mais Vladimir Poutine n'a jamais vraiment caché non plus son soutien à Bachar el-Assad. D'ailleurs, il semblerait que les frappes aériennes russes visent tout à la fois Daech et les forces rebelles.

On assiste donc bel et bien à un combat à distance entre Occidentaux d'une part et Russes d'autre part. Lutte où les premiers cherchent à renverser Assad par procuration tandis que les seconds œuvrent à son maintien. Et c'est peut-être bien là tout le nœud du problème. Car finalement c'est Daech qui profite de ce jeu d'influences en Syrie.

Alors que le destin de Bachar el-Assad devrait selon moi être secondaire, il constitue l'alpha et l'oméga de la politique menée par les occidentaux. Faire du départ du président syrien un pré-requis est pour moi une erreur fondamentale qui conduirait à enfoncer davantage le pays dans le chaos. Je ne peux que regretter d'ailleurs que la France n'ait pas retenu les leçons du passé en Irak ou en Libye. Je ne peux que me désoler que François Hollande s'entête dans cette voie en refusant tout dialogue avec le pouvoir en place.

Alors bien sûr que Bachar el-Assad est un dictateur sanguinaire. Bien sûr que son régime est loin d'être un système démocratique. Personne ne remet cela en question. Mais cela doit-il nous empêcher de discuter avec lui ? Je ne le crois pas. Car dans ce cas il faudrait cesser toute relation diplomatique avec l'Arabie Saoudite ou le Qatar qui ne sont pas non plus des modèles de vertu.

Les circonstances étant ce qu'elles sont, la lutte contre Daech, et plus largement la stabilisation du Moyen-Orient, doit constituer la priorité de ces prochaines années. Pour autant, les méthodes de cow-boy des américains ne sont pas une solution tant elles ont prouvé leur inefficacité et leur contre-productivité. Pour réussir, il me semble nécessaire de mettre sur pied une grande coalition militaire internationale sous mandat de l'ONU et réunissant russes, américains et européens ainsi que les pays voisins de la Syrie. C'est à cette condition, et quitte à s'appuyer sur le régime en place, que la situation pourra évoluer favorablement.  

Les nations occidentales doivent comprendre que la démocratie et leur modèle de développement ne sont pas forcément exportables en l'état et ne doivent surtout pas être imposés à des nations qui n'en veulent pas. Nous payons malheureusement aujourd'hui les erreurs d'hier que ce soit en Irak, en Afghanistan ou en Libye.
Pour ne pas donner raison à Thucydide et éviter que l'Histoire se répète à nouveau, peut-être faudrait-il retenir les leçons du passé et privilégier le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes plutôt que l'ingérence.