mercredi 24 septembre 2025

Taxe sur le patrimoine : stop à la Zucmania !

Bernard Arnault contre Gabriel Zucman. S’il ne s’agit pas de la dernière affiche d’une compétition de MMA, le combat entre le dirigeant de LVMH et l’économiste star du moment n’en reste pas moins brutal. Au cœur des débats, la taxation à venir (ou non) du patrimoine des plus aisés par le biais de la fameuse taxe Zucman, du nom de son créateur.

De quoi parle-t-on en réalité ? La proposition vise à la mise en place d’un impôt plancher annuel à hauteur de 2 % du montant des patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. L’idée serait ainsi que les plus riches (1 800 foyers selon les estimations) s’acquittent d’un impôt équivalent a minima à 2 % de leur fortune.
Certains évoquent le retour de l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune) qui a été transformé en IFI (Impôt sur la Fortune immobilière) en 2018. Pour autant d’importantes différences existent, à la fois sur l’assiette (la taxe Zucman s’applique à l’ensemble du patrimoine, y compris les biens professionnels de type actions d’entreprise), les taux (0,5 à 1,5 % pour l’ISF) ou les seuils de déclenchement (1,3 million pour l’ISF).

Sans grande surprise, cette idée de nouvelle taxe divise, provoquant une levée de boucliers des plus aisés et étant davantage soutenue par l’opinion publique. Rien de très anormal que de vouloir faire payer les riches alors même que l’on évoque chaque jour la situation financière dégradée de notre pays. L’affrontement par médias interposés entre Bernard Arnault, (très) grande fortune française, et Gabriel Zucman, économiste issu de la gauche et soutien de Jean-Luc Mélenchon, traduit bien cette vision binaire, pour ne pas dire caricaturale du sujet.

Essayons néanmoins de s’affranchir des clichés, caricatures et autres idées préconçues pour prendre un peu de hauteur et se pencher sur des questions de fond.
Est-il légitime de taxer les personnes les plus riches ? Évidemment oui, au même titre que chacun doit prendre sa part de l’effort de redressement, il est logique que les plus aisés contribuent à la hauteur de leurs moyens.
La taxe Zucman répond-elle à cet objectif ? Sur le papier oui mais son fonctionnement n’est pas sans poser des difficultés opérationnelles car elle conduirait dans un grand nombre de cas à devoir vendre une partie du patrimoine pour s’acquitter de l’impôt, en particulier lorsque celui-ci est composé d’actions d’entreprises. Outre des questions pratiques, cela interroge sur l’aspect dépossédant et confiscatoire de cette taxe d’une part et des risques liés aux cessions d’actions et donc à terme de changement de contrôle des entreprises d’autre part. Les effets néfastes pouvant rapidement dépasser les gains attendus.

Question complémentaire, dépassant la seule question de cette proposition, est-il juste de taxer le patrimoine ? Car in fine que l’on parle d’ISF, d’IFI ou de taxe Zucman mais aussi de succession, il s’agit bien de faire payer aux contribuables une somme calculée sur la valeur de leur patrimoine, donc ce qu’ils possèdent que cela leur génère ou non des revenus. Et là je dois dire que je suis davantage sceptique sur ce point pourtant largement mis en œuvre dans notre pays. En effet, ce patrimoine (biens immobiliers, véhicules, placements financiers …) a été obtenu grâce à des revenus qui ont eux été taxés (impôt sur le revenu, prélèvements sociaux …). De même, les revenus générés par ce patrimoine (loyers, intérêts, plus-values) seront également taxés. Pourquoi alors, outre des considérations purement financières, venir d’une certaine manière imposer trois fois le contribuable : à la création du patrimoine, lors de sa détention puis de sa transmission ?
Les arguments de correction des inégalités et de solidarité pourraient être invoqués. C’est-à-dire que cette multiple imposition a pour objectif une redistribution des richesses. Cela est évidemment entendable mais cette visée n’est-elle pas remplie au travers de la taxation progressive des revenus ? A l’inverse, la possession d’un patrimoine qu’il s’agisse d’un investissement locatif ou d’une entreprise ne devrait-elle pas être saluée (voire récompensée si j’osais) en raison de la valeur qu’elle crée pour le collectif (fourniture de logements ou d’emplois par exemple) ?

Bien évidemment il est peu probable que ces questions seront mises sur la table tant il est plus simple de chercher à taxer toujours plus afin de remplir les caisses de l’Etat. Pour autant, il me semble nécessaire de profiter des prochaines échéances présidentielles afin de requestionner notre système fiscal dans le but de recréer une réelle cohérence et équité entre payeurs et bénéficiaires. La suppression de la taxe d’habitation en étant l’exemple type, rompant le lien entre le locataire habitant et les collectivités qui lui fournissent des services (écoles, périscolaire, collecte des déchets …).

Indéniablement, les sujets de réduction des dépenses publiques et de consentement à l’impôt, qui tend à se réduire, sont les deux faces d’une même pièce. Ils doivent donc être appréhendés de concert au risque de voir croître une grogne fiscale qui couve depuis un certain temps (cf le mouvement c'est Nicolas qui paie).  

dimanche 7 septembre 2025

François Bayrou : confiance or not confiance ?

6 et 7 septembre 2025 : gageons que notre cher premier ministre n’a pas passé le meilleur week-end de sa vie en cette semaine de rentrée scolaire, en raison de l’épée de Damoclès qui flotte au-dessus de sa tête. Encore que celui-ci semble ces derniers temps prendre avec une certaine légèreté la situation qu’il a lui-même créée.
Mais quoi qu’il en soit, nous serons rapidement fixés puisque c’est demain que sera organisé le vote de confiance des députés suite à la décision de François Bayrou d’engager ce jour-là la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale.

Le suspens semble toutefois mince puisque la plupart des forces politiques représentées à l’Assemblée ont exprimé leur souhait de renverser le gouvernement, invoquant en particulier des désaccords sur les politiques budgétaires à venir. Sauf surprise de dernière minute, ou devrais-je dire éclair de lucidité et de responsabilité, François Bayrou présentera la démission de son gouvernement au président de la République dans les prochains jours.

Alors que penser de tout cela ? Doit-on se réjouir de la probable chute du gouvernement ou au contraire s’en inquiéter ? Très honnêtement, je penche pour la seconde option tant l’alternative du saut dans le vide me semble préoccupante. Cela ne signifie pas qu’aucune censure n’est envisageable à l’avenir, notamment à l’occasion du vote du budget mais je ne suis pas convaincu que cela soit le moment alors même que les débats autour des propositions de François Bayrou n'ont pas commencés. N’est-ce d’ailleurs pas là le rôle de nos députés ?

Et au-delà, quelles sont les perspectives qui nous sont offertes suite à ce vote de (non) confiance ? Une dissolution de l’Assemblée ? Réclamée par certains, Emmanuel Macron a toutefois rejeté l’hypothèse. Ce qui n’est pas forcément pour me déplaire à vrai dire car je ne crois pas que cela débloquerait réellement la situation et ajouterait de la confusion à la confusion sans permettre de faire émerger une majorité. Plus encore à quelques mois des élections municipales.

Seule solution alors, se mettre en quête d’un nouveau (nouveau, nouveau) premier ministre qui sera en mesure de constituer un gouvernement un minimum pérenne et qui saura faire adopter un budget. Pas une mince affaire donc au vu des enjeux actuels. Et cette période d’incertitudes ne fera qu’aggraver une conjoncture déjà sombre. Sans tomber dans un catastrophisme délétère, les blocages annoncés le 10 septembre, la probable dégradation de la note française par Fitch le 12 et le mouvement de grève du 18 renforceront nos difficultés.

Continuer avec l’équipe actuelle en votant la confiance n’est évidemment pas l’option idéale et ne doit pas être vue comme un blanc-seing pour la suite. Il s’agit au contraire, je crois, d’éviter un plongeon dans le chaos, de s’accorder sur des constats partagés puis de débattre des solutions à mettre en œuvre. Car qu’on le veuille ou non, la France a perdu de sa superbe et fait face à une situation sociale, économique et financière dégradée qu’il faut affronter. Refuser de voir le problème ou le nier ne le fait pas pour autant disparaitre. Nos dirigeants politiques devraient alors méditer sur le message plutôt que d’abattre son porteur. Mais les postures et autres stratégies politiques prendront certainement le pas sur le reste. Réponse demain …