"L'Histoire est un
perpétuel recommencement" disait Thucydide (historien grec, auteur de l'histoire
de la guerre du Péloponnèse) en son temps. A la lumière des évènements de ces
derniers jours, il semblerait que celui-ci n'ait pas forcément tort.
Plusieurs décennies
après la chute du mur de Berlin et alors que le monde est clairement devenu
multipolaire, des relents de guerre froide se font à nouveau sentir. Comme à
l'époque deux blocs s'opposent et se font face. En cause aujourd'hui, la lutte
contre Daech en Syrie et la position vis-à-vis de Bachar el-Assad.
Si les deux camps ont
le même objectif final, à savoir combattre et détruire Daech, ce sont les moyens
d'y arriver qui différent.
Côté occidentaux, les États-Unis et la France, entre autres, ont clairement exprimé leur volonté de voir
le président syrien quitter le pouvoir. François Hollande l'a d'ailleurs
réaffirmé à plusieurs reprises et l'a posé en condition sine qua none. Pour aboutir
à cela, américains et européens ont donc soutenu ouvertement l'opposition dite "modérée"
en Syrie en les entrainant et les armant. Outre le fait que cette stratégie soit
un échec, celle-ci est surtout à double tranchant puisqu'elle consiste à appuyer
militairement des groupes tels que le front al-Nosra qui sont proches d'Al-Qaïda.
Autrement dit, cela revient à renforcer nos ennemis d'hier, et qui le seront probablement
de nouveau demain.
Côté Russes, les
ambitions ne sont pas aussi clairement revendiquées mais Vladimir Poutine n'a jamais
vraiment caché non plus son soutien à Bachar el-Assad. D'ailleurs, il
semblerait que les frappes aériennes russes visent tout à la fois Daech et les forces
rebelles.
On assiste donc bel et
bien à un combat à distance entre Occidentaux d'une part et Russes d'autre
part. Lutte où les premiers cherchent à renverser Assad par procuration tandis
que les seconds œuvrent à son maintien. Et c'est peut-être bien là tout le nœud
du problème. Car finalement c'est Daech qui profite de ce jeu d'influences en
Syrie.
Alors que le destin de
Bachar el-Assad devrait selon moi être secondaire, il constitue l'alpha et
l'oméga de la politique menée par les occidentaux. Faire du départ du président
syrien un pré-requis est pour moi une erreur fondamentale qui conduirait à
enfoncer davantage le pays dans le chaos. Je ne peux que regretter d'ailleurs
que la France n'ait pas retenu les leçons du passé en Irak ou en Libye. Je ne
peux que me désoler que François Hollande s'entête dans cette voie en refusant
tout dialogue avec le pouvoir en place.
Alors bien sûr que
Bachar el-Assad est un dictateur sanguinaire. Bien sûr que son régime est loin
d'être un système démocratique. Personne ne remet cela en question. Mais cela
doit-il nous empêcher de discuter avec lui ? Je ne le crois pas. Car dans ce
cas il faudrait cesser toute relation diplomatique avec l'Arabie Saoudite
ou le Qatar qui ne sont pas non plus des modèles de vertu.
Les circonstances étant
ce qu'elles sont, la lutte contre Daech, et plus largement la stabilisation du
Moyen-Orient, doit constituer la priorité de ces prochaines années. Pour
autant, les méthodes de cow-boy des américains ne sont pas une solution tant elles ont
prouvé leur inefficacité et leur contre-productivité. Pour réussir, il me semble
nécessaire de mettre sur pied une grande coalition militaire internationale sous
mandat de l'ONU et réunissant russes, américains et européens ainsi que les
pays voisins de la Syrie. C'est à cette condition, et quitte à s'appuyer sur le
régime en place, que la situation pourra évoluer favorablement.
Les nations
occidentales doivent comprendre que la démocratie et leur modèle de
développement ne sont pas forcément exportables en l'état et ne doivent surtout
pas être imposés à des nations qui n'en veulent pas. Nous payons malheureusement
aujourd'hui les erreurs d'hier que ce soit en Irak, en Afghanistan ou en Libye.
Pour ne pas donner
raison à Thucydide et éviter que l'Histoire se répète à nouveau, peut-être
faudrait-il retenir les leçons du passé et privilégier le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes plutôt que l'ingérence.
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