mardi 9 juillet 2024

Législatives 2024 : tous gagnants, tous perdants ?

Reprendre le clavier avec assiduité n’aura finalement été qu’un vœu pieu qui n’aura que peu duré, à l’instar des bonnes résolutions de début d’année. Et pourtant ces dernières semaines ont été riches d’un point de vue politique, les européennes conduisant à une dissolution suivie d’élections législatives. Et tout cela n’est pas encore fini dans l’attente d’un nouveau gouvernement. Le meilleur ou le pire étant à venir …

Tout était pourtant parti d’un banal scrutin européen dont l’issue fut un résultat somme toute sans surprise avec une large victoire de la liste Rassemblement National conduite par Jordan Bardella. Jusque-là tout va bien comme dirait l’autre. Et les choses auraient pu continuer ainsi. Mais c’était sans compter sur la réaction clairement inattendue de notre cher président. Bien malin en effet celui qui aurait pu prédire cette dissolution sortie de nul part. Le camp présidentiel avait certes connu une importante défaite mais celle-ci était annoncée de longue date, pour ne pas dire attendue dans une élection de mi-mandat qui sont généralement peu favorables au pouvoir en place. Chacun aurait pu donc continuer son petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était.

Emmanuel Macron en a pourtant décidé autrement. Sans finalement que l’on sache avec certitude ce qui lui est passé par la tête : souhait de rebattre les cartes ou de reprendre la main, volonté de laisser une trace dans l’histoire, tentative de savonner la planche du RN en lui donnant les clés du camion … Peu importe en réalité puisque de nouvelles législatives ont été organisées les 30 juin et 7 juillet avec les résultats que l’on sait.

Et quels résultats in fine ! Alors même que le RN était largement en tête au 1er tour, de manière assez cohérente avec leur score aux européennes, nous avons pu assister à une sorte de remontada (euro de football oblige) de la part des forces du bien épargnant ainsi à notre pays le péril fasciste. Plus sérieusement, les résultats du second tour ont clairement secoué dans les chaumières avec dans l’ordre en nombre de sièges : NFP (Nouveau Front Populaire), majorité présidentielle et RN. Où l’on voit ici l’impact fondamental des désistements suite au premier tour, des appels au « front républicain » et de l’incidence de notre mode de scrutin à deux tours. Les uns y voyant des avantages qui sonnent comme des inconvénients pour les autres.

Sur cette distorsion d’angle de vue justement, il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point un même évènement peut être interprété et analysé de manière différente voire même opposée selon le prisme du narrateur. Ainsi qu’il s’agisse de l’alliance de la gauche, des compères macronistes ou des amis de Bardella et Ciotti, tous sont jugés au choix comme ayant progressé, limité la casse ou reflué.
Qui croire alors ? Vaste débat tant la conclusion dépend tout à la fois de celui qui parle et de la base de comparaison. Mais il faut surtout s’attarder une seconde sur les éléments qui sont mis en regard. Nous évoquions précédemment que le NFP était arrivé premier en termes de sièges (184) suivi de la majorité présidentielle (166) puis du RN et alliés (143). C’est factuellement vrai comme le montre l’infographie ci-dessous. Cela étant, en y regardant de plus près, on peut remarquer que l’on compare une coalition dans les deux premiers cas à un seul parti pour le troisième. Si l’on regarde donc le nombre de sièges par parti on se rend alors compte que le RN est en réalité le vainqueur de cette élection. De même lorsque l’on s’attache aux résultats en nombre de voix (2ème infographie). Et idem en termes de progression du nombre de députés.

Comment donc expliquer un tel écart entre ces chiffres issus du ministère de l’Intérieur et les commentaires qui en sont faits ? Si on laisse de côté les potentielles volontés de manipulation/désinformation, il me semble que deux phénomènes sont à prendre en compte.
D’une part les blocs de gauche et du centre sont considérés comme des ensembles homogènes et indissociables, comme un tout. Or ce n’est évidemment pas le cas ou en tout cas ne le sera probablement pas longtemps tant des divergences de fond et de forme importantes existent entre chaque composante, en particulier du côté du Nouveau Front Populaire.
D’autre part, les résultats de chaque pôle sont très souvent, voire systématiquement mis en perspective par rapport aux résultats attendus/projetés, aux sondages d’avant vote. En conséquence, vu sous cet angle, les scores du RN se résument en effet à une défaite et ceux de ses concurrents à des victoires inespérées. Ce phénomène est d’autant plus prégnant en raison de la physionomie du premier tour et des européennes ainsi que du climat de peur et de tension créé autour de la possibilité pour le Rassemblement National d’obtenir une majorité absolue. D’ailleurs que celui qui n’a pas entendu le mot soulagement dans son entourage lundi me lance la première pierre.

Mais au-delà de tous les commentaires et autres opinions, il n’en reste pas moins que les mois à venir risquent d’être compliqués avec une assemblée dans laquelle trois blocs s’opposent et se neutralisent. A minima à l’heure actuelle, avant toute tractation. Les prochains jours permettront peut-être d’y voir plus clair en nous amenant soit vers une paralysie parlementaire soit vers des alliances aux airs de la IVème République. Sauf à un nouveau coup de Trafalgar en provenance de l’Elysée. La boucle serait ainsi bouclée … 
 



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