vendredi 21 août 2015

Pour une réforme de l'ARS !

La rentrée scolaire approchant à grand pas, la cohue s'intensifie progressivement dans les rayons des fournitures scolaires. Et le versement de l'Allocation de Rentrée Scolaire (ARS) le 18 août dernier va encore accentuer ce phénomène.

Mais qui dit ARS dit forcément polémiques. Et cette année ne déroge pas à la règle avec toujours les mêmes critiques … mais toujours la même inaction. Et c'est bien là tout le problème. Car aucune réelle volonté de réforme ne semble émerger alors même que les contempteurs se multiplient.

 
Deux principaux reproches sont ainsi fait à l'ARS : un montant inadapté d'une part et une mauvaise utilisation d'autre part. Et je crois qu'effectivement cela est fondé.
Côté financier, les montants versés me semblent décorrélés de la réalité. En effet, comment expliquer un écart si faible entre les sommes pour le primaire, le collège et le lycée alors même que les besoins croissent avec l'âge et le niveau scolaire ? Par ailleurs, si l'objectif de cette allocation est bien d'aider les familles à financer la rentrée scolaire, alors est-il vraiment pertinent de limiter son versement à la fin du lycée, excluant alors de fait les étudiants ?

S'agissant de la question de son utilisation, certains expliquent que cette ARS est dévoyée, détournée de son objet premier. Bien qu'aucune étude n'existe, rien n'empêche dans les faits les parents d'utiliser ces sommes à leur guise pour acheter cahiers, stylos ou bien encore télés et consoles de jeux. Mais cela est évidemment le cas pour la plupart des aides publiques (allocations familiales, bourses …) qui ne sont pas fléchées.

Alors que faire face à tout cela ?
Sur l'aspect financier, il me semble nécessaire d'élargir le versement de l'ARS aux étudiants dans la mesure où les études supérieures représentent des dépenses importantes et croissantes pour les familles, dont certaines sont spécifiques  l'université (frais d'inscription, sécurité sociale, logement …). Une telle extension permettrait ainsi d'alléger le budget de ces familles. Bien sûr, cela entrainerait un surcoût pour l'Etat. Mais celui-ci pourrait être compensé par une révision des autres montants. Il s'agirait ainsi de réduire le versement pour les primaires, voire les collégiens et d'augmenter légèrement celui pour les lycéens afin de recréer une réelle hiérarchie entre niveaux scolaires.
   
Pour ce qui est des modalités de versement, je crois que la question mérite d'être discutée. La situation actuelle a le mérite d'être relativement simple et éprouvée. Mais comme mentionné précédemment, cela induit un "risque de mauvaise utilisation". A l'inverse, et comme cela est régulièrement avancé,  le versement pourrait se faire sous forme de bons d'achat, limitant ainsi leur usage à l'achat de fournitures scolaires. Mais là encore le coût de cette mesure ne serait pas neutre du fait d'un traitement supplémentaire.
Une deuxième alternative pourrait être de verser ces aides directement aux établissements scolaires qui se chargeraient eux-mêmes d'acheter et de distribuer les fournitures aux élèves. Cela permettrait de réaliser des économies par des achats en masse, d'éviter ces tracas aux familles, d'avoir le "bon matériel" et de réduire les inégalités avec un pack de rentrée identique pour tous. Si l'idée peut paraitre intéressante, il me semble que celle-ci doive être creusée afin de s'assurer de la bonne utilisation des crédits par les établissements et de leur capacité et volonté à mener à bien ce projet.

Au final la solution retenue importe peu si la réforme de l'ARS poursuit les objectifs de simplification et d'optimisation des finances publiques. En somme, les buts que devraient atteindre tout projet de réforme.

mardi 11 août 2015

Pacte de responsabilité, CICE : la grande escroquerie ?

"100 000 emplois créés selon l’Insee pour 25 milliards d’aides aux entreprises. Ca fait quand même 250 000 euros par emploi. C’est beaucoup".
Voila les propos tenus lundi matin par Karine Berger (députée socialiste des Hautes-Alpes et chef de file de la motion D) sur France Inter. Mais ce n'est pas tout. Elle ajoute également si le chômage n'évolue pas positivement, c’est "d’abord [la faute] à une certaine partie du patronat, ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est monsieur Gattaz qui avait mis à son veston un pin’s disant qu’il créerait 1 million d’emplois. En pratique, d’après l’Insee qui a fait une évaluation du CICE et du pacte de responsabilité en 2015, il n’y aurait que 100 000 emplois créés."

S'en rendre compte maintenant c'est bien. Mais en avoir pris conscience avant ça aurait été mieux ! Or cela fait des années, pour ne pas dire des décennies, que l'on pratique la même politique d’exonérations de charges pour les entreprises. Pacte de responsabilité et CICE pour Hollande, réduction dite Fillon pour Chirac … Bref tous les gouvernements, de droite ou de gauche, y vont de leur petite mesure en faveur des entreprises.

Et tout cela pour quels résultats ? Bien peu en définitive. En tout cas presque aucun en matière de lutte contre le chômage. En revanche, les impacts sont bel et bien réels pour l'Etat qui voit son déficit se creuser de plus en plus chaque année. A l'opposé, ce sont les entreprises qui bénéficient à plein de ces dispositifs. Et au travers d'elles leurs actionnaires qui récupèrent une partie de ces subventions par le biais des dividendes.

Cette fuite en avant vers toujours plus de cadeaux aux entreprises est une utopie coûteuse d'un point de vue financier et inefficace au niveau économique. D'une part, ces "aides" se concentrent sur les bas salaires (généralement jusqu'à 1,6 SMIC) ce qui n'incite pas les entreprises à augmenter leurs salariés. D'autre part, cela concerne toutes les entreprises dont celles de services (et en particulier les banques et la grande distribution) qui ne souffrent pas de problème de compétitivité ou de concurrence étrangère qui pourraient justifier une compensation de l'Etat. Par la mise en place aveugle de ces dispositifs non ciblés, le gouvernement entretient finalement une certaine précarité du marché de l'emploi, ce qui est à l'opposé de l'objectif initial.
  Par ailleurs, il me semble important de souligner que, bien évidemment, toutes ces aides sont octroyées aux entreprises sans contreparties réelles et concrètes.  Cela revient donc à arroser massivement ces acteurs économiques sans engagement autre de leur part que de vulgaires promesses d'embauches. Il est assez paradoxal pour ces grands patrons de quémander l'aide de l'Etat alors même que ceux-ci sont de fervents défenseurs du libre-échange et de la concurrence libre et non faussée. Encore un bel exemple du "fais ce que je dis, pas ce que je fais".

En tant qu'adepte du keynésianisme, je ne peux que regretter la mise en œuvre à outrance de cette politique de l'offre qui a prouvé son inefficacité quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place. Partisan d'un interventionnisme de l'Etat dans l'économie, je crois qu'il est nécessaire de soutenir nos entreprises. Mais encore faut-il le faire de manière cohérente et ciblée afin d'être le plus efficace possible. Concrètement, il me parait préférable de venir en aide aux PME et aux artisans, commerçants plutôt qu'aux grandes firmes multinationales. Or ce n'est pas vraiment, malgré les discours, la direction qui a été prise jusque là.  

Pour autant, une telle inclination ne peut constituer l'alpha et l'oméga d'une politique économique. Car sans consommation, ces mêmes entreprises se retrouvent sans débouchés. Voila pourquoi c'est bien, in fine, la demande qu'il faut soutenir. Et cela passe clairement par des aides directes aux ménages afin de doper la consommation et donc la croissance.
Indéniablement, cette politique de la demande ne peut être menée seule dans la mesure où elle conduirait à un accroissement des importations. Celle-ci doit s'intégrer dans une politique économique globale plus large dans le but de tenir compte de l'ensemble de ces phénomènes. Cela suppose toutefois de s'interroger sur des problématiques honnies et bannies du débat public aujourd'hui telles que la fiscalité, le protectionnisme ou encore l'euro …

mardi 4 août 2015

"Le hareng de Bismarck" de Jean-Luc Mélenchon

Après le bruit de la douche, mes lectures estivales se poursuivent dans un tout autre genre avec "Le hareng de Bismarck" de Jean-Luc Mélenchon. Encore que ces deux livres abordent les thèmes de la politique et de l'Allemagne.

Bien que n'étant pas de la famille politique de Mélenchon, il n'en reste pas moins que j'apprécie le personnage et que je partage certaines de ses positions, notamment sur l'europe. Quoi de plus logique donc que de lire son dernier pamphlet. Car c'est bien d'un pamphlet dont il s'agit. Sur un ton  incisif, vindicatif mais clair, argumenté et sourcé, le leader du Parti de Gauche (PG) nous propose un démontage en règle du soi-disant modèle allemand en nous offrant une vision moins angélique de l'Allemagne.

Partageant très largement le point de vue de Mélenchon et l'ayant déjà exprimé par ailleurs, je n'ai pu qu'apprécier ce livre qui a le mérite de remettre les choses dans leur contexte en dénonçant ce nouvel impérialisme allemand mis en place par Angela Merkel. Même s'il devient difficile voire impossible de blâmer l'Allemagne sans être accusé de germanophobie, il me semble au contraire indispensable de faire preuve d'esprit critique vis-à-vis de ce pays. Et en particulier s'agissant de sa politique économique.

Indéniablement la pseudo réussite économique allemande fait bien des envieux dans notre pays, que ce soit au Parti Socialiste ou chez Les Républicains. De François Hollande à Nicolas Sarkozy en passant par Alain Juppé ou Manuel Valls, tous vantent les vertus de l'Allemagne et souhaitent mettre en œuvre les mêmes recettes chez nous. Clairement, cela n'est ni possible, ni souhaitable.

Impossible tout d'abord car l'Allemagne a adopté un modèle non coopératif basé presque uniquement sur les exportations et notamment  les machines-outils et l'automobile. Avec une demande intérieure atone, la croissance allemande est donc largement tirée par ses exportations qui lui conférèrent certes d'importants excédents commerciaux mais qui nécessite évidemment que d'autres pays achètent ses produits. Le succès de l'Allemagne dépend donc largement de la consommation de ses voisins, dont la France, et s'arrêterait rapidement si ceux-ci venaient à contracter leur demande et à doper leurs exportations. Par ailleurs, le made in Germany tant vanté n'est finalement qu'un enfumage dans la mesure où il consiste en un assemblage de composants fabriqués à bas coût en europe de l'est. Là encore, l'Allemagne remporte la mise aux dépens de ses voisins.

Mais outre les difficultés à reproduire ces facteurs clés de succès, il n'est pas certain que notre pays ait tout intérêt à imiter son allié. Car la "réussite à l'allemande" n'est pas la sinécure que nous vendent nos dirigeants. Et c'est cela que Jean-Luc Mélenchon cherche à nous faire prendre conscience. Deux éléments principaux viennent notamment relativiser ce succès. D'une part, l'augmentation croissante de la pauvreté en Allemagne qui compte aujourd'hui 16 % de sa population sous le seuil de pauvreté (13 millions de personnes). D'autre part, la grande précarisation de l'économie avec le développement des mini-jobs (CDD, jobs à 1 € de l'heure, temps partiel) et plus inquiétant encore la multiplication des travailleurs pauvres (20 % des salariés). D'ailleurs, il est assez surprenant qu'un pays aussi riche et développé que l'Allemagne n'est introduit un salaire minimum que depuis janvier 2015. Celui-ci étant toutefois inférieur au SMIC français (8,5 € VS 9,61 € de l'heure).

Enfin, et pour en terminer sur les aspects économiques, il me parait important de rappeler que la France n'est pas l'Allemagne et que leurs besoins et attentes sont donc différents. L'Allemagne est un pays vieillissant avec une population en baisse (1,38 enfant par femme en 2012 contre 2,01 pour la France). Elle a donc besoin d'une monnaie forte, d'une épargne soutenue et d'excédents commerciaux pour contenter ses retraités ainsi que d'une immigration importante pour compenser la faiblesse de sa démographie. A l'inverse, la France a besoin d'activité économique, d'emploi et d'investissements pour assurer l'avenir des futures générations. Chercher à nier ces divergences et à appliquer une politique commune, notamment au travers de l'euro, est donc une hérésie.     

Mais l'Allemagne n'est pas qu'une puissance économique. Elle est aussi, et c'est un aspect fort qui ressort du livre, une puissance politique de premier plan. Plutôt en retrait après la seconde guerre mondiale, l'Allemagne cherche maintenant à prendre toute sa place sur la scène internationale et plus particulièrement en europe. Si cela n'est pas un problème en soi, cela devient plus délicat lorsque c'est au détriment des autres nations. Or c'est justement ce que tente, avec brio, de faire Angela Merkel en imposant sa politique (l'ordolibéralisme) au niveau de l'union européenne. Et on a pu voir en Grèce ce qu'il en coûte de s'y opposer. Nous sommes clairement aujourd'hui dans une europe allemande dirigée par le tandem Merkel-Schauble. Pire encore, c'est l'ensemble des institutions européennes qui sont gangrenées avec des allemands aux postes les plus stratégiques (direction de la banque européenne d'investissement, direction du mécanisme européen de stabilité, présidence du parlement européen ...). Sans parler de la délégation de la Troïka (BCE, FMI, commission européenne) qui était composé essentiellement de hauts-fonctionnaires allemands. De là à dire que toute l'europe est sous le joug de l'Allemagne …

Alors bien sûr certains avanceront la belle histoire du couple franco-allemand pour relativiser tout cela. Mais il faudrait faire preuve de bien de naïveté ou d'hypocrisie pour y croire. Car malgré les apparences et les discours, le couple franco-allemand est mort depuis bien longtemps. La soumission de nos dirigeants à l'Allemagne (Merkozy et Merkhollande) a conduit à l'éclatement de cette alliance basée sur l'égalité et le respect mutuel et à la prise de pouvoir de la chancelière. Il n'y a qu'à voir comment notre pays se fait sermonner pour s'en rendre compte.

Depuis des années notre pays à renoncer à tout leadership en europe pour rentrer dans le rang et se mettre dans le sillage d'Angela Merkel. Cela n'est évidemment profitable pour personne : ni la France qui y perd son honneur et son influence, ni l'Allemagne qui se voit plus belle qu'elle ne l'est, ni les autres nations européennes qui se retrouvent soumises à la volonté du plus fort.

Cette situation ne peut plus durer. Et il est urgent que la France porte une alternative à la domination de l'Allemagne en europe. Car n'oublions pas que sans la France l'union européenne n'est qu'une coquille vide. Notre pays, très certainement rejoint par d'autres, doit donc mener la fronde afin de lutter contre ce projet européen qui met à mal la démocratie et la souveraineté nationale. François Hollande a laissé passer sa chance dans l'épisode grec. Espérons que nos dirigeants sauront saisir la prochaine opportunité. Car comme disait De Gaulle, "la France ne peut être la France sans la grandeur".

samedi 1 août 2015

Hollande et la Russie : Mistral perdant

Après de longs mois de négociations, il semblerait que la France et la Russie soient finalement arrivées à un accord concernant la non livraison de deux navires de guerre Mistral (le Vladivostok  et le Sébastopol).
Conclu en juin 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce contrat prévoyait une livraison des deux navires respectivement en novembre 2014 et à l'automne 2015. Tout ne s'est toutefois pas passé comme prévu et suite au conflit russo-ukrainien, François Hollande a décidé de suspendre les livraisons avant de chercher à rompre le contrat.

Personnellement je crois que la position de François Hollande et de son gouvernement dans ce dossier est clairement inconséquente et particulièrement préjudiciable pour la France, et ce à plusieurs niveaux.
D'un point de vue économique tout d'abord. En période d'austérité et de réduction des dépenses publiques, est-il bien raisonnable de renoncer au montant de ce contrat (1,2 milliard d'euros) ? Mais plus qu'un manque à gagner, la rupture de ce contrat va entrainer des dépenses supplémentaires avec le dédommagement de la Russie (1,16 milliard d'euros) sans parler évidemment des coûts liés à la détention et la prise en charge actuelle des navires (environ 5 millions d'euros par mois selon certaines estimations). Une véritable folie financière en somme.
Ensuite, cela pose des questions en termes de politique étrangère. Car évidemment, outre les considérations commerciales, il s'agit là également de géopolitique. Et la rupture de ce partenariat avec la Russie me semble bien inopportun tant un partenariat privilégié avec ce pays me parait être une nécessité. Encore une fois la politique étrangère de notre pays est influencée par nos alliés (union européenne et Etats-Unis en tête). Certes Poutine n'est pas irréprochable, loin de là, mais dans le conflit russo-ukrainien (raison officielle pour la suspension de la livraison des Mistral), l'Ukraine n'est pas non plus au-dessus de tout soupçon. Indéniablement la Russie est une nation qui va compter au XXIème siècle et il serait grand temps que nos dirigeants comprennent que la guerre froide est bel et bien terminée.
Enfin, cela a des conséquences sur la crédibilité commerciale et internationale de la France. Une fois de plus ce revirement de situation, cette remise en cause de la parole donnée vient ternir l'image de la France et affaiblit sa position sur la scène internationale. Quel crédit sera dorénavant accordé à notre pays par nos partenaires ?

Alors que faire maintenant ?
Et bien s'agissant de François Hollande, même s'il a constaté l'aboutissement des négociations, on peut supposer que celui-ci ira au bout de sa logique en rompant le contrat. Reste à savoir ce que deviendront ces deux navires Mistral (vente, sabordage …) et surtout pour quel coût.

Mais cette option ne remporte pas clairement pas mes suffrages. Je crois au contraire qu'il faut tenir nos engagements et livrer les Mistral à la Russie comme cela était prévu. Par ailleurs, je crois qu'un vrai dialogue doit être engagé avec la Russie afin de nouer des partenariats stratégiques dans différents domaines tels que l'énergie par exemple. Bien qu'une partie de nos alliés soient à l'ouest, cela ne doit pas nous empêcher de nous tourner vers nos amis de l'est afin de sortir de cette logique de blocs issue du passé.

Pour en finir sur le sujet, je tenais à souligner l'incohérence, le paradoxe de la politique militaro-commerciale de François Hollande. En effet, alors même qu'il refuse de vendre des navires de guerre à la Russie pour des prétextes fallacieux, la livraison d'avions Rafale à de grandes démocraties telles que l'Egypte ou le Qatar ne semble pas lui poser de problèmes de conscience …