mardi 21 juin 2016

Election municipales en Italie : 5 étoiles pour Rome et Turin

Après l'Autriche et avant l'Angleterre, c'est l'Italie qui était appelée aux urnes ce dimanche pour le second  tour des élections municipales. Le premier semestre 2016 aura donc été riche en votes au niveau européen.
Si chaque élection est bien évidemment différente avec des problématiques propres à chaque pays, on peut toutefois constater d'importants points de similitudes entre ces échéances. Ou en tout cas une certaine répétition dans les résultats.

Que voit-on finalement dans chacune de ces élections ?
Deux éléments sont à mon sens primordiaux et récurrents. D'une part, que ce soit en Espagne, en Italie ou en Autriche, on ne peut qu'observer un rejet plus ou moins massif des partis institutionnels. Droite et gauche de gouvernement sont remisés notamment au profit de mouvements dits citoyens (Podemos en Espagne, mouvement 5 étoiles en Italie) ou de formations d'extrême droite (FPO en Autriche).  

Cette lame de fond qui parcourt/balaie l'europe n'a pas épargné l'Italie comme l'ont prouvé les dernières élections municipales. Bien que marqué par une forte abstention, ce scrutin se révèle être à la fois une importante victoire pour le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo qui s'empare de Rome et Turin mais également une lourde défaite pour le PD (Parti Démocrate) du premier ministre Matteo Renzi qui se retrouve dans une situation de plus en délicate. Et ce n'est pas le référendum d'octobre sur la future réforme constitutionnelle qui risque d'arranger les choses dans la mesure où celui-ci a lié son sort à l'issue du scrutin.

Analyser uniquement ces élections municipales comme un refus de la ligne politique du gouvernement serait toutefois une erreur. Car il s'agit de bien plus que cela en réalité. Certes le premier ministre et le PD ont accumulé nombre de griefs contre eux mais on remarque malgré tout la conservation de plusieurs villes telles que Milan ou Bologne ce qui nous conduit à nuancer notre jugement.
La prise en compte du profil des candidats victorieux permet en revanche de mieux comprendre leur succès. Comme Podemos en Espagne, le mouvement 5 étoiles est une formation plutôt jeune et issue de la société civile qui prône une nouvelle manière de faire de la politique. Leur volonté de renouvellement de la classe politique les conduit alors à présenter des candidats jeunes, peu ou pas expérimentés à l'inverse des candidats des partis traditionnels qui sont eux en place depuis de nombreuses années et sont pour certains englués dans des affaires de corruption.   
Cette stratégie fut doublement gagnante à Rome et Turin avec l'élection de deux jeunes femmes (Virginia Raggi, 37ans dans la capitale et Chiara Appendino, 31 ans). Peu connues du grand public, celles-ci ont réussi le pari d'incarner le renouveau face aux candidats sortants, des hommes plus âgés et expérimentés.

Si la campagne n'a pas été de tout repos et que la victoire était loin d'être acquise, le plus dur est peut-être finalement à venir. Indéniablement ces candidats, en Italie, en Espagne ou ailleurs, suscitent une importante vague d'espoir mais aussi, et surtout, une forte attente de la part de leurs concitoyens. Plus encore que la situation des villes conquises ou les attaques de l'opposition, ce sera l'impatience des électeurs qui constituera le pire ennemi de ces nouveaux élus. Toute la difficulté se résume donc maintenant à résister à l'épreuve du pouvoir et à la confrontation avec la réalité …

mardi 7 juin 2016

Oz ta droite ou le coup (pas totalement) manqué de Robert Ménard

Le week-end dernier, Robert Ménard organisait dans sa ville les fameux "Rendez-vous de Béziers". Réunissant différents partis ou mouvances de droite (FN, Siel, une partie des Républicains …),  ce rassemblement hétéroclite se voulait être une sorte d'états généraux de la droite. Ménard avait d'ailleurs lancé pour l'occasion un nouveau mouvement du nom "d'Oz ta droite".

Curiosité médiatique et politique, l'évènement organisé par Robert Ménard, passé de RSF (Reporters Sans Frontières) à la mairie de Béziers, ne pouvait qu'attirer les journalistes … qui furent au rendez-vous. Cela fut également le cas avec le public qui se pressa assez nombreux pour assister aux différents débats et tables rondes proposés. On ne peut toutefois pas en dire autant côté politiques. Si Marion Maréchal-Le Pen fit un passage (plus court que prévu) accompagné de Louis Aliot, peu de leaders de droite de premier plan se sont finalement présentés à ces journées.

Et pour autant, est-ce vraiment étonnant ?
Je ne le crois pas. Ce revers était finalement assez prévisible du fait de la nature même de la droite dans notre pays. Enfin si tant est que l'on puisse parler de "la" droite. Car de même qu'il y a selon moi plusieurs gauches, je crois qu'il existe plusieurs droites. Et comme à gauche, si des convergences existent entre ces différentes composantes, de profonds désaccords les séparent.
Pour aller plus loin je dirais même, en particulier en matière économique, que des points d'accord importants rassemblent une partie de la gauche et de la droite. Il n'y a qu'à voir les débats actuels autour de la loi travail pour s'en convaincre.

Sans revenir à la typologie des droites de René Rémond (légitimiste, orléaniste et bonapartiste), il me semble exister aujourd'hui dans le paysage politique français deux lignes de clivage qui finalement transcendent la gauche et la droite. Je n'ai d'ailleurs de cesse de répéter que cette distinction est dépassée depuis de nombreuses années. En réalité les nouvelles lignes de démarcation s'opèrent autour du rapport au libre-échange et à la mondialisation ainsi qu'à l'europe. On retrouve alors une opposition d'une part entre souverainistes et mondialistes et d'autre part entre interventionnistes et libéraux. Gauche et droite se mélangeant allégrement sur ces axes, on retrouve ainsi LR et PS dans les catégories mondialistes et libéraux.

Mais revenons-en à nos moutons.
Comme nous l'avons dit, les droites sont diverses et d'importantes divisions existent, à la fois entre mouvements mais également au sein du même parti. L'existence de lignes politiques différentes chez les Républicains mais également au FN (Philippot vs Maréchal Le Pen) est aujourd'hui indéniable même si les appareils cherchent à taire et réduire, au moins vis-à-vis de l'extérieur, ces courants.
Réunir l'ensemble des composantes de droite autour d'un consensus n'est donc clairement pas chose aisée. Et il aurait été surprenant que Robert Ménard y parvienne au vu de ces divergences. Sans parler évidemment des aspects de stratégie politique ou encore des problématiques d'egos.
Quoi que l'on pense de l'initiative ou de la personnalité hôte, le maire de Béziers a au moins le mérite d'avoir essayé quelque chose de plutôt novateur à droite. Nul ne sait vraiment si la démarche était sincère mais ce qui est certain c'est que Robert Ménard s'est retrouvé sous le feu des projecteurs durant ces quelques jours. Plus encore celui-ci s'est posé, ce qui est certes discutable, en personnage incontournable pour l'élection présidentielle de 2017. Et la publication de 51mesures issues de ces "rendez-vous de Béziers" place une fois de plus Ménard au centre de l'agitation politico-médiatique dans la mesure où celles-ci ont été reprises et commentées à de multiples reprises.

Ces propositions qui devaient être issues des débats et donc construites avec la salle étaient en réalité, comme souvent dans ce genre ce genre d'évènement d'ailleurs, rédigées en amont. Cela ne m'a toutefois pas empêché de parcourir ces 51 idées et si je suis en accord avec certaines (en particulier la partie "de l'indépendance"), j'en rejette un grand nombre (notamment la partie "de l'effort").  En revanche, ce qui m'a le plus interpellé c'est que ce programme, car c'est finalement bien d'une bribe de programme dont il s'agit, est présenté comme un programme de droite. Une droite assumée, LA vraie droite en quelque sorte.

S'il n'existe pas comme nous l'avons expliqué précédemment, une droite en tant que tel, "Oz ta droite" s'inscrit toutefois dans le courant de la droite souverainiste libérale. Si cet élément peut paraitre anodin au premier abord, il s'avère au contraire fondamental dès lors qu'on le replace dans son contexte.
Petit retour en arrière. Chacun aura pu suivre les récentes tribulations du FN avec l'affrontement à la fois entre deux personnalités (Marine vs Jean-Marie) mais aussi entre deux visions politiques/économiques (interventionnisme vs libéralisme). Il n'aura également échappé à personne que Marion Maréchal-Le Pen reprend à son compte la ligne historique du parti portée par son grand-père et que la jeune femme a reçu un soutien appuyé de Robert Ménard à différentes occasions.
A la lumière de tout cela, on ne peut que constater l'habileté du maire de Béziers qui, bien que prétendant prendre ses distances avec le Front National, fait la promotion des idées portées par Marion au sein du parti.

Indéniablement, Robert Ménard est beaucoup plus malin que certains ne le pensent. Si ces "rendez-vous de Béziers" n'auront pas permis de refonder la droite (était-ce seulement l'objectif ?), ces journées de débat auront finalement servi à renforcer les positions de Marion Maréchal-Le Pen au sein du FN et à initier un début de rassemblement autour de ses propositions.
Aujourd'hui, suite au retrait de Jean-Marie Le Pen, personne ne représente vraiment la ligne souverainiste libérale en France alors que celle-ci tend à se développer chez nos voisins européens. Quid d'un ticket Maréchal-Le Pen/Ménard pour l'incarner ?