État de droit : que n’avons nous pas attendu à ce sujet ces dernières semaines. Des propos du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à la condamnation de Marine Le Pen en première instance, ces trois mots ont récemment occupés le haut de l’affiche, pour le meilleur et pour le pire. Chacun y est allé de son avis, de son interprétation sur le sujet, de l’indignation des uns à la défense des autres.
Sans surprise les propos en question (“L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain.”) ont fait polémique et cela peut-être d’ailleurs à dessein. Au-delà, des décisions de justice récentes ont été largement contestées, parfois à juste titre, pour leur caractère politisé ou leur manque de sévérité pour ne pas dire leur laxisme.
Bien que la Justice soit indépendante dans notre pays,
chaque citoyen, en son âme et conscience, est libre d’exprimer réserves et
critiques envers les décisions de justice et ce d’autant plus que celles-ci
sont rendues au nom du peuple français tel que le prévoit notre constitution.
Pourtant, certains considèrent ces mises en causes comme intolérables et
relevant du pire populisme, quelques uns se risquant même à parler de
sécession. Plus encore, le joker "État de droit" est régulièrement mis
en avant pour faire cesser tout débat. Belle preuve d’ouverture d’esprit et de
respect du contradictoire que cette forme de censure.
Plus sérieusement, et pour revenir sur les propos du
ministre de l’Intérieur, reconnaissons, si l’on dépasse le simple stade de la
politique politicienne, que ceux-ci ont le mérite de soulever de vraies
questions. Et reconnaissons également que le fond de la déclaration n’est
finalement pas totalement inepte. Bien au contraire dans la mesure où cela
revient à considérer que nos normes, nos lois ne sont ni figées ni immuables.
Qui pourrait d’ailleurs dans ces conditions s’inscrire en faux face à ces
évidences ?
Question de rhétorique ? Pas vraiment en réalité. Car en sous-jacent cela questionne les notions de souveraineté populaire d’une part et d’impunité des juges d’autre part. L’État de droit, avec tout le respect qui lui est dû, doit-il alors induire de faire fi de ces aspects, de ne pas s’interroger sur les errements et autres bévues des magistrats ? Indéniablement non et je crois au contraire que c’est lui rendre service que de le remettre régulièrement en cause dans une logique de perfectionnement.
Hiérarchie des normes, politisation des juges, manque de
fermeté, dysfonctionnements et lenteurs du système judiciaire … Voilà des
sujets qui mériteraient d’être traités sans dogmatisme ni idéologie afin de
renforcer la confiance de nos concitoyens dans la justice. Car quoi qu’en
pensent certains l’attachement à l’État de droit et à son respect ne doit pas
nous empêcher de nous interroger sur le (mauvais) état de notre droit.