lundi 21 juillet 2025

Projet de budget : Bayrou dans le vrai ou à côté de la plaque ?

Voilà près d’une semaine que le premier ministre a tenu sa conférence de presse visant à présenter ses pistes en perspective du budget 2026. Au programme, un effort de 43,8 milliards d'euros avec pour objectif de ramener le déficit à 4,6 % du PIB. S’il s’agit pour l’heure de propositions qui ont vocation à être discutées au Parlement, il n’en reste pas moins qu’une grande partie a fait polémique, provoquant les ires des partis d’opposition (mais pas que).

Avant d’aller plus loin, rappelons que je suis loin d’être un partisan d’Emmanuel Macron ou de François Bayrou et que je n’ai pas spécialement d’accointances avec Renaissance ou le Modem. Qui plus est, je crois profondément à la vocation interventionniste de l’État et à la nécessité de dispositifs de solidarité. Enfin, je suis foncièrement attaché à la responsabilité individuelle, à la valeur travail et au mérite.

Ces bases étant posées, que penser alors de ces premières annonces ? Utopie, fumisterie escroquerie ? Chacun ira évidemment de son commentaire en fonction de sa sensibilité et de ses intérêts mais contre toute attente je dois reconnaître que cette première version, qui sera très certainement éloignée de la version finale, n’est pas si mauvaise. Alors bien sûr tout n’est pas parfait, certains aspects sont laissés de côté et d’autres ne sont pas à la hauteur. Personne ne dira le contraire mais n’oublions pas le contexte dans lequel ces propositions sont avancées : absence de majorité à l’assemblée, épée de Damoclès de la censure, élections municipales en mars 2026 et présidentielles/législatives en 2027.

Indéniablement des efforts seront demandés. Cela ne me réjouit bien évidemment pas puisqu’impacté au premier chef par différentes mesures. Mais d’autres le seront également et a priori tout un chacun sera concerné ci ou là. A-t-on d'ailleurs réellement le choix ? N’a-t-on justement pas trop attendu, ménageant la chèvre et le chou pendant de très (trop) nombreuses années ? Ne rien faire, ou à la marge, serait-il réellement raisonnable au vu de notre situation économique et financière ? Au risque que d’autres, FMI, commission européenne ou BCE (la fameuse troïka) ne s’en mêlent et nous privent de faire nos propres choix ?

Clairement non tant la potion serait bien pire que celle qui nous est proposée. Comme je l’indiquais précédemment, on peut constater quelques trous significatifs dans la raquette qui permettraient de substantielles économies (plusieurs milliards d’euros selon où l’on place le curseur) : pas de privatisation (même partielle) de l’audiovisuel public, pas de baisse de notre contribution à l’Union européenne ou du budget relatif à l’aide au développement, pas de délai de carence pour les étrangers quant à l’obtention d’aides sociales, aucune simplification du millefeuille administratif …
De plus, y compris sur certaines mesures envisagées, les efforts sont timides : réduction de seulement 3 000 postes de fonctionnaires, effort insuffisant sur les opérateurs d’État. Pire encore, les dépenses de l’État en 2026 ne diminueront pas réellement puisqu’il s’agit uniquement de limiter la hausse prévue à environ 30 milliards d’euros au lieu du double. Et dans le même temps les impôts vont eux bel et bien augmenter.

Cela étant, et si le débat parlementaire permettait d’intégrer ces éléments, faut-il crier au scandale sur ce qui a été avancé par ailleurs ?

- Augmenter le plafond des franchises médicales de 50 € à 100 € : rien n’est malheureusement gratuit en ce bas monde, santé et médecine incluses. Ayant toujours été favorable au paiement des prestations par l’usager plutôt que le contribuable, cela ne me choque pas dans l’absolu. A noter d’ailleurs que ce reste à charge de 100 € n’est rien en comparaison du vrai coût supporté par la société.

- Instauration d’une année blanche fiscale avec gel des barèmes, des prestations sociales et des salaires publics : cela m’embête évidemment car me fera payer davantage d’impôts mais c’est une mesure simple, rapide, efficace qui touchera un grand nombre d’individus sans trop de favoritisme

- Économies de 5,3 milliards dans les collectivités : j’entends déjà les élus crier au scandale mais là encore tout le monde doit faire des efforts. On a d’ailleurs vu ces mêmes élus se rattraper sans vergogne sur la taxe foncière pour compenser. Peut-être que ces derniers devraient s’interroger sur l’utilité et la pertinence réelles de l’ensemble de leurs dépenses afin de retrouver quelques marges de manœuvre en se concentrant sur leurs missions premières

- Refonte de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités : typiquement un avantage historique indu qui aurait dû disparaitre depuis longtemps. Le remplacement par un abattement forfaire de 2 000 euros permettra d’ailleurs d’épargner les retraités les plus précaires

- Suppression de deux jours fériés : probablement la mesure qui me chagrine le plus, bien qu’objectivement entendable si l’on raisonne de manière rationnelle. Gageons néanmoins que celle-ci servira de monnaie d’échange et ne verra probablement pas le jour

- Mise en place d’une contribution de solidarité sur les plus fortunés : à voir ce qu’il en retournera vraiment mais sans aucun doute indispensable et nécessaire dans la mesure où chacun doit prendre sa part des efforts collectifs

- Création d’une allocation sociale universelle et simplification des procédures bureaucratiques : aspects déjà évoqués par ailleurs mais piste à creuser dans la mesure où notre système actuel est bien trop foisonnant et complexe

Comme je m’en amusais le week-end dernier lors d’un repas entre amis, c’est moi le souverainiste-interventionniste qui prenais la défense de Bayrou le libéral-européiste. Le monde à l’envers … Plus sérieusement, au vu des circonstances, le premier ministre n’a rien à perdre dans cette histoire puisque sa tête est mise à prix depuis bien longtemps. Il peut toutefois réussir à corriger quelque peu le tir si tant est que les différents responsables politiques prennent leurs responsabilités. Cela reste toutefois hautement improbable pour ne pas dire impossible tant l’approche des élections des deux prochaines années les incitent à être dans la posture politicienne.
Espérons simplement que de réelles réformes structurelles seront mises en place après 2027 et surtout qu’il ne sera pas trop tard à ce moment-là.

 


 

dimanche 6 juillet 2025

Audiovisuel public : et si l’on posait la question de la privatisation ?

Parmi les serpents de mer de la vie politique française, la question de l’audiovisuel public occupe une bonne place. Nouvel (nouvel, nouvel …) épisode en ce début d’été avec l’examen d’une proposition de loi visant notamment à créer une holding, France Médias, chapeautant France Télévisions, Radio France et l'INA. Une motion de rejet préalable ayant été votée à l’Assemblée nationale, le texte n’a donc pas été examiné et a pris la direction du Sénat au sein duquel il devrait vraisemblablement être approuvé.

Mais avant d’évoquer le fond du texte, reposons un peu de contexte pour mieux comprendre de quoi on parle. Selon l’Arcom, le secteur public de la communication audiovisuelle est composé de 6 organismes que sont France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut National de l’audiovisuel (INA), ARTE France, LCP Assemblée nationale - Public Sénat. Les trois premiers sont des sociétés nationales de programme qui concentrent près de 90 % du budget issu de dotations de l’État. Un budget, passé de 3,72 milliards d’euros en 2021 à 3,95 milliards en 2025, qui provient des recettes de la TVA depuis la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (redevance télé) en 2022.
Plus concrètement, France Télévisions c’est environ 8 900 salariés pour un budget de 2,7 milliards d’euros et cinq chaines nationales (France 2, France 3, France 4, France 5, franceinfo). Radio France de son côté occupe 4 500 salariés autour de six radios (France Inter, France Culture, France Musique, FIP, Mouv', le réseau ICI, anciennement France Bleu) pour un budget de 700 millions d’euros. Enfin France Médias Monde avec 1 700 salariés, 300 millions d’euros et 3 chaînes (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Maintenant que les bases sont posées, arrêtons-nous un moment sur ce projet de réforme. L’idée principale est de créer une holding détenue à 100% par l’État, holding qui détiendrait elle-même France Télévisions, Radio France et l'INA avec pour objectif de définir la stratégie de ces médias, d'accélérer les coopérations et d'optimiser la répartition des moyens comme indiqué par la commission de la culture du Sénat. Dit autrement, il s’agit tout à la fois de simplifier la gouvernance de ces entreprises, de renforcer les synergies et de maximiser les économies d’échelle.
N'étant pas un spécialiste de cette proposition de loi, je ne suis donc pas en mesure d’interpréter d’éventuels coups de billards à plusieurs bandes ou de volontés cachées. Pour autant, tel que présenté précédemment et au vu du contexte actuel, il ne me semble pas déraisonnable de chercher à optimiser le fonctionnement de ce service public en s’attaquant aux doublons de structure, de bureaux, bref en cherchant à mutualiser les frais fixes.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin diront certains ? Bonne question en effet.
Au-delà des doublons de structure, n’existe-t-il pas des doublons au sein même des chaînes ou des radios, en termes de programmes, de public visé, de positionnement ? Plus que des rapprochements, des fusions ne seraient-elles pas envisageables afin de rationaliser l’organisation de ces entreprises ?

Et si l’on allait encore plus loin ?
L’ensemble de ces sociétés ont-elles réellement vocation à être publiques ? L’État a-t-il vraiment besoin de contrôler autant de médias publics ? Mieux, est-ce véritablement son rôle ? S’il est notamment dans ses prérogatives de garantir le pluralisme, celles-ci ne pourraient-elles pas être mises en œuvre au travers d’organismes de contrôle ?

Indéniablement je crois que ces questions devraient faire l’objet d’un réel débat public, à la fois au Parlement et plus largement au sein de la société, en mettant sur la table l’ensemble des éléments à considérer : financement, participation aux efforts d’économies, parts de marché, concurrence des plateformes en ligne … Cela afin que la question de la privatisation soit abordée, débattue et tranchée démocratiquement.