vendredi 5 avril 2013

Il faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler

Étant entré depuis quelques mois sur le marché du chômage de l'emploi, je constate avec regret que la réalité du monde du travail est bien conforme à l'idée que je m'en faisais. Pour être honnête, il ne s'agit pas là de ma première expérience professionnelle puisque j'ai déjà effectué plusieurs stages en entreprise. En revanche, cela correspond à mon premier "vrai travail" en tant que salarié sur une durée significative.
 
Avant d'aller plus en avant, il est un reproche qui est souvent fait aux débutants, à savoir le manque d'expérience. Évidemment c'est un fait. Mais n'est-ce pas là le propre du débutant que de manquer d'expérience ? Et n'est-il pas paradoxal que les employeurs n'embauchent pas des jeunes sans expérience alors que ceux-ci ne sont pas prêts à leur laisser une chance de faire leurs preuves ? Autrement dit, comment acquérir de l'expérience si personne ne veut de vous justement parce que vous manquez d'expérience ?
 
Clairement cette question de l'expérience n'est pas nouvelle et concerne, a priori, l'ensemble des jeunes diplômés. Toutefois, cela devient d'autant plus problématique lorsque le marché du travail est maussade comme c'est le cas actuellement. De fait, en période de chômage de masse, les employeurs ont à leur disposition une flopée de candidats et pourront donc obtenir, relativement sans mal, un candidat confirmé.
 
La recherche d'un premier emploi est donc souvent un parcours du combattant semé d'embûches. Et cela peut devenir encore plus compliqué dès lors que la personne ne touche pas d'indemnités chômage, notamment en raison d'un manque de temps de travail du fait d'études prolongées. En conséquence de quoi, certains jeunes n'ont d'autres choix que d'accepter des emplois qui ne correspondent pas à leurs attentes, que ce soit en termes d'activité, de niveau de qualification ou de rémunération.
 
On voit alors apparaître, ou plus exactement se développer, un chantage à l'emploi. Pour faire court, cela revient à ce que l'employeur accepte d'embaucher un jeune à condition que celui-ci fasse des concessions de son côté sur les conditions de travail (volume horaire, salaire …). 
Mais ce chantage ne concerne évidemment pas que les jeunes puisque toute la population est aujourd'hui susceptible de se retrouver dans ce cas. Face à un afflux massif de candidatures, les employeurs se retrouvent ainsi en position de force pour imposer leurs exigences. Et, sans surprise, ce phénomène conduit irrémédiablement à une révision à la baisse des salaires.
 
Il apparaît toutefois qu'accabler uniquement les employeurs serait malhonnête de ma part. Il est vrai qu'une grande partie d'entre eux n'ont que peu de respect pour leurs employés qu'ils considèrent davantage comme un coût que comme une ressource. Il est vrai aussi que certains d'entre eux n'hésitent pas à exploiter les salariés et à les payer à coup de lance-pierres.
Mais dans la relation employeur/employé, il y a bien deux acteurs. L'employeur d'une part, avec toutes les "qualités" qu'on leur connaît. Mais également l'employé que l'on a tendance à trop souvent oublier.
Or si les patrons ne sont pas tout rose, les salariés ne le sont pas forcément non plus. Je ne parlerais pas ici des comportements inappropriés de certains employés ou des fautes que ceux-ci commettent car ce n'est pas le sujet de cet article.
 
Mon propos initial, et j'y reviens, concerne davantage la relation des salariés à leur travail en tant qu'individu. Clairement chaque personne est différente et a un parcours qui lui est propre. Et ce qui est valable au niveau personnel, l'est aussi dans le domaine professionnel.
Pour autant, il apparaît que des profils-type se dégagent et reviennent de manière récurrente quelles que soient les entreprises.
 
Ce qui m'intéresse aujourd'hui est de constater les différences qui existent, en particulier par rapport au temps de travail. Depuis que je travaille (stages compris), j'ai toujours veillé à ce que ma vie professionnelle n'empiète pas sur ma vie personnelle. En conséquence, j'essaie, dans la mesure du possible, de toujours effectuer des horaires raisonnables en ne partant pas tard le soir. Dans mon emploi actuel, j'effectue généralement 40 heures par semaine, le tout en partant la plupart du temps vers 17h00. Et cela ne m'empêche en aucun cas d'effectuer les tâches qui m'incombent, bien au contraire.
 
A l'inverse, je connais des personnes qui effectuent des semaines de plus de 50 heures et quittent leur travail le soir bien longtemps après moi (19h, 20h). En discutant avec ces personnes, celles-ci nous expliquent généralement qu'elles n'ont pas le choix, qu'elles sont obligées. Si je peux comprendre que certaines périodes soient plus chargées que d'autres, nécessitant alors un surcroît de travail temporaire, ces explications ne tiennent pas la route lorsque la personne en question enchaîne les 7h-19h tout au long de l'année.
 
Pour moi l'individu est libre de ses choix et doit donc les assumer, sans se chercher constamment des excuses. Partout, des milliers de personnes privilégient leur carrière aux dépens de leur vie de famille. C'est un choix personnel qui leur appartient. Je connais des gens qui ont annulé leurs vacances au dernier moment pour retourner au boulot. Je connais des gens qui travaillent chez-eux le week-end, en plus de leur semaine de travail. Bref, je connais des gens qui vivent pour travailler.
Ce n'est évidemment pas ma conception de la vie. Oui le travail peut-être une source d'épanouissement. Oui le travail est un vecteur de lien social. Mais non le travail ne doit pas être l'unique préoccupation d'une personne. Pour être quelque peu caricatural, deux raisons principales me poussent à travailler : occuper mes journées et bien évidemment gagner de l'argent pour pouvoir manger. Si certains aspirent à un (très) gros salaire ou de (très) importantes responsabilités, je ne demande, personnellement, qu'à avoir un travail intéressant, suffisamment payé pour vivre correctement et qui me laisse du temps libre.
 
Comme je le disais plus haut, chacun a sa propre perception du travail. Mais, comme dans d'autres domaines, il est nécessaire de respecter l'autre en ne cherchant pas à imposer sa vision des choses. C'est pourquoi il me semble impératif de conserver un socle légal commun de droit du travail et donc de ne pas donner toute latitude aux négociations entre syndicats et patronat comme le souhaite François Hollande. La législation actuelle, à savoir une durée légale du travail de 35 heures par semaine avec des heures supplémentaires majorées possibles, me semble être une bonne chose.
Si beaucoup, notamment à droite, fustigent les fameuses 35h, je crois au contraire qu'il s'agit là d'une réelle avancée sociale pour les salariés qui leur ont permis d'avoir davantage de temps libre. D'ailleurs, rien n'empêche de travailler plus dès lors que la durée maximale est respectée.
 
Il faut toutefois noter que, parallèlement à cette durée légale, de nombreux dispositifs dérogatoires existent. Je pense notamment au forfait cadre auquel je suis soumis. Ainsi, je dois effectuer un minimum de 37h45 par semaine dont 2h45 (soit la différence à 35h) sont obtenues sous forme de RTT. Le reste, c'est-à-dire toutes les heures effectuées au-delà de ce minimum de 37h45 ne sont évidemment pas payées. Officiellement la rémunération brute est majorée afin de tenir compte de ces fameuses heures en plus. Mais cela est un leurre et il serait clairement plus intéressant d'être aux 35 heures et que ces heures supplémentaires soient réellement payées.
 
Le forfait cadre est donc indéniablement une escroquerie nationale qui consiste à travailler plus pour gagner moins. Et plus largement le statut de cadre est un attrape-gogos puisqu'il ne s'agit que d'un "titre" qui induit davantage de responsabilités sans obtenir forcément les contreparties qui vont avec. Pire, j'ai déjà entendu certaines personnes invoquer le fait d'être cadre pour justifier un temps de travail excessif. En somme, je suis cadre donc il est normal que je travaille beaucoup. Avec de braves petits soldats comme ça, le patronat peut se frotter les mains …
 
Au final, la relation employeur/employé est par essence déséquilibrée en faveur du premier. Et sans un minimum de revendications ou de négociations, celui-ci arrivera, tôt ou tard, à faire pencher davantage la balance de son côté. Voila pourquoi je considère qu'il est indispensable de fixer des limites dès le début et de ne pas dire amen à toutes les volontés de son patron.
Certes la conjoncture n'encourage pas à cela mais plus les salariés de notre pays se soumettront et plus ils se braderont individuellement, plus les salariés au niveau global auront à perdre. C'est donc d'un sursaut général dont notre pays a besoin, afin que le droit des travailleurs ne soit pas bafoué comme c'est généralement le cas aujourd'hui.
 
Et dans cette nouvelle lutte des classes, car c'est bien de cela qu'il s'agit, les politiques ont clairement un rôle à jouer, notamment par le biais de la l'arsenal législatif et fiscal. Malheureusement pour nous, il semblerait bien que François Hollande, comme Nicolas Sarkozy  en son temps d'ailleurs, ait déjà choisi son camp. Et ce n'est visiblement pas celui des ouvriers …

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