mercredi 23 août 2017

"Tout pour la France" de Nicolas Sarkozy

Nouvel article aujourd'hui après celui sur le livre de Philippe de Villiers. Et nous restons dans la continuité de mes lectures estivales avec, là encore, l'essai d'un homme politique de droite. En l'occurrence celui de Nicolas Sarkozy, "tout pour la France", sorti à l'occasion des primaires de la droite et du centre organisées en novembre 2016.

Étrange de se lancer dans une telle lecture alors que l'élection présidentielle est passée, me direz-vous. En réalité, j'ai commencé ce livre il y a de (très) nombreux mois en ayant toutes les difficultés du monde à le boucler. Le fait que Nicolas Sarkozy ne soit pas ma tasse de thé, qu'il s'agisse du personnage ou de ses idées, n'y est probablement pas étranger. Mais je tenais toutefois à en arriver au bout, même avec un léger retard. Voilà chose faite donc en ce mois d'août.

Que dire alors de ce livre si ce n’est que celui-ci est articulé en chapitres autour de différents défis à relever pour le pays : la vérité, l’identité, la compétitivité, l’autorité et la liberté. Autant de défis permettant de dérouler les différentes propositions de l’ancien président de la République qui, comme Alain Juppé, a la volonté de tout dire, tout avancer durant la campagne afin d’avoir les mains libres pour faire après l’élection. Tout candidat a évidemment pour devoir de dire la vérité à ses concitoyens et ne pas faire, bien que ce soit parfois (souvent) le cas, de promesses démagogiques. Pour autant, l’élection ne vaut pas plébiscite et ne saurait constituer un blanc-seing pour la durée du mandat. Il me semble au contraire hautement risqué, et d’une certaine manière antidémocratique, de considérer qu’un succès à l’instant T permet d’imposer ses vues, et ce d’autant plus que l’ensemble du corps électoral ne n’est pas exprimé en faveur du vainqueur. Nos dirigeants devraient d’ailleurs méditer sur cela, évitant ainsi les dérives absolutistes.

Mais revenons-en à nos moutons et plus particulièrement aux premières pages de l’ouvrage. Nicolas Sarkozy cherche rapidement à donner le ton en nous expliquant "qu’il nous faut des idées neuves et ambitieuses " (p11) et que "les Français sont prêts à entendre et à accepter des remises en cause et des avancées qui auraient été inimaginables par le passé" (p11). Bref, le changement c’est maintenant … ou presque. Car pour moi la suite ne se révèlera finalement que peu engageante au vu des mesures, maintes fois vues et revues, mises en avant. La crédibilité de l’auteur est par ailleurs légèrement entaillée dès la page 15 lorsque celui-ci nous indique "qu’il croit à la souveraineté populaire". Un petit rappel du passage en force du traité de Lisbonne en 2007 suite au rejet du TCE par référendum en mai 2005 n’aurait visiblement pas été de trop.

Dans la continuité de 2007 et de son célèbre "travailler plus pour gagner plus", le candidat malheureux de 2012 fait l’éloge du travail qu’il tient pour un facteur d’épanouissement alors que ce dernier est souvent considéré comme une source d’aliénation. Pour lui il faut donc chercher à libérer le travail et aller vers un allongement de sa durée à la fois dans la semaine (retour sur les 35h) et dans la vie (report de l’âge légal de départ à retraite – 64 ans en 2025). Ces mesures s’inscrivent dans une réforme plus large du droit du travail où l’on retrouve la facilitation des licenciements, le plafonnement des indemnités prud’homales, la dégressivité des allocations chômage (-20 % au bout de 12 mois puis à nouveau -20 % au bout de 18 mois) ou encore l’inversion de la hiérarchie des normes (les accords collectifs prennent le pas sur le code du travail).
Pour Nicolas Sarkozy, ces réformes s’avèrent un mal nécessaire dans une logique de concurrence internationale. Selon lui, la mondialisation n’est pas un choix, une possibilité mais au contraire un phénomène inévitable face auquel notre pays doit s’adapter. Pour cela, la France doit gagner en compétitivité, ce qui passe inévitablement par une politique de l'offre favorable aux entreprises qui sont créatrices d’emplois. Suppression de l’ISF, suppression des charges sociales au niveau du SMIC et sur les emplois à domicile, simplification des normes administratives, travail le dimanche, mise en place du référendum d’entreprise pour dépasser le blocage des syndicats … Telles sont les recettes proposées pour, soit disant, retrouver le chemin de la croissance.
Sans oublier bien évidemment la réduction des dépenses publiques de 100 milliards d’euros et la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires en cinq ans grâce au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Mais Nicolas Sarkozy ne saurait faire du Nicolas Sarkozy sans ajouter à cette potion libérale une dose d’européisme (promotion du couple franco-allemand, gouvernance de la zone euro, élaboration d’un nouveau traité) et de mesures sécuritaires (création de places de prison supplémentaires, retour des peines planchers, déchéance de nationalité, enfermement préventif des djihadistes). Ajoutons à cela un passage sur l’immigration et la hausse des revendications communautaristes (délai de carence de 5 ans pour les étrangers avant d’accéder aux aides sociales, suppression de l’AME, réduction du regroupement familial) ainsi qu’un couplet sur l’autonomie des établissements scolaires (du primaire à l’université avec notamment une grande liberté accordée dans le recrutement et les programmes) et la boucle est bouclée.

Bien d’autres mesures sont évidemment évoquées dans ce livre programmatique de 240 pages. Il serait toutefois inutile d’y revenir dans le détail tant celles-ci ont été largement mises en avant durant la campagne et dont une partie ont été ou seront mises en œuvre durant le mandat d’Emmanuel Macron.

Régulièrement, et d’autant plus souvent en période électorale, nos hommes politiques nous ressortent le même refrain du "j’ai changé". C’est semble-t-il une grande spécialité de notre ancien président. Pour ma part, je crois que la constance est une qualité, en particulier en politique. Voilà pourquoi je terminerai mon propos en reproduisant ici même la conclusion d’un précédent article d'octobre 2016 sur le débat de la primaire de droite organisé par TF1.

Vieilles recettes pour les uns, véritable surenchère pour les autres, il est clair que ces propositions s'inscrivent dans la continuité des politiques menées ces dernières décennies avec toutefois, reconnaissons-le, des niveaux jamais atteints. Pour autant, comment croire que ces solutions seront efficaces cette fois-ci alors qu'elles ont toujours échoué par le passé ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire