mercredi 22 avril 2015

Parité en politique : une discrimination comme les autres ?

Si la parité est un vieux sujet en politique, il n'en reste pas moins que celui-ci revient régulièrement sur le devant de la scène. Et cela a été le cas avec les élections départementales où une réforme du scrutin a imposé de présenter un binôme homme-femme. Si la parité est effectivement respectée dans les assemblées départementales, on en est encore loin au niveau des exécutifs avec seulement 10 femmes présidentes sur 101. Et les chiffres sont tout aussi mauvais au Parlement avec 27 % de femmes à l'Assemblée Nationale et 25 % au Sénat.

Bien que des progrès soient constatés avec le temps, on peut noter que dans notre pays la parité est souvent appréhendée sous son aspect coercitif. Pour preuve, la loi du 6 juin 2000 sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives prévoit, entre autres, des amendes pour les partis ne présentant pas 50% de femmes aux élections législatives. Cela ayant pour conséquence de réduire le financement public de 4 M€ pour l'UMP et 1,4 M€ pour le PS.

La lutte contre les carences des partis est certes nécessaire mais insuffisante. A mon sens, il est préférable de s'interroger sur les causes de la sous-représentation des femmes en politique. Car comment combattre un phénomène sans le comprendre ?


Indéniablement les hommes trustent une grande partie des postes. Mais s'arrêter à cette seule explication n'est pas suffisant dans la mesure où on ne peut que constater la grande difficulté à trouver des femmes pour constituer des listes comme aux élections municipales par exemple.
Une autre explication peut alors être avancée. Pendant des décennies voire des siècles, la femme était cantonnée à la gestion du foyer et à l'éducation des enfants. Au fur et à mesure du temps, la femme s'est émancipée et à trouver une nouvelle place dans la société, notamment au travers du travail et de l'autonomie financière.  Aujourd'hui, les femmes doivent alors concilier leur vie de mère, d'épouse, de travailleuse … Endosser de nouvelles responsabilités politiques se révèle donc parfois compliqué.
Enfin, et sans généraliser, on peut imaginer que les femmes se censurent elles-mêmes, par peur de l'inconnu, par manque de confiance … Sentiments pouvant d'ailleurs être renforcé par leur environnement masculin.


On remarque finalement que la vie politique est à l'image de la société avec un certain conservatisme qui perdure et une perpétuation d'une sorte de modèle patriarcal. On retrouve d'ailleurs les mêmes problématiques dans le monde de l'entreprise avec toujours de fortes inégalités hommes-femmes.

Si le paysage politique français n'est clairement pas représentatif de la population en termes de sexe, il ne l'est pas non plus pour ce qui est des catégories socioprofessionnelles. On peut d'ailleurs même dire que ce mal est plus profond dans la mesure où rien n'est réellement fait pour changer la donne.

Là encore se limiter au constat ne suffit pas si l'on souhaite faire évoluer les choses.
Plusieurs raisons peuvent expliquer la prépondérance des cadres et professions libérales aux dépens des ouvriers et employés. Avant toute chose, on peut écarter la seule question des compétences. Certes il existe parfois de fortes disparités de culture et de connaissances liées notamment au parcours scolaire et à la formation mais cela ne justifie en rien l'absence quasi-totale des ouvriers et employés à l'Assemblée Nationale et au Sénat.


En revanche, la question de l'organisation de la vie politique française avec  le (non) statut de l'élu doit être posée. En effet, cela entraine une exclusion de fait d'une partie de la population avec deux barrières principales qui les empêche de se présenter. D'une part, le coût très important d'une campagne électorale ainsi que le seuil des 5% pour le remboursement public. Difficile alors pour les classes populaires de se porter candidat hors des principaux partis politiques. D'autre part, la conciliation d'un mandat avec le monde du travail. Si les professions libérales (médecins, avocats …) peuvent aisément mettre leur carrière entre parenthèse le temps d'une élection, il n'en est clairement pas de même pour un salarié lambda. Au vu de la conjoncture, on peut donc comprendre la réticence à quitter son emploi et ce d'autant plus que l'issue d'une élection est toujours incertaine.
Parallèlement à cela, on peut également ajouter que les préoccupations des gens peuvent différer selon leur catégorie socioprofessionnelle. Autrement dit, les classes populaires ont peut-être d'autres priorités que l'engagement public. Sans parler évidemment de la déception, du désintérêt voire du dégoût croissants des plus modestes pour la politique.


Finalement, on s'aperçoit que la parité est un sujet ancien qui touche à la fois la vie politique et la sphère économique. Cette question de représentativité de la population dans les différentes instances du pays est une réelle problématique qui doit dépasser la seule question des femmes.
Pour l'heure, nos gouvernants ont choisi la voie coercitive avec les résultats que l'on connait. Si des progrès ont été faits, on ne peut que constater que le chemin est encore long. Si la sanction peut être un moyen, elle ne doit pas constituer une fin en soi et il est nécessaire d'adapter notre système et de faire évoluer les mentalités afin de dépasser ce stade.


Attention toutefois à ne pas passer d'un extrême à l'autre en instaurant, si ce n'est déjà fait, une forme de discrimination positive. Car malgré l'adjonction du terme "positif", cela n'en reste pas moins de la discrimination. Et cela reviendrait à enfermer les personnes dans des cases et à les choisir pour ce qu'elles sont, ce qu'elles représentent (sexe, CSP …) et non pour leurs qualités intrinsèques.
Soyons donc vigilants à ce que le remède ne soit pas pire que le mal.