mardi 30 avril 2013

Gouvernement d'union nationale : pour qui, pour quoi ?

 Alors que la côte de popularité de François Hollande est au plus bas, un sondage paru dans le JDD du 28 avril nous apprend qu'une très large majorité de Français (78 %) sont favorables à la constitution d'un gouvernement d'union nationale. Mieux, ce panel prône à 47 % l'entrée de François Bayrou dans cette équipe gouvernementale.
 
Notre pays n'ayant pas connu de tel gouvernement depuis de Gaulle, il est assez surprenant de voir émerger une telle hypothèse. Cela étant, on peut remarquer que plusieurs de nos voisins ont récemment eu recours à cette méthode, ce qui a pu inspirer nos compatriotes ou tout au moins les instituts de sondage. Il en est ainsi de l'Italie où le dirigeant de gauche Enrico Letta vient juste de former un gouvernement réunissant les principales forces politiques du pays (le Parti Démocrate de Bersani, Peuple De la Liberté de Berlusconi et les centristes de Monti). Sans oublier l'Allemagne et sa coalition CDU/SPD en 2005 lors du premier mandat d'Angela Merkel. 
 
Hormis ses considérations internationales, on peut malgré tout penser que le contexte franco-français joue un rôle non négligeable dans les résultats de ce sondage. Indéniablement François Hollande déçoit. Et ce ne sont pas ses gesticulations stériles sur le mariage homosexuel qui vont rassurer la population. De fait, se concentrer sur des questions sociétales clivantes n'est pas forcément le plus judicieux en temps de crise économique, d'autant plus que le chômage et le pouvoir d'achat sont connaissent une évolution inversement proportionnelle.
 
Face à cette déception, certes légitime mais prévisible, les Français interrogés semblent donc exprimer la volonté d'un réel changement. Assez logiquement l'UMP ne remporte pas les suffrages, notamment en raison du spectacle pitoyable qu'elle offre (élections internes, comportements autour du mariage pour tous …) mais également de ses précédents échecs lors de ses récents passages au pouvoir.
A l'inverse, Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche ne rencontrent pas le succès auquel on pourrait s'attendre. Alors que le PS a entamé le tournant de la rigueur dès le début de son mandat, la camarade Jean-Luc n'arrive visiblement pas à capitaliser sur le rejet du pouvoir en place.  En fait, seul le Front National réussit à tirer son épingle du jeu, notamment grâce à la figure de Marine Le Pen et au contexte on ne peut plus favorable du "tous pourris".
 
Cela étant, ce sondage met en avant un scénario d'union nationale et non pas d'une simple alternance, ce qui n'est pas neutre et peut vouloir signifier plusieurs choses.
D'une part, il est clair que la situation du pays préoccupe les Français qui veulent donc que l'ensemble de la classe politique prenne les problèmes de la nation à bras le corps. D'où cette volonté de rassembler les grands partis en un seul gouvernement.
D'autre part, cela laisse entendre que la confiance dans les principaux partis s'est amoindrie et que leur capacité à changer la vie est donc sérieusement mise en doute. Bref, l'enseignement de cette étude pourrait être : plutôt que de continuer avec un parti (PS ou UMP) que l'on connaît et qui a déjà échoué, pourquoi ne pas essayer de tous les mélanger ?
 
En ce sens, l'arrivée en tête du sondage de François Bayrou n'est que peu surprenante. De fait, celui-ci bénéficie d'une relative "virginité politique" n'ayant pas été au pouvoir ces dernières années. Bayrou incarne donc un certain renouveau mais également une constance et une rigueur morale, notamment à la suite de son échec de 2012. Plus encore, de par son positionnement même et ses propos sur la rénovation politique ou la dette, le leader du Modem apparaît comme visionnaire sur ces sujets.
Cela étant, la réalité n'est pas aussi rose concernant Bayrou et les Français ont malheureusement la mémoire courte. Ainsi, peu de gens se souviennent qu'il fut ministre de Jacques Chirac et donc comptable de son bilan. De même, si les constats étaient bons, les solutions économiques proposées lors des campagnes présidentielles se résument à une politique européiste de rigueur. Soit exactement la même chose que sous Nicolas Sarkozy et François Hollande. N'oublions pas d'ailleurs que le succès du centriste en 2007 n'est pas imputable en totalité à son programme et sa personne mais doit au contraire beaucoup au rejet de ses deux adversaires de l'époque, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy.
 
Mais laissons là François Bayrou et revenons-en à ce qui nous préoccupe aujourd'hui.
Malgré ce sondage encourageant, il est très probable voire même certain que François Hollande ne remaniera fondamentalement son gouvernement. Au pire, on assistera à quelques ajustements afin de tenir compte du contexte actuel mais rien ne laisse présager un gouvernement d'union nationale. Et cela est somme toute logique car rien ne justifie une telle chose. Certes la situation économique et financière du pays est préoccupante mais pas au point de tout changer. A mon sens, seul un évènement d'une extrême gravité comme une guerre par exemple pourrait légitimer un tel scénario.
D'un point de vue plus politicien, la gauche étant arrivée au pouvoir après des années dans l'opposition, il serait incompréhensible que celle-ci se dépossède de son propre pouvoir, et cela d'autant plus qu'elle possède la majorité au Parlement.
 
Si la gauche refuse logiquement un gouvernement d'union nationale, il faut toutefois remarquer que les autres partis rejettent également cette possibilité. Car ceux-ci auraient davantage à perdre qu'à gagner. Le refus du FN, qui se veut hors du système et qui a de profondes divergences de fond avec le PS, est ainsi sans surprise. En revanche, et sur un modèle à l'italienne, l'UMP aurait pu adopter une position différente en jouant la carte de l'intérêt supérieur de la nation et donc en retournant la situation à son avantage. Cela aurait évidemment été sans risque dans la mesure où le PS n'aurait pas accepté cette offre.
 
Pour autant, le fait même de laisser la porte ouverte à une telle proposition pouvait mettre l'UMP en difficulté. De fait, il est difficile d'expliquer que l'on va finalement s'allier avec le parti que l'on n'a cessé de critiquer pendant des années. Difficile certes mais pas impossible, notamment en période de crise. En revanche, faire partie d'un même gouvernement suppose de s'accorder sur un programme commun, même réduit au minimum. En particulier au niveau fiscal et économique puisque ce serait l'enjeu principal d'un tel gouvernement.
 
Et c'est justement là que le bât blesse. Car les Français se rendraient enfin compte que le PS et l'UMP sont tous deux adeptes de la même pensée économique et que les politiques qu'ils mènent ne sont donc pas si différentes. Malgré les apparences, PS et UMP défendent le système économique et financier actuel sans aucune volonté de le réformer. Ce ne sont ni plus ni moins que des gestionnaires de la rigueur et de l'austérité. En fait, comme disait Philippe Séguin, l'UMP et le PS sont les deux détaillants d'un même grossiste : l'Union Européenne …

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