mardi 21 juillet 2015

"Le bruit de la douche" de David Desgouilles

L'été étant propice à la lecture, c'est avec une certaine impatience que j'ai profité de mes vacances pour lire le premier roman de David Desgouilles, blogueur émérite, intitulé "le bruit de la douche".

Disons le tout de suite, j'ai adoré ce livre et je le recommande fortement. En particulier à tous les adeptes comme moi de l'uchronie. Pour les non-initiés, l'uchronie est un style littéraire qui consiste à réécrire l'histoire en imaginant le monde si un évènement passé avait eu une autre issue.

Et dans le cas qui nous occupe, le point de départ est le Sofitel de New-York et plus particulièrement la suite occupée par Dominique Strauss-Kahn. Contrairement à la réalité, le président du FMI ne fera pas la rencontre de Nafissatou Diallo. Aucun risque de "dérapage" donc et bien sûr pas d'affaire DSK qui ira finalement bien déjeuner avec sa fille. C'est donc là que commence l'histoire pour nous amener progressivement à une candidature de DSK à la primaire socialiste puis à l'élection présidentielle de 2012.

Outre Strauss-Kahn, il est un autre personnage principal qui se révèle finalement être l'élément clé du roman : Anne-Sophie Myotte. Initialement membre de l'équipe Montebourg lors de la primaire, celle-ci deviendra l'une des plus proches collaboratrices de DSK durant la campagne puis à l'Elysée. C'est d'ailleurs elle qui contribuera à son élection en impulsant  une campagne de terrain, à tendance plutôt souverainiste et clairement pragmatique. Bref, loin de l'image de "candidat des élites mondialisées" dont souffrait le ténor socialiste.  

Indéniablement Anne-Sophie Myotte est une pièce maitresse du roman autour de laquelle l'intrigue se déroule. Si cette femme ne semble pas exister dans la réalité, en tout cas pas réunie toute entière au sein d'une seule et même personne, il n'en reste pas moins que ses propos et comportements sont très plausibles. Je ne peux d'ailleurs que regretter qu'Anne-Sophie ne conseille pas nos dirigeants actuels …
Mais outre ce personnage fictif, d'autres individus bien réels eux sont amenés à évoluer en parallèle. Et ce qui est le plus compliqué, et le plus beau à la fois, c'est que l'auteur arrive avec aisance à nous donner l'illusion de la réalité tant les dialogues sont crédibles et réalistes. Seul petit bémol à mon sens, la conversation entre Eric Zemmour et "l'amantdedroite" au sujet d'Anne-Sophie qui m'a paru quelque peu capillotractée.

Parallèlement à cela, je souhaitais revenir sur une thèse avancée par l'auteur dans ce livre. Celui-ci défend l'idée selon laquelle une sortie de l'euro nécessiterait un certain effet de surprise afin d'éviter notamment une anticipation voire une panique des marchés accompagnée d'une fuite des capitaux. En conséquence de quoi les défenseurs d'un démontage de la zone euro ne seraient pas en mesure de le mettre en œuvre puisque annoncé dans leur programme. In fine, seuls l'UMP et le PS en auraient la possibilité car cela serait a priori inattendu de leur part.   
N'étant pas expert en économie, il m'est difficile de juger de la pertinence de cette théorie. J'espère toutefois que les partis en faveur d'une sortie de l'euro ont réfléchi à ce cas de figure et ont prévu des solutions pour y faire face.  Cela étant, et selon comment la situation évolue, la zone euro se délitera d'elle-même la conduisant à une dissolution de fait. Mais cela est un tout autre sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir plus tard.

Mais revenons à nos moutons.
S'il s'agissait là de son premier roman, et au vu de la qualité de celui-ci, je ne peux qu'espérer que David Desgouilles ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Avec pourquoi pas la suite des aventures de DSK au pays des francs.

vendredi 3 juillet 2015

Tsipras : héros ou bourreau ?

Si la Grèce a toujours été réputée pour ses tragédies, il semblerait bien que la tradition se perpétue encore au XXIème siècle. Et ce n'est pas Alexis Tsipras, le premier ministre grec, qui me contredirait. Car c'est bien lui et son gouvernement qui sont au cœur de l'actualité de ces dernières semaines. Un vrai feuilleton à rebondissements avec juste ce qu'il faut de suspense et de tension.
Un nouvel épisode se jouera d'ailleurs dimanche avec la consultation du peuple grec par référendum. Je ne reviendrais pas sur le déroulé des évènements tant ils ont été nombreux.  Cela étant, il me semble important de s'attarder quelque peu sur les réactions suite à l'annonce de ce vote.

La victoire de Syriza en  janvier dernier avait été accueillie de manière diverse, les uns avec méfiance, les autres, dont moi-même, avec une certaine bienveillance. Bien que ne partageant pas l'ensemble des positions d'Alexis Tsipras, je pensais que son accession au pouvoir était une bonne chose pour la Grèce mais également pour toute l'europe. Et finalement, malgré un parcours parfois chaotique, il semblerait que je ne me sois pas trompé.

Indéniablement Tsipras n'est pas parfait et certaines choses auraient pu être faites différemment. Mais il faut toutefois reconnaitre à l'homme sa pugnacité et sa détermination. Si certains estiment qu'il n'est pas allé assez loin, nul ne peut contester sa volonté de négociation voire d'affrontement. Et c'est peut-être cela finalement qui surprend. Car oui Alexis Tsipras fait de la politique. Oui il ose dire non à l'austérité imposée. Oui il n'hésite pas à tenir tête à Angela Merkel.

Et j'en suis d'ailleurs le premier satisfait. Pendant trop longtemps les dirigeants européens et notamment français (Hollande comme Sarkozy) ont fait mine de vouloir se rebeller face à l'Allemagne mais se sont finalement soumis à la première semonce de la chancelière. Il s'agissait là clairement d'une erreur qui a conforté Merkel dans sa suprématie, et ce aux dépens de l'ensemble des peuples d'europe.

On peut alors aujourd'hui comprendre l'émoi suscité dans les hautes sphères par le premier ministre grec qui vient troubler l'ordre établi. Et il n'est donc pas illogique que Tsipras se retrouve isolé sur la scène internationale, banni honteusement par ses homologues européens. Pour autant, isolé ne veut pas dire seul et un mouvement de soutien s'est rapidement constitué, et ce bien au-delà de la Grèce. Récemment, Paul Krugman et Joseph Stiglitz, deux Prix Nobel d’économie, ont  ainsi pris clairement et fermement position en faveur d’Alexis Tsipras et appellent même à voter "Non".

Une fois n'est pas coutume, c'est de la commission européenne et de l'Allemagne que sont venues les principales attaques. Et celles-ci ont clairement redoublé depuis l'annonce du référendum. Ainsi, pour Jean-Claude Juncker, président non-élu de la commission, "un non des Grecs au référendum serait interprété comme un non à la zone euro, un non à l’europe". De là à y voir une grossière manipulation … Car n'oublions pas que l'union européenne (28 pays) n'est pas la zone (18 pays). Et l'UE n'a pas attendu l'euro pour exister. La coopération entre nations européennes existait avant l'euro et perdurera bien après.

Mais toute la problématique est de bien savoir de quoi on parle aujourd'hui. Et en cela Nicolas Sarkozy a été on ne peut plus clair : "la question n'est plus comment sauver la Grèce mais comment sauver la zone euro". Finalement ce n'est pas tant la Grèce qui intéresse nos dirigeants mais davantage le maintien de leur système. Et lorsque l'on parle de plan d'aide, il ne s'agit pas de soutenir mais les grecs mais de venir au secours des établissements financiers qui ont prêté à la Grèce. Et tout cela en demandant au peuple de se serrer la ceinture évidemment.

Alors que se passera-t-il dans le futur ?
Bien malin qui pourrait répondre à cette question aujourd'hui. Car la situation évolue chaque jour en fonction des prises de position de chacun. A mon sens, et pour simplifier, deux issues sont possibles.  Soit Tsipras perd son pari, démissionne et sera remplacé par des technocrates qui se soumettront à la cure d'austérité de la Troïka. Cela reviendrait alors à tourner la page Syriza et à revenir au passé.
Soit Tsipras obtient le soutien de son peuple et peut continuer à mener la fronde. Il reviendra alors à ses opposants de prendre leurs responsabilités en se remettant à la table des négociations, ce qui semble difficile à l'heure actuelle, ou bien en excluant le pays de la zone euro. La Grèce recouvrant alors sa pleine et entière souveraineté monétaire.

Quelle que soit l'issue du problème, le cas de la Grèce aura permis de révéler à nouveau au grand jour le vrai visage des institutions européennes : austéritaires, libérales, antidémocratiques. Initialement économique, la situation est devenue clairement politique avec un affrontement idéologique entre souverainistes et mondialistes au milieu duquel le peuple se trouve pris au piège …