mardi 8 septembre 2015

Crise des migrants : émotion n'est pas raison

Comme j'aime à le dire, le savoir c'est le pouvoir et la communication une manipulation.
Et l'actualité récente est venue attester encore une fois de la pertinence de cette réflexion. Et par actualité récente, je pense bien évidemment à la photo d'Aylan, cet enfant syrien retrouvé mort sur une plage de Turquie.

Indéniablement cette image a provoqué une forte vague d'émotion dans l'opinion publique. Chacun, et c'est bien légitime, a pu être touché par ce tableau d'horreur. Comment ne pas l'être d'ailleurs ? Et n'était-ce pas justement l'objectif ? N'y avait-il pas derrière ce cliché une volonté de prise de conscience ? On peut évidemment le penser.

Et cela a visiblement bien fonctionné. Il a suffit d'une photo, d'une seule photo parmi tant d'autres pour déclencher une mobilisation d'ampleur internationale. On voit bien là toute la puissance de l'émotion et de la communication. Bien sûr que cet enfant n'est pas la première victime, et probablement pas la dernière, d'une traversée hasardeuse. Mais c'est l'une des rares fois où cette image de mort a été diffusée si massivement. La crise des migrants avait maintenant un nom et un visage, elle était personnifiée.

Tous les bons communicants vous diront que l'incarnation, l'humanisation d'une problématique quelle qu'elle soit est le meilleur moyen de créer un sentiment de proximité avec l'opinion publique et donc de l'impliquer. Et c'est ce qu'a permis cette photo alors même que cela fait des mois et des mois que des milliers de personnes (hommes, femmes et enfants) se noient dans l'indifférence générale.     

Mais ce désintérêt est bel et bien terminé et il est tout à la fois triste et drôle de voir nos dirigeants prendre enfin conscience de la problématique des migrants. Outre le fait que ce phénomène n'est pas nouveau, il s'avère que ceux-ci ont activement contribué à l'alimenter. Je pense notamment à leur action au niveau européen (espace Schengen, traités prônant la libre circulation …) et international (intervention militaire en Libye, faible action contre Daech). Car c'est clairement la conjonction de ces deux facteurs qui a conduit à la situation actuelle.

Aujourd'hui l'europe doit donc faire face, sans y être vraiment préparée, à un afflux massif de personnes arrivant pour beaucoup par la mer (iles grecques, Lampedusa …).  Parmi ceux-ci une grande partie cherchent à fuir des pays en guerre (Libye, Syrie) et sont donc potentiellement éligibles au statut de réfugiés. Toute la problématique étant de savoir lesquels.
Car il est clair qu'il n'existe pas UNE mais DES immigrations. Outre l'asile politique, on retrouve le regroupement familial, les étudiants, la migration du travail ou économique.  Chaque situation étant différente, un traitement particulier doit y être appliqué.


Comme nous l'avons dit, peu de pays sont préparés à accueillir ces migrants. Et cela conduit alors au développement de bidonvilles comme à Calais et crée des situations difficiles, à la fois pour ceux logeant dans ces camps de fortune et pour les habitants des communes concernées. La question de la prise en charge de ces personnes doit donc impérativement être posée et réfléchie afin d'éviter de nouveaux drames humains.
Là encore l'émotion n'a pas sa place et la réponse à apporter doit tenir compte de l'ensemble des paramètres. Refuser tout asile politique comme le font certains me paraît être une position difficilement tenable. De par son histoire et les valeurs qu'elle porte, la France se doit de faire preuve d'humanisme et d'humanité en respectant sa tradition de terre d'asile.
Ces principes étant posés, il me semble toutefois nécessaire de réaffirmer la conditionnalité de ce droit d'asile et de clarifier les règles permettant d'accéder au statut de réfugié. Car aujourd'hui ce système a perdu en efficacité et est détourné de son usage premier. En effet, d'une part le délai de traitement des demandes est beaucoup trop long et d'autre part la plupart des personnes ayant vu leur demande refusée restent sur le territoire national devenant alors des clandestins. Cet état de fait doit donc être corrigé au plus vite en associant solidarité et fermeté.

Mais faire preuve de générosité en accueillant toujours plus de migrants n'est pas une fin en soi. Car encore faut-il pouvoir proposer à ces personnes un accueil décent. Les faibles réticences de l'Allemagne à l'arrivée de près de 800 000 migrants, pour majorité des hommes jeunes (profil qui peut d'ailleurs prêter à interrogation), n'est pas un hasard tant ce pays vieillissant à besoin d'un nouveau souffle en termes de démographie et de main-d'œuvre. Tout l'inverse de la France donc qui peine déjà fortement à fournir emplois et logements à ceux présents sur son sol. Et quoi que l'on en dise, cette crise des migrants se révèle également être une problématique économique pour les pays d'arrivée.

Lors de sa conférence de presse d'hier François Hollande, suscitant l'ire de l'opposition, s'est engagé à accueillir dans le cadre d'un plan européen environ 24 000 réfugiés sur un total de 120 000. Les autres étant répartis principalement entre l'Allemagne et l'Espagne. Si ce chiffre peut paraître modéré, celui-ci doit être utilisé avec précaution tant il peut être l'arbre qui cache la forêt. En effet, et alors même que le principe avait été rejeté quelques temps auparavant par le gouvernement, le système de quotas par pays est une véritable escroquerie. Car, en raison des règles de l'espace Schengen, rien n'empêchera les réfugiés "affectés" à nos voisins de venir chez nous. Cette répartition est donc totalement fictive et artificielle et n'est valable qu'au moment de la décision.

Alors que faire face à cette situation ? Vaste question en réalité et bien malin serait celui qui aurait une recette miracle. En Hongrie, le pouvoir en place a construit un mur à la frontière avec la Serbie afin de contenir les arrivées. La mesure peut évidemment être contestée mais il est navrant de la voir conspuer en Hongrie et applaudie par les mêmes lorsque cela est fait chez nous à Calais à la frontière anglaise. Deux poids, deux mesures …  

Mais passons. Quelle qu'en soit la cause, l'exode de migrants a des conséquences sur les pays de départ (fuite des cerveaux …) et d'arrivée. Il parait donc être de bon sens que de chercher à agir dans ces deux zones.
Pour grande partie les migrants préfèreraient rester vivre dans leur pays plutôt que de se lancer dans une expédition souvent dangereuse. Des actions doivent alors être menées dans ces régions afin de stabiliser la situation tant au niveau économique que politique. Concrètement, cela se traduit notamment par une intensification du co-développement avec les pays d'Afrique. Et ce à destination des populations et non des dirigeants (eau, éducation, agriculture …).
S'agissant des pays en guerre, et en particulier la Syrie, la situation est plus complexe avec la problématique du terrorisme. Et évidemment les interventions militaires hasardeuses de ces dernières années n'ont rien arrangé. Bien au contraire. Cette volonté très occidentale d'exporter notre système démocratique n'est finalement qu'une illusion et la destitution de dictateurs par des forces étrangères a conduit à déstabiliser les pays en question. Aussi imparfaits qu'ils étaient, et c'est un euphémisme, les despotes avaient au moins le mérite de maintenir une certaine stabilité qui n'existe plus aujourd'hui. Et le souhait du président Hollande de faire tomber Assad s'inscrit dans la même lignée. Car c'est la poursuite de ce dessein qui explique, entre autres, la croissance de Daech. Dès le début, et sans pour autant cautionner et soutenir le président syrien, une coalition internationale aurait dû intervenir militairement afin de tuer dans l'œuf ce fameux état islamique. Au vu de la situation, notre attente a trop duré et la France doit assumer ses responsabilités en s'engageant pleinement contre Daech en Syrie.

Parallèlement à cela, des mesures doivent être prises dans les pays d'arrivée. Et je pense que cela doit être fait en concertation avec nos voisins européens qui sont in fine confrontés aux mêmes problématiques. Sans rentrer trop dans le détail, nous devons lutter contre tous ceux qui exploitent cette misère humaine (passeurs, marchands de sommeil, patrons véreux …) en utilisant l'ensemble des moyens à notre disposition. Par ailleurs, et comme mentionné précédemment, les règles d'accueil doivent être réaffirmées de manière claire et non ambigüe avec des critères précis et objectifs. Ce qui implique d'expulser ceux qui ne respectent par ces règles ou qui ne remplissent par les conditions nécessaires. Enfin, des efforts doivent être faits quant aux conditions de vie des migrants en attente de traitement (création de centres d'accueil, démantèlement des campements sauvages …).

La question des migrants est évidemment une question sensible tant elle touche à la condition humaine. Cela étant, cette problématique doit être traitée de manière sereine et responsable en faisant abstraction de tout sentimentalisme. Humanité et fermeté, tels devraient être les maitres-mots du gouvernement dans cette affaire. 

mercredi 2 septembre 2015

Mélenchon ou l'irréductible défenseur de l'entre-soi

Alors que je me réjouissais il y a quelques semaines d'un possible rassemblement des républicains des deux rives, je ne pouvais qu'approuver la présence de Jean-Pierre Chevènement à l'université d'été de Debout la France, le parti présidé par Nicolas Dupont-Aignan.

Mieux encore, dans un entretien avec le Journal du Dimanche (JDD), ce même Chevènement nous expliquait préparer un colloque sur "l'europe et la souveraineté" avec des invités divers et variés  tels que Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Nicolas Dupont-Aignan ou encore Michel Onfray et Régis Debray. Bref des personnalités de sensibilités différentes mais ayant des positions communes sur le système européen actuel.

Évidemment la tâche est ardue tant elle semble à contre-courant de la logique des choses. De fait, réunir des gens d'horizons multiples paraît une aberration pour les défenseurs acharnés du clivage gauche-droite. Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés comme dit le fameux adage.

Mais un tel mode de pensée est-il encore réaliste ? Le monde n'a-t-il pas évolué pour que nous restions enfermés dans un tel schéma ? Ce clivage n'est-il pas finalement trop simple, pour ne pas dire simpliste ?

Personnellement j'en suis convaincu. La ligne de fracture n'est plus aujourd'hui entre droite et gauche, entre PS et LR. Il n'y a qu'à voir avec quelle facilité la politique économique de François Hollande s'inscrit dans la continuité de celle de son prédécesseur. Les effets d'annonce et autres efforts de communication pour entretenir une opposition de façade ne font évidemment pas le poids face à la réalité des faits. Les gouvernements passent mais rien ne change vraiment car les fondamentaux perdurent : soumission à l'Allemagne et à l'europe libérale.

Et c'est justement autour de cet aspect que tend de plus en plus à s'articuler la vie politique française. Et peu à peu on voit apparaître et se développer une divergenceelle et profonde entre fédéralistes, partisans d'une intégration européenne plus poussée et souverainistes, osons le mot, adeptes d'une europe des nations respectueuse des peuples et de la démocratie.
En adoptant ce point de vue, on retrouve (en caricaturant quelque peu et à des degrés différents) d'un côté EELV, PS, Modem, UDI, LR et de l'autre PG, MRC, DLF, FN.


Ces convergences s'exprimant parfaitement dans les votes au parlement européen ainsi que lors des dernières campagnes référendaires (Maastricht en 1992, TCE en 2005), le projet de meeting commun de Jean-Pierre Chevènement n'apparait alors peut-être pas si utopique que cela. Cela pourrait même sembler de bon sens pour certains, dont je fais d'ailleurs partie, que de chercher à rassembler ou tout du moins à réunir, même ponctuellement, les défenseurs de la souveraineté nationale.

Cela n'est visiblement pas le cas pour Jean-Luc Mélenchon qui a refusé l'invitation dans une lettre à Jean-Pierre Chevènement publiée sur son blog. Bien qu'ayant de la sympathie pour le personnage, je dois reconnaître avoir été déçu par ce refus. Déception d'autant plus importante suite à ses récentes prises de conscience sur l'euro et la nation. Et pourtant sa réaction n'est finalement pas surprenante. Je dirais même plus qu'elle était prévisible au vu de ses antécédents. Car ce n'est pas la première fois, et probablement pas la dernière, que Mélenchon fait preuve de sectarisme comme je l'avais évoqué précédemment. Celui-ci refuse donc à nouveau le dialogue avec d'autres avec pour seul prétexte qu'ils ne sont pas de gauche. Privilégiant encore et toujours ce vieux clivage, Mélenchon s'enferme dans sa case de gôche, jetant l'anathème sur de potentiels partenaires qui partagent sa vision de l'europe. A l'inverse, cela ne le gêne en aucune manière de faire alliance avec les écologistes fédéralistes et les socialistes austéritaires. Allez comprendre …

Indéniablement Mélenchon, Montebourg, Chevènement et Dupont-Aignan ne partagent pas la totalité de leurs propositions respectives. Cela étant, il existe clairement entre eux des convergences sur l'europe, l'austérité, la souveraineté nationale. Convergences d'autant plus importantes entre les deux derniers.

L'objectif de cette rencontre n'est pas d'aboutir à une alliance électorale mais bien que chacun, avec sa sensibilité et son parcours, expriment et partagent son point de vue sur un sujet crucial pour notre avenir : l'europe et la souveraineté. Il est donc dommage que Mélenchon persiste dans son sectarisme et n'arrive pas à sortir de ce mortifère entre-soi.