Voilà maintenant plusieurs mois que je n'avais pas
repris le clavier pour alimenter ce blog. Et les derniers articles étaient davantage
consacrés à mes récentes lectures qu'à l'expression de mes analyses de
l'actualité. Je dois reconnaître que mon engagement local tend à s'intensifier
et occupe donc une place de plus en plus grande dans mon emploi du temps.
Emploi du temps déjà bien rempli par mon activité professionnelle de contrôleur
de gestion ainsi que par les cours que je dispense à l'université et à l'école
de commerce de Grenoble.
2017 aura été une année électorale importante avec
la présidentielle suivie des législatives. Je ne me suis pas spécialement
exprimé sur ce sujet ici dans la mesure où beaucoup de choses ont déjà été
dites sur l'irruption de candidats soi-disant neufs et l'avènement d'un
prétendu nouveau monde. Pour faire court, je considère qu'il s'agit là d'une
illusion, pour ne pas dire d'une véritable escroquerie, et que rien ne
ressemble plus au nouveau monde que l'ancien, avec la rémanence des vieilles
méthodes et la poursuite des politiques libérales du passé. Gageons que nos
concitoyens se rendront rapidement compte de la supercherie, en espérant que
cette prise de conscience ne soit toutefois pas trop tardive.
Nous aurons certainement d'autres occasions de
revenir sur la politique menée par Emmanuel Macron et notamment sur sa capacité
à faire diversion grâce à une communication plutôt bien maîtrisée. Je souhaite aujourd'hui
m'intéresser plus particulièrement à son ministre de l'éducation nationale,
Jean-Michel Blanquer et à ses récentes réformes. Incontestablement le ministre
est à l'heure actuelle un maillon fort du gouvernement et bénéficie d'une certaine
aura, à la fois auprès des sympathisants de gauche et de droite. Convenons
toutefois que le fait de succéder à Najat Vallaud-Belkacem n'est très
certainement pas étranger au phénomène.
Les premiers mois de Blanquer rue de Grenelle se sont
donc passés donc sans accroc majeur. Mieux, celui-ci a su imposer sa marque en
revenant aux fondamentaux et à une logique d'instruction publique plus en phase
avec les aspirations des Français, à l'opposé du pédagogisme ambiant de ces
dernières années. Pensée que je défends pour ma part depuis longtemps.
Pour dire vrai, j'ai également été séduit par les
premières mesures mises en œuvre suite à sa nomination : détricotage de la
réforme du collège, dédoublement des classes de CP et CE1, aides aux devoirs …
Pour autant, cette rupture avec le quinquennat précédent, qui lui a valu le
surnom de "ctrl-z", ne doit pas conduire à un aveuglement béat. Bien
au contraire car un examen plus minutieux de la matérialité des annonces fait
apparaître une réalité quelque peu différente.
Et à ce niveau les exemples ne manquent malheureusement
pas. Si les intentions sont louables, et j'en approuve un certain nombre, leur concrétisation
est parfois plus hasardeuse. Clairement le retour des classes bilangues et de
l'enseignement du latin et du grec est une très bonne chose mais cela s'est
toutefois fait sans rétablissement des moyens dédiés qui avaient été supprimés.
De même, le dédoublement des classes de CP et CE1 est une excellente idée qu'il
faut généraliser à l'ensemble des établissements mais sans les écueils actuels
(problème de place dans les écoles, fermetures de classes en milieu rural pour
réallouer les postes en zones prioritaires …). Bref, de manière générale, il
faut veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Pour l'heure, Jean-Michel Blanquer fait la course
en tête sans réelle contestation, l'opposition LR restant silencieuse, engluée
dans ses rivalités internes. Mais le momentum du ministre risque de ne pas
durer lorsque les réformes plus profondes vont se présenter. C'est d'ailleurs
le cas avec les annonces autour du futur baccalauréat avec un examen allégé mêlant
contrôle continu, grand oral et quatre épreuves écrites.
La contestation lycéenne est aujourd'hui limitée
et nombre de leaders politiques se laissent porter par la vague. Chacun peut
admettre que le fonctionnement de cet examen final et l'articulation
lycée-enseignement supérieur ne sont pas satisfaisants. Pour autant, je crois
que le bac est un bouc-émissaire tout trouvé permettant de s'affranchir d'une
réflexion plus profonde. Incontestablement le niveau d'exigence au bac a
considérablement baissé depuis de (trop) nombreuses années, motivé notamment
par le souhait illusoire et contre-productif d'amener 80 % d'une classe d'âge
au niveau du bac. Plus largement, et je ne peux que le constater avec mes
étudiants, c'est le niveau général des élèves qui a régressé. C'est donc
l'ensemble du cursus qu'il faut revoir, depuis la primaire avec un retour aux
enseignements fondamentaux (lire, écrire, compter) jusqu'à l'université avec la
mise en place assumée d'une réelle sélection à l'entrée.
Pour ce qui concerne plus particulièrement de
l'examen du bac, puisque c'est de cela dont il s'agit, je dois avouer que pour
moi la réforme proposée ne va pas dans le bon sens. Tout d'abord, la réduction
du nombre d'épreuves me paraît être dommageable puisque cela revient à réduire
l'effort de révision et de travail demandé aux candidats tout en créant une
distorsion supplémentaire avec le système de partiels qui existe dans
l'enseignement supérieur.
Ensuite, la fin des sections actuelles (S, ES, L),
c'est-à-dire finalement la création d'une multitude de combinaisons et donc de parcours
différents, tend à complexifier la lisibilité du diplôme tout en mettant à mal
la cohésion et l'unité au sein des classes.
Enfin, la mise en place du contrôle continu est
peut-être l'aspect le plus fondamental et le plus néfaste de cette réforme. En
effet, ce système conduit à remettre en cause le caractère national du diplôme et
donc à instaurer une rupture d'égalité, à la fois entre établissements mais
également entre élèves. Dit autrement, cela revient à avoir un bac qui a une
valeur différente selon que l'on se trouve au lycée Henri IV à Paris ou au
lycée Saint-Exupéry dans les quartiers nord de Marseille.
Cette réforme du bac s'inscrit ainsi dans une
logique plus large d'autonomisation accrue des établissements qui est actuellement
en cours et qui va se développer. Si le fait d'accorder davantage de marge de manœuvre
aux directeurs et autres proviseurs afin de s'adapter aux spécificités locales
peut paraître séduisant, je crains au contraire que le remède soit pire que le
mal. De fait, cela signifie la mort de l'égalité républicaine avec un socle
commun d'apprentissage au profit d'un accroissement des inégalités entre
établissements aisés qui continueront à assurer une formation de qualité et
établissements des zones prioritaires qui chercheront eux à limiter la casse.
Ne soyons pas naïfs, ces inégalités existent déjà
aujourd'hui. Nul ne peut le contester. Mais doit-on pour autant baisser les
bras en institutionnalisant cet état de fait ? Ne devrait-on pas au contraire
chercher à lutter contre ce phénomène en donnant à chacun les moyens de
réussir, afin justement de mettre un terme à ces pernicieuses prédispositions
sociales ?
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