dimanche 10 septembre 2017

De Gaulle avait raison - Le visionnaire de Gérard Bardy

Des livres, encore des livres, toujours des livres ! L'été touchant à sa fin, je termine tranquillement mes lectures avant le tumulte de la rentrée. Dernière en date, un ouvrage de Gérard Bardy consacré au général de Gaulle : De Gaulle avait raison - Le visionnaire.

La finalité de l'auteur est claire : s'appuyer sur des citations, des écrits du général afin d'en montrer son côté visionnaire et le caractère actuel de sa pensée. Il ne s'agit pas pour autant d'imaginer ce qu'aurait dit ou fait de Gaulle mais bien de démontrer la pertinence de sa vision sur les enjeux  d’aujourd’hui. Si je ne suis pas totalement objectif dans la mesure où je suis un adepte de ce personnage historique, le pari est clairement réussi pour moi. Plus qu'un dogme ou une doctrine, le gaullisme est davantage une boussole, une grille de lecture. Bref, un héritage politique et moral que l'écrivain commence par nous définir dès les premières pages.

D'après lui le gaullisme est tout à la fois :
-          un humanisme : l'Homme est au cœur de la politique, son bien-être est un objectif
-          une ambition : référence à l'idée de grandeur, à cette certaine idée de la France
-          une volonté : conserver sa place dans le monde avec nation forte, libre, indépendante et souveraine
-          une révolte : défendre l'intérêt général contre les intérêts particuliers, lutter contre l'oppression (1940)
-          un engagement : maintenir un lien direct avec le peuple (suffrage universel, référendum)
Pour certains, les gaullistes (dont je suis) sont des nostalgiques d'une époque révolue qui vivent dans le passé. Céder à cette caricature serait évidemment bien trop facile et ce d'autant plus que le capitalisme et le socialisme sont des idéologies bien plus anciennes qui conservent pourtant de nombreux disciples à l'heure actuelle.

Mais laissons de côté le passé et revenons plutôt au temps présent et aux préoccupations actuelles : moralisation de la vie publique, représidentialisation de la fonction, dépassement des partis. Sur l'ensemble de ces sujets, Charles de Gaulle se révèle finalement être un précurseur. En tant que fondateur de la Vème République, de Gaulle a évidemment dessiné la fonction à son image. Mais plus encore, il considérait que la légitimité du président provient du peuple d'où l'absolue nécessité d'avoir un lien direct et répété avec la population que ce soit au travers des élections ou des référendums. Si cela s'est largement vérifié sous sa présidence avec cinq référendums en 11 ans de 1958 à 1969, la tendance s'est clairement inversée par la suite avec seulement cinq référendums en presque 50 ans. Dont bien sûr le déni de démocratie de Nicolas Sarkozy qui s'est allègrement assis sur le résultat du vote de 2005.
Outre ce souci de démocratie, de Gaulle avait une volonté d’exemplarité au sommet de l’Etat, une réelle éthique de comportement. Anticipant nos problématiques actuelles de moralisation de la vie publique, le général souhaitait "servir et non pas se servir". Ainsi celui-ci payait personnellement ses factures d'électricité à l'Elysée. On est bien loin des affaires de François Fillon et compagnie … Allant même jusqu'à inspirer François Hollande en 2012, de Gaulle s'opposait déjà aux forces de la finance et déclarait : "mon seul adversaire, celui de la France, n'a aucunement cessé d'être l'argent".
Autre point remis au goût du jour par Emmanuel Macron mais là encore déjà trusté par son lointain prédécesseur, le dépassement des clivages partisans. La force de de Gaulle était d’être au-dessus des partis, hors des logiques d’appareil, ce qui lui donnait une plus grande indépendance et une marge de manœuvre accrue. Ce dernier dénonçait déjà en 1966 les collusions entre partis et les lignes de clivage parfois artificielles : "tous les partis s'entendent comme larrons en foire et entre eux, je te tiens, tu me tiens par la barbichette".

La manière de gouverner de Charles de Gaulle n'est pas le seul aspect notable du personnage. N'oublions évidemment pas les grandes avancées sociales qui ont vu le jour sous sa présidence (droit de vote pour femmes, comités d'entreprise, sécurité sociale …) ainsi que sa vision d'avenir en matière de technologies (satellites, nucléaire civil et militaire).
Nous l'avons vu, pour de Gaulle l'humain doit être au cœur des politiques. Dans cet objectif, celui-ci à chercher à développer une 3ème voie, une alternative entre capitalisme et socialisme au travers d'un système d'association capital-travail. Concrètement, et bien que le concept n'ait pu être mené à son terme, il s'agissait d'accroitre la contribution des salariés aux destinées et résultats de l'entreprise par le biais d'un intéressement aux bénéfices et d'une participation à la gestion (salariés dans les conseils d'administration par exemple). On pourrait rapprocher cela d'une sorte de cogestion à l'allemande ou du modèle des SCOP visant à s'affranchir de l'opposition entre syndicats et patronat et de mettre un terme à la lutte des classes.

Si l'humanisme de de Gaulle est valable à l'intérieur de nos frontières, il l'est tout autant à l'extérieur avec une logique de coopération avec les nations pauvres et les pays en voie de développement. La notion de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes prend ici tout son sens au travers notamment des opérations de décolonisation. Mais également en matière de politique européenne car contrairement à ce que certains peuvent penser le général Gaulle était un vrai européen, convaincu de la nécessité d'alliances avec nos voisins. En revanche, et dans un souci de conserver la souveraineté et l'indépendance de notre pays, celui-ci privilégiait des coopérations entre nations et se méfiait des instances supranationales de type OTAN (dont il a d'ailleurs quitté le commandement intégré en 1966). On retrouve ainsi ces aspects dans une déclaration de janvier 1963 : "notre politique c'est de réaliser l'union de l'europe. Mais quelle europe ? Il faut qu'elle soit véritablement européenne. Si elle n'est pas l'europe des peuples, si elle est confiée à quelques organismes technocratiques, elle sera une histoire pour professionnels, limitée et sans avenir. L'europe doit être indépendante."
A noter enfin que nul ne saurait contester sa réelle vision en matière de géopolitique avec une étonnante anticipation de faits majeurs historiques tels que la croissance de la Chine, la réunification de l'Allemagne, la chute de l'URSS ou encore le phénomène inéluctable de décolonisation.

Dernier point sur lequel je souhaitais revenir : l'université. Là encore cela fait totalement écho avec un enjeu actuel, à savoir la question de la sélection à l'entrée et la récente polémique autour du logiciel APB (Admission Post-Bac). Dès 1963, le général anticipait clairement le problème et défendait une solution simple que je soutiens totalement : "il ressort qu'un laisser-aller général livre les universités à des flots d'éléments inaptes à suivre les cours. La proportion des étudiants qui obtiennent un diplôme est à peine de 30 %. Se résigner à l'inondation, c'est soit aller au gaspillage d'une foule de jeunes carrières, soit consentir à l'abaissement du niveau des études et des examens et à l'attribution de titre sans valeur. Je tiens donc à instaurer, depuis le bas jusqu'en haut, l'orientation et la sélection."

On pourrait encore disserter pendant des heures sur Charles de Gaulle tant ses réalisations sont impressionnantes et ont pour la plupart toujours cours aujourd'hui. Mais au-delà de son action politique, le général est un personnage complet qui a finalement eu plusieurs vies (militaire, écrivain …) qu'il convient de saluer. Nul ne saurait égaler le fondateur de la Vème République et il serait illusoire d'attendre une telle personnalité pour relever notre pays. Pour autant, l'action et le parcours du général doivent nous inspirer afin de construire une réelle alternative aux forces partisanes actuelles. Cela ne sera toutefois pas possible sans conserver à l'esprit deux impératifs absolus que sont la souveraineté nationale et la souveraineté populaire.