samedi 9 mars 2024

IVG dans la constitution : dépassons la simple opération de communication

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Tel est le texte publié au Journal Officiel et qui a été ajouté à l’article 34 de notre constitution suite au vote des députés et sénateurs réunis en congrès lundi 4 mars (780 pour, 72 contre).
Ce vote est ainsi l’aboutissement de nombreux mois de débats autour de l’opportunité de constitutionnaliser l’IVG, nés de la volonté du président Macron estimant que « les reculs de notre époque en ont fait une nécessité et une urgence ». Rappelons, à toute fin utile, que celui-ci faisait notamment référence à l’annulation par la Cour suprême des Etats-Unis en juin 2022 d’un arrêt fédéral, Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit d'avorter sur tout le territoire. Chaque Etat américain étant depuis libre de déterminer sa propre politique en matière d'accès à l’IVG.

D’aucuns ont alors estimé que cet évènement, combiné aux contestations dans certains pays d’Europe (Pologne, Hongrie), pouvait présenter un risque dans notre pays, et ce alors même que l'IVG est légalisée en France depuis la loi Veil de 1975. Pour autant, certains considèrent que son ajout dans la constitution compliquerait les possibilités de la remettre en cause. Plus encore, l’Elysée reconnait qu’il s’agit là davantage d’un symbole, d’un marqueur extrêmement fort qui s’inscrit dans « un combat qui a énormément de valeur aussi dans le débat international. »

Alors que penser de tout cela ? Existait-il un réel risque quant à une remise en question en France ? Personnellement je ne le crois pas. Aucun parti ou force politique majeur dans notre pays ne prône l’abolition de l’IVG. Preuve en est d’ailleurs que son instauration dans la constitution a été votée à une très large majorité. On pourra toutefois regretter que ceux qui s’opposaient à cette révision constitutionnelle soient caricaturés en affreux réactionnaires anti-IVG. Car finalement la question posée n’était pas d’être pour ou contre l’IVG mais de savoir si celle-ci devait être mentionnée en l’état dans la constitution. Et donc plus largement de s’interroger sur les contours de notre constitution qui consiste fondamentalement à organiser et régir le fonctionnement de nos institutions.

Pour ma part je reste sceptique sur l’utilité réelle de cette constitutionnalisation. D’une part, car je considère à l’instar de Gérard Larcher que « la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux ». D’autre part car j’estime que ce vote ne garantit en rien l’immuabilité du droit à l’avortement dans la mesure où un nouveau vote pourra tout fait, certes plus difficilement qu’une simple loi, annuler cette décision en révisant à nouveau la constitution. Cela étant, et comme on dit chez moi, cela ne mange pas de pain donc mieux valait voter en faveur de cette mesure.

Et si finalement tout ceci n’était qu’une diversion, un subterfuge politique on ne peut plus classique qui consiste à user du sociétal pour détourner le regard tout à la fois des carences du gouvernement en matière sociale et des errements présidentiels à l’international ?
Pire encore, ne serait-ce pas là une mesure purement égotique du chef de l’Etat visant à laisser une trace dans l’Histoire faute de briller en d’autres domaines ?
Quoi qu’il en soit, si Emmanuel Macron voulait agir réellement en faveur de l’IVG il devrait alors tout mettre en œuvre pour rendre ce droit véritablement effectif afin que les femmes qui le souhaitent puissent y accéder dans de bonnes conditions de délais, d’infrastructures et d’accompagnement. 

 


 

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