dimanche 22 mars 2015

Service citoyen : quelle forme pour quel objectif ?

Suite aux évènements de janvier, les notions de cohésion nationale et de citoyenneté refont surface. François Hollande a ainsi fait différentes annonces visant à développer davantage le service civique et a lancé une réflexion sur une nouvelle forme d'engagement des jeunes au service de la nation. Si certains souhaitent rendre obligatoire le service civique, d'autres, notamment à droite (Xavier Bertrand et François Baroin par exemple) évoquent un nouveau service militaire.
 
Aujourd'hui différents dispositifs existent avec leurs forces et leurs faiblesses (service civique, service militaire adapté outre-mer, réserve citoyenne …). Mais avant de chercher à créer ou adapter un service "citoyen", encore faut-il définir les objectifs que l'on souhaite remplir.
 
Clarifier le "pourquoi" avant le "comment" me paraît être une priorité tant ce sont les buts à atteindre qui doivent conditionner à la fois les moyens alloués et les dispositifs mis en place.
Que ce soit le service militaire de l'époque ou le service civique d'aujourd'hui, il apparait que les objectifs poursuivis sont finalement proches. Et ce sont donc sensiblement les mêmes que ce "service citoyen 2.0" doit poursuivre : mixité sociale, ouverture d'esprit et engagement au service de la collectivité. Plus largement, on peut résumer cela par une volonté de redonner un cadre à la jeunesse.
 
Si le consensus autour du "pourquoi" est relativement aisé, il n'en sera pas forcément de même pour le "comment". Gageons ainsi que la question du retour du service militaire sera un sujet de discorde. Impossible donc de passer cette question sous silence dans ce débat.
 
A première vue un retour du service militaire peut effectivement sembler une bonne chose, notamment en raison des aspects discipline et autorité qui font parfois défaut chez certaines personnes. Toutefois ce dispositif rencontre un certain nombre de problématiques qui semblent difficiles à surmonter. Tout d'abord, il apparait que l'armée, du fait de coupes budgétaires importantes, n'a plus aujourd'hui la capacité (en encadrement, logistique et casernes) d'accueillir les conscrits. Ensuite, et depuis la réforme de 1997, l'armée s'est professionnalisée avec les conséquences que cela induit en termes de matériel et de formation et donc de possibilité d'intégration de personnes tierces. Enfin, et nous en revenons à ces fameux objectifs, la question des missions proposées aux jeunes, qui rejettent parfois vivement les aspects militaires, paraît complexe à résoudre. Que feront donc ces appelés dans les casernes : du sport, de la surveillance de bâtiments publics ? Peut-être mais quel intérêt à la fois pour le pays et sa jeunesse ?
Pour moi, un retour du service militaire ne semble donc pas être adapté aux enjeux actuels ni être en phase avec la société d'aujourd'hui. En tout cas pas dans le cadre d'un recours massif. On peut toutefois envisager, dans certains cas précis et clairement identifiés, d'envoyer des jeunes en difficulté dans des centres fermés à encadrement militaire. Cela pouvant être vu comme une alternative à la prison.

Si le service militaire a parfois été évoqué, le service civique a quant à lui été massivement cité et plébiscité. Actuellement le service civique est un dispositif basé sur le volontariat permettant à des jeunes âgés de 16 à 25 ans de s'engager pour une durée de six à douze mois au service de la collectivité dans le cadre d'une mission d'intérêt général.
Gagnant en popularité, le service civique séduit chaque année davantage de jeunes avec une moyenne d'âge de 21 ans. Malgré un coût non négligeable et une organisation parfois lourde à mettre en place, il semble que le service civique soit bénéfique à la fois pour le jeune engagé et pour l'association ou la collectivité qui l'accueille, chacun trouvant un intérêt dans cette collaboration. Bref, une coopération gagnant-gagnant.
 
Au vu de ces aspects positifs, on peut donc s'interroger sur l'opportunité de généraliser le service civique. Répondant parfaitement aux objectifs évoqués précédemment, il parait intéressant d'aboutir à terme à un service civique obligatoire pour tous d'une durée de trois mois qui pourrait être prolongée de manière facultative et volontaire par les plus motivés. Le but n'étant de pénaliser personne, ces trois mois pourraient être effectués en une seule fois (pendant les vacances d'été par exemple) ou de manière entrecoupée afin d'une part de se concilier plus aisément avec des obligations scolaires ou professionnelles et d'autre part de s'adapter aux besoins des structures d'accueil.
 
Bien évidemment le caractère obligatoire de ce nouveau service civique appelle un certain nombre de questions qui doivent être clarifiées en amont. Premièrement, les structures d'accueil. Car la généralisation de ce dispositif implique forcément de trouver davantage de missions pour faire face à l'afflux d'engagés. Cette question est primordiale et doit donc être traitée en priorité dans la mesure où chaque jeune doit se voir confier une mission utile, intéressante et valorisante. Si le chantier est d'ampleur, on peut légitimement penser que notre tissu associatif vaste et varié saura y prendre toute sa place.
Deuxième aspect à anticiper, la problématique du coût. En effet, du fait de la multiplication des effectifs engagés, le budget à consacrer explosera, à la fois s'agissant des indemnités de mission (573 € nets mensuels actuellement) et de la prise en charge des frais de déplacement et de logement. Là encore, la marche à franchir est haute mais se résumera in fine à l'existence ou non d'une réelle volonté politique afin de trouver les crédits nécessaires.
Enfin, se posera la problématique de l'acceptation de cette nouvelle obligation. Si certains verront ce service civique comme une vraie opportunité avec un réel intérêt à la fois en termes humains et professionnels, d'autre considéreront qu'il s'agit d'une nouvelle contrainte. Bien évidemment l’adhésion sera d’autant plus grande que la mission proposée sera intéressante mais on peut raisonnablement estimer qu’un certain nombre de personnes seront réfractaires, comme cela est déjà le cas pour la JDC (Journée Défense et Citoyenneté). Voila pourquoi, afin de dissuader toute contestation trop véhémente, il semble opportun de conserver le concept de certificat individuel de participation. C'est-à-dire un document officiel remis à l’issue du service civique permettant l’inscription aux examens nationaux (baccalauréat, permis de conduire, concours de la fonction publique …).
 
Quelle que soit la forme choisie, ce service citoyen ne doit pas se contenter d’être une réaction aux évènements de janvier. Celui-ci doit au contraire s’inscrire dans une action construite sur le long terme et s’insérer dans une politique globale à destination de la jeunesse.