mercredi 27 août 2014

Droite décompléxée : le PS sort du bois ?

"Mais avant d’évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies."
 
Tels étaient les propos de François Hollande lors de son discours au Bourget du 22 janvier 2012. Mais nous étions alors en pleine campagne présidentielle. Depuis, le candidat socialiste a été élu et le temps des promesses de combat face à la finance est bien loin. Fini le champ lexical guerrier, abandonnées les velléités de régulation …  
Tout au contraire, François Hollande est rapidement rentré dans le rang et a plié comme ses petits camarades face aux semonces du patronat. Ainsi le MEDEF, malgré ses critiques pour garder la face, s'est vu accorder plusieurs de ses requêtes, pacte de responsabilité et CICE (Crédit d'Impôt pour la Compétitivité des Entreprises) en tête. Et tout cela sans réelles contreparties évidemment.
 
Il serait long et rébarbatif de lister l'ensemble des mesures pro-entreprises adoptées depuis le début du mandat tant elles sont nombreuses. Il me semble toutefois impossible de ne pas s'arrêter sur la dernière en date, à savoir le micro remaniement de ces derniers jours. Celui-ci est d'ailleurs intéressant à double titre. D'une part pour les raisons de son existence et d'autre part pour les changements ministériels opérés.
Disons le clairement, ce remaniement n'est pas un réel remaniement dans la mesure où les changements sont limités. En réalité, il ne s'agissait que d'un prétexte pour sanctionner des individualités (Montebourg, Hamon et Filippetti). Je ne peux toutefois qu'approuver cette démarche dans la mesure où je considère que les ministres en exercice n'ont pas à faire part de leurs états d'âme dans la presse. Le débat peut certes exister au sein du gouvernement mais le linge sale doit être lavé en famille et non sur la place publique. D'ailleurs, comme disait Chevènement, "un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Cet épisode a toutefois permis au président de la République d'envoyer un signal d'autorité, tant à son gouvernement qu'à la population.
 
Trois principaux changements sont donc intervenus : Fleur Pellerin à la Culture en remplacement d'Aurélie Filippetti, Najat Vallaud-Belkacem prenant la suite de Benoit Hamon à l'Éducation Nationale et Emmanuel Macron au ministère de l'Économie en lieu et place d'Arnaud Montebourg. Et c'est justement cette dernière passation de pouvoir qui est la plus symbolique et importante.
Pour ceux qui l'ignoreraient, Emmanuel Macron est inspecteur des finances, ancien conseiller économique de François Hollande, ancien associé de la banque Rothschild et proche de Jacques Attali. Le nouveau ministre est donc un homme de l'ombre passé dans la lumière. Mais plus que ses fonctions de conseiller, c'est davantage son passé de banquier et son positionnement idéologique qu'il faut retenir. Car Macron est un pur produit du sérail de la finance qui entretient des relations étroites avec le monde économique et financier. Gageons donc que la politique qu'il mènera ne sera que peu défavorable à ses amis. N'est-ce pas d'ailleurs Michel Sapin, Hollandais historique, qui affirmait récemment que "la finance était notre amie" ?
 
On peut clairement regretter ce choix mais il faut bien reconnaître à François Hollande le mérite de la cohérence. De fait, quoi de plus logique que de nommer un ancien banquier d'affaires pour mener une politique libérale ?
Ce qui est le plus problématique, à mon sens, c'est le signal envoyé aux électeurs en général et à ceux de gauche en particulier. Je pense ainsi à tous les militants socialistes qui doivent aujourd'hui être amers, si ce n'est plus. Car j'ai la désagréable impression, pour ne pas dire autre chose, que le PS fait ce que l'UMP n'aurait jamais pu entreprendre. Le PS mène actuellement, sous couvert d'être de gauche, une politique libérale que la droite ne pourrait clairement pas se permettre, ou tout du moins pas avec une telle facilité. Je n'ose ainsi imaginer les réactions si c'était un président de droite qui avait nommé un banquier comme ministre de l'Économie …
Une phrase semble alors résumer assez bien la situation : Sarkozy en a rêvé, Hollande l'a fait.