samedi 3 mai 2025

Face au mur, d’Agnès Verdier-Molinié

Les vacances étant propices à la lecture, nouvelle recension d’un essai politico-économique signé Agnès Verdier-Molinié. Pour être franc, je partais avec un a priori négatif sur l’ouvrage qui s’explique par la personnalité et le positionnement de l’auteure. En effet, ayant lu par le passé plusieurs interviews données par la directrice de l’IFRAP, je trouvais ses propos plutôt caricaturaux et d’obédience beaucoup trop libérale à mon goût. Toutefois, j’ai récemment regardé quelques vidéos d’entretiens à l’occasion de la sortie de ce livre et j’ai trouvé le ton plus mesuré, plus nuancé. Peut-être que le temps a fait son œuvre, me faisant évoluer sur mes convictions (j’y reviendrai d’ailleurs probablement dans un futur article) mais toujours est-il que j’ai cédé à la tentation face à ce bouquin, la mise en avant de propositions concrètes ayant achevée de me convaincre.

Avant de rentrer dans les détails, commençons par préciser que cet essai est certes documenté et chiffré avec de nombreuses annexes mais qu’il reste pourtant largement accessible à tout un chacun. Le découpage proposé par grandes thématiques débutant par une partie de constats, de contexte pour finir par des propositions permet de faciliter la lecture. C’est d’ailleurs l’un des aspects qui m’a attiré et particulièrement plu. Cinq sujets, cinq enjeux, cinq murs tels que qualifiés par l’auteure sont détaillés (la dette, la désindustrialisation, les normes, l’assistanat, l’insécurité) et se voient mis en perspective de dix solutions chacune, soit un total de cinquante préconisations mises en avant par Agnès Verdier-Molinié.

Dès l’introduction, les bases sont posées et l’on entre directement dans le vif du sujet, à savoir que la situation du pays est dégradée et s’est largement dégradée avec le temps notamment d’un point de vue économique et financier. La directrice de l’IFRAP considère pour autant que rien n’est joué et que les choses peuvent être améliorées en prenant les problèmes à bras le corps. Elle évoque d’ailleurs la menace, réelle ou fantasmée, de l’intervention du FMI qui serait bien plus violente que ses préconisations pour engager le lecteur à agir. Un peu gros diront certains et pourtant. Force est de constater que la situation économique de notre pays est loin d’être florissante et que celle-ci tend à se détériorer. Les annonces passées et futures, en particulier budgétaires, abondent clairement en ce sens et chacun sent bien que des efforts probablement importants vont nous être demandés.

Voyons maintenant, sans entrer toutefois dans le détail des constats et solutions, ce que nous raconte Agnès Verdier-Molinié. Dans la partie relative à la dette, son cheval de bataille de tout temps, rien de très nouveau. Les chiffres sont toutefois parlants et un a particulièrement retenu mon attention : cela fait 50 ans que notre pays n’a pas connu de budget équilibré donc autrement dit, 50 ans que notre déficit s’accumule. Sa conclusion, sans réelle surprise, est qu’il faut rapidement chercher à faire des économies. Elle propose ainsi, entre autres, un vaste plan d’économies de 110 milliards d’euros d’ici 2029, un report à 66 ans de l’âge de départ à la retraite en 2033 ou encore de réduire de 235 000 le nombre d’agents publics. Rien que de très classique venant de l’IFRAP et de ce courant de pensée in fine.
Si je ne suis pas forcément adepte de cette potion libérale dans son intégralité, je ne peux qu’aller dans le sens de certaines mesures qui me paraissent de bon sens : réduction du millefeuille administratif notamment par la suppression des doublons entre État et collectivités ou entre collectivités, baisse sensible du nombre de fonctionnaires, suppression ou fusion des opérateurs de l’État dont les budgets sont parfois/souvent inversement proportionnels à leur utilité et efficacité.
Par ailleurs, deux propositions méritent pour moi d’être creusées voire d’être soumises au débat public. La première est la mise en place d’une allocation sociale unique plafonnée à 90% du SMIC net (économie de 12 milliards d'euros) permettant d’éviter le non-recours, de limiter les coûts de gestion (économie de 5 milliards d’euros) et de simplifier nos multiples dispositifs d’aides. N’ayant pas de connaissances suffisantes à ce stade, difficile pour moi d’avoir un avis ferme sur le sujet. Pour autant, il est indéniable que notre pays possède un nombre très important d’aides différentes auprès d’organismes divers conduisant à multiplier la paperasse, rendant complexe leur lisibilité et décourageant certains de les solliciter.
La seconde, qui n’est pas une solution avancée en tant que telle, consiste à s’interroger sur les services publics nécessaires à l’heure actuelle et le statut de fonctionnaire. L’intention sous-jacente est claire bien sûr mais au-delà la question mériterait d’être débattue. En particulier, les agents des collectivités territoriales ont-ils (tous) vocation à avoir le statut de fonctionnaire ? Quels services doivent nécessairement être sous contrôle public ?

Arrêtons-nous à présent sur le chapitre relatif aux normes. On pourrait la résumer ainsi comme le disait très justement Georges Pompidou : arrêtez d’emmerder les Français. Là aussi les chiffres sont édifiants. Notre droit est passé de 23 millions de mots en 2002 à 45 millions en 2024, le code de l’environnement, le code de la santé publique et le code général des impôts étant ceux qui ont le plus augmenté en 20 ans. Il est d’ailleurs amusant, si l’on peut dire, de constater une tendance à l’inflation normative alors même qu’une volonté de simplification est largement affichée. En l’espèce, la loi climat et résilience de 2021 (qui instaure notamment les ZFE, DPE et ZAN) en constitue l’exemple type. D’autant plus incompréhensible lorsque l’on sait que le coût de la complexité administrative est estimé à environ 100 milliards d’euros par an.
Que faire alors ? Commencer par évaluer l’impact, en termes administratif et financier, des normes existantes sur les ménages et les entreprises puis chercher à supprimer celles qui sont inutiles. En complément, instaurer la principe « une norme votée, une norme supprimée ». Plus largement, chercher à simplifier le fonctionnement de nos administrations. Là encore beaucoup de bon sens me direz-vous. Effectivement à première vue mais pas tant que cela visiblement car dans le cas contraire le problème aurait déjà été réglé depuis longtemps. Pourquoi alors en sommes-nous donc toujours là ? Peut-être que cette complexité, qui occupe finalement un grand nombre de personnes en France, permet d’entretenir tout un microcosme qui y trouve son compte.

Continuons ensuite avec la partie assistanat, partie particulièrement axée sur le travail. Il y est ainsi question du temps moyen de travail en France (1 673 h/an et 1 597 heures dans la fonction publique pour un temps légal annuel de 1 607 h sur une base 35 heures), sensiblement inférieur à la moyenne européenne (1 790 heures). Le propos étant ici de suggérer de travailler plus longtemps, chaque année mais également au cours de la vie en développant l’emploi des jeunes et des seniors. Il est d’ailleurs signalé, ce qui n’est finalement pas faux, que le différentiel avec la moyenne européenne est facilement comblable puisque cela correspond à 117 h par an soit environ 2 heures par semaine. Un volume de travail supplémentaire permettant ainsi de dynamiser notre économie et donc de contribuer davantage au financement de notre modèle social.
L’auteure revient d’ailleurs longuement sur ce fameux modèle social très développé en France avec environ 60 aides sociales non contributives sous critères de ressources (RSA, ARS, AAH, minimum vieillesse, allocations logement …) pour environ 140 milliards d’euros par an. Si le principe de solidarité n’est pas remis en cause, à juste titre pour moi, il n’en reste pas moins que ce modèle est contesté à la fois dans sa générosité (pas de réelle contrepartie demandée, octroi aux étrangers sans condition de durée de résidence …) et sa complexité (multiples organismes, critères différents …). Face à cela, la proposition de regrouper toutes ces aides en une allocation sociale unique gérée par Bercy permettrait d’éviter le non-recours (système de distribution automatique par le biais d’un crédit d’impôt) et de faire des économies de gestion (5 milliards d’euros). En y ajoutant un plafonnement à 90 % du SMIC, soit environ 1 300 euros, alors une économie supplémentaire de 12 milliards serait possible. Comme je l’indiquais précédemment, je n’ai pas d’avis tranché sur ce point mais présenté ainsi, l’idée parait séduisante. A voir malgré tout les effets négatifs potentiels de cette mesure.
En outre, la question de la gratuité des services et donc par extension leur financement par le contribuable ou l’usager est posée. Vaste débat que celui-ci, notamment dans les collectivités territoriales où l’usager est souvent peu mis à contribution. C’est un sujet qui me tient à cœur et sur lequel je me retrouve souvent isolé puisque je considère que l’usager a vocation à supporter une partie significative du coût du service qu’il utilise et suis donc opposé par principe au concept de gratuité. Pour aller plus loin, je suis également opposé aux écarts massifs et démesurés de tarifs de services (cantine, accueil périscolaire par exemple). S’il me parait normal que certains paient davantage que d’autres, il n’est en revanche pas entendable que le gap soit considérable et que certains ne payent presque rien quand d’autres doivent débourser des sommes conséquentes pour un service identique, ces derniers étant doublement pénalisés par le tarif et la fiscalité. Par ailleurs, et comme l’indique Agnès Verdier-Molinié, la gratuité entraîne une déresponsabilisation de l’individu qui perd de vue le coût et donc la valeur du service.

La fin de l’essai est consacrée au thème de l’insécurité. Je ne m’arrêterais ici que sur trois aspects parmi tous ceux évoqués qui m’ont semblé sortir de l’ordinaire. Enfin pas vraiment pour le premier dans la mesure où c’est un sujet certes plusieurs fois évoqué mais sans que rien ne soit réellement fait pour autant. Il s’agit des sommes astronomiques (150 à 200 milliards depuis 2000) déversées en faveur des quartiers politique de la ville (QPV) ou autrement dit les quartiers défavorisés. Tout cet argent pour quels résultats ? Réelle amélioration des conditions de vie, baisse de la pauvreté, réduction de l’insécurité ? Rien de tout cela malheureusement ou alors clairement pas à la hauteur des sommes engagées. Pourquoi donc continuer à remplir ce tonneau des Danaïdes si ce n’est finalement pour acheter une sorte de paix sociale dans ces quartiers ?
Le second point concerne les problématiques de récidive très importante en France et de la surpopulation carcérale. Cet état de fait ne concerne évidemment pas uniquement notre pays mais reconnaissons que nous sommes particulièrement touchés par ce phénomène. Pire, ces deux aspects, dans une certaine mesure, s’alimentent l’un l’autre. En effet, faute de place en prison, les courtes peines sont aménagées pour ne pas surcharger davantage les centres existants ce qui tend à réduire l’impact de la sanction et donc de limiter la propension à recommencer. Le cas des Pays-Bas est ainsi évoqué avec un système développant des courtes peines de prison systématiquement exécutées, l’idée étant que la certitude de la peine joue un rôle dissuasif. Un exemple peut-être à suivre. En tout cas il est clair que davantage de moyens doivent être alloués à la Justice afin d’une part d’accélérer le rendu des décisions et d’autre part de construire davantage de places de prison. Ajoutons également qu’une plus grande fermeté ne serait pas de trop.
Le dernier point que je souhaitais mentionner a trait aux fameuses OQTF (obligations de quitter le territoire français). Beaucoup d’encre à couler sur ce sujet et il me semble dommageable que Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, n’ait pas davantage été soutenu sur ces questions, notamment face à l’Algérie. Cela étant, et pour revenir aux éléments du livre, l’auteure ne peut que constater que ces OQTF sont certes largement prononcées mais finalement très faiblement exécutées (7% environ), ce qui pose évidemment souci. Faut-il hausser le ton face aux pays non coopératifs pour la délivrance des laisser-passer consulaires ? Absolument. Faut-il faire pression par le biais de l’octroi de visas ou le versement d’aides en tout genre ? Sans aucun doute. Arrêtons d’être faible sur le sujet et de nous excuser sans cesse pour tout et n’importe quoi. De ce point de vue d’ailleurs, deux aspects mériteraient d’être revus à très court terme : la durée de rétention administrative de 3 mois actuellement à porter à 18 mois comme en Allemagne et la réduction des subventions publiques versées à des associations pour l’assistance juridique accordée aux étrangers irréguliers dans ces centres de rétention (4,4 millions en 2014, 7,4 millions en 2024 et 9,2 millions estimés pour 2025). Pour être clair, cela consiste pour l’État à verser des fonds à ceux qui déposent des recours contre les expulsions qu’il a lui-même prononcées. Un comportement somme toute schizophrénique …

Au final, que retenir de tout cela ? Comme je l’indiquais en préambule, je partais avec un a priori négatif. Et pourtant, j’en ressors plutôt séduit. L’essai est clairement bien documenté et pose les constats de manière globalement objective. Bien que l’on puisse ne pas être en phase avec l’ensemble des solutions préconisées, ce qui est in fine mon cas, Agnès Verdier-Molinié a au moins le mérite de proposer des choses et de mettre la lumière sur des problématiques structurelles de notre pays. Cela fait d’ailleurs largement écho aux débats sur le projet de loi de finances 2025 et surtout sur le futur budget pour 2026. Incontestablement des décisions devront être prises, dans un sens ou dans un autre, pour essayer de limiter la casse. Libre à chacun ensuite de se forger sa propre opinion … avant qu’il ne soit trop tard.

mardi 15 avril 2025

De l’État de droit à l’état du droit

État de droit : que n’avons nous pas attendu à ce sujet ces dernières semaines. Des propos du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à la condamnation de Marine Le Pen en première instance, ces trois mots ont récemment occupés le haut de l’affiche, pour le meilleur et pour le pire. Chacun y est allé de son avis, de son interprétation sur le sujet, de l’indignation des uns à la défense des autres.

Sans surprise les propos en question (“L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain.”) ont fait polémique et cela peut-être d’ailleurs à dessein. Au-delà, des décisions de justice récentes ont été largement contestées, parfois à juste titre, pour leur caractère politisé ou leur manque de sévérité pour ne pas dire leur laxisme.

Bien que la Justice soit indépendante dans notre pays, chaque citoyen, en son âme et conscience, est libre d’exprimer réserves et critiques envers les décisions de justice et ce d’autant plus que celles-ci sont rendues au nom du peuple français tel que le prévoit notre constitution. Pourtant, certains considèrent ces mises en causes comme intolérables et relevant du pire populisme, quelques uns se risquant même à parler de sécession. Plus encore, le joker "État de droit" est régulièrement mis en avant pour faire cesser tout débat. Belle preuve d’ouverture d’esprit et de respect du contradictoire que cette forme de censure.
Plus sérieusement, et pour revenir sur les propos du ministre de l’Intérieur, reconnaissons, si l’on dépasse le simple stade de la politique politicienne, que ceux-ci ont le mérite de soulever de vraies questions. Et reconnaissons également que le fond de la déclaration n’est finalement pas totalement inepte. Bien au contraire dans la mesure où cela revient à considérer que nos normes, nos lois ne sont ni figées ni immuables. Qui pourrait d’ailleurs dans ces conditions s’inscrire en faux face à ces évidences ?

Question de rhétorique ? Pas vraiment en réalité. Car en sous-jacent cela questionne les notions de souveraineté populaire d’une part et d’impunité des juges d’autre part. L’État de droit, avec tout le respect qui lui est dû, doit-il alors induire de faire fi de ces aspects, de ne pas s’interroger sur les errements et autres bévues des magistrats ? Indéniablement non et je crois au contraire que c’est lui rendre service que de le remettre régulièrement en cause dans une logique de perfectionnement.

Hiérarchie des normes, politisation des juges, manque de fermeté, dysfonctionnements et lenteurs du système judiciaire … Voilà des sujets qui mériteraient d’être traités sans dogmatisme ni idéologie afin de renforcer la confiance de nos concitoyens dans la justice. Car quoi qu’en pensent certains l’attachement à l’État de droit et à son respect ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur le (mauvais) état de notre droit.

samedi 15 mars 2025

Défense européenne : la réponse est nationale

S’il ne fallait retenir que deux thématiques qui occupent fortement l’espace médiatique ces dernières semaines, le choix serait somme toute aisé : les turbulences en matière économique, notamment sur les marchés financiers et la dégradation du climat géopolitique mondial. Avec en point commun, pour ne pas dire causal, les États-Unis et plus particulièrement Donald Trump. 

L’idée n’est pas de revenir dans le détail sur les différents événements depuis l’élection du président américain. Précisons toutefois deux choses à destination des vierges effarouchées situées de ce côté-ci de l’Atlantique. D’une part, Donald Trump a été élu pour défendre les intérêts de son pays, y compris s’ils sont contraires avec ceux du reste du monde, alliés inclus. D’autre part, Trump ne fait que mettre en œuvre le programme pour lequel il a été choisi (assez étonnant vu de chez nous je vous l’accorde), que cela plaise ou non. 

Rappelons également que je tenais déjà des propos similaires en 2008 au sujet de Barack Obama. Mais différence de taille pour certains, le président démocrate incarnait le bien alors que le républicain est au contraire le mal incarné. 


Cela étant dit, rien ne sert de se lamenter sur son sort et de conspuer l’oncle Sam. Cela ferait d’ailleurs doucement rigoler les équipes de la Maison Blanche. 

Considérons à l’inverse cette conjoncture, comme une opportunité, ou dit plus crûment comme un coup de pied aux fesses, visant à reprendre en main notre destin. « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » disait le général De Gaulle. En voici une énième preuve, en espérant que celle-ci serve réellement de leçon. 


Mauvaise pioche semblerait-il néanmoins, en particulier en matière militaire. Chacun aura compris qu’un climat de dissensions que l’on pensait dépassé ressurgit à nos frontières. Sans être pour autant catastrophiste, il semble malgré tout préférable de se préparer au pire ou en tout cas de se donner les moyens d’y faire face. 

Point positif, nous disposons d’une nette avance sur nos voisins grâce à l’héritage du passé : dissuasion nucléaire, forces armées formées, siège au conseil de sécurité de l’ONU. Bien que ce legs n’ait pas été suffisamment entretenu et développé à mon sens, il n’en reste pas moins qu’il constitue une base solide sur laquelle s’appuyer. 


Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille se reposer sur ses lauriers. Bien au contraire, cela nous oblige à prendre les décisions qui s’imposent de manière rapide et ambitieuse. Pour le dire clairement, il s’agit d’augmenter sans tergiverser nos dépenses en matière de défense et d’investir massivement dans du matériel militaire de pointe, afin notamment de reconstituer nos stocks en armements et équipements dont une partie a été cédée à l’Ukraine. 


Bien évidemment tout cela aura un coût qui pèsera sur les comptes de la nation. Mais notre pays peut et doit se le permettre car les conséquences potentielles en cas de manquement seraient bien pires. Nombre d’économies sont possibles afin de dégager les marges de manœuvre nécessaires. Sans compter les retombées positives de ces investissements sur l’économie et l’emploi. 


Pourquoi donc tant de blabla alors que les choses paraissent si simples ? Au risque de paraître caricatural, la réponse tient pour moi en deux points : administration et dogmatisme européen. 

Je ne m’étendrais pas sur le premier aspect tant les lenteurs administratives et les lourdeurs procédurales sont de notoriété publique. 

Le second paramètre est lui tout à la fois plus prépondérant et plus problématique. Aboutir à des convergences au niveau européen sera évidemment plus long et plus complexe à obtenir que la mise en œuvre d’une décision unilatérale. Il est d’ailleurs clair qu’aucune ligne de conduite commune ne se dégage et qu’il existe un risque non négligeable que la décision collective desserve nos intérêts. 


Pire encore, le serpent de mer de la défense européenne refait à nouveau surface. Concept somme toute illusoire mais qui revient cette fois-ci avec une nouvelle facette hautement sensible, à savoir le partage de notre dissuasion nucléaire. Idée sans conteste lumineuse avancée par notre président qui consiste à subsister un bouclier nucléaire français à sa version américaine, nous obligeant à devenir le chaperon de nos voisins européens et donc à assumer de fait leurs éventuels errements.  Un pari clairement risqué en ces temps troublés qui va à l’encontre de l’intérêt supérieur du pays. 

Au vu des enjeux et des implications, je crois que la décision ne peut relever de la seule volonté présidentielle. Elle nécessite a minima un débat parlementaire digne de ce nom, voire même une consultation du peuple pour trancher en dernier ressort. 

lundi 13 janvier 2025

Ce que cherche Jordan B.

2024 aura indéniablement été une année particulièrement agitée, notamment en matière politique avec l’ensemble des rebondissements que chacun connait. Une année qui sera sans doute à marquer d’une pierre blanche (ou noire selon les opinions).
Mais l’idée n’est pas ici d’en faire un quelconque bilan, encore qu’il y aurait bien des choses à dire. Pour autant, l’année qui vient de s’écouler aura mise en lumière différents acteurs politiques qui auront très probablement un rôle majeur à jouer à l’avenir. Parmi ceux-ci figure en particulier l’actuel président du Rassemblement National, Jordan Bardella. 2024 aura été pour lui un véritable ascenseur émotionnel, l’emmenant d’une victoire aux élections européennes de juin à la possibilité, avortée, de devenir premier ministre en passant par la sortie de son premier livre, pour finir par une 10ème place (et 1ère figure politique) du top 50 des personnalités préférées des Français publié par le JDD.

Et c’est justement sur ce livre, intitulé ce que je cherche, que je souhaitais revenir aujourd’hui. Étant davantage éloigné de l’actualité politique que par le passé, je reconnais ne pas bien connaître Jordan Bardella et n’avoir jamais regardé une de ses interventions télévisées. La sortie de ce livre, couplée aux évènements de 2024, aura donc représentée l’occasion de m’intéresser davantage au personnage. Car comme je l’indiquais précédemment, il est fort probable que celui-ci continue son ascension dans la vie politique française. Et ce à plus ou moins courte échéance dans la mesure où le dauphin officiel de Marine Le Pen pourrait être amené à la suppléer plus rapidement que prévu en cas de condamnation dans son procès relatif aux assistants parlementaires européens du FN/RN.

Et c’est d’ailleurs à Marine Le Pen qu’est consacré, de manière symbolique, le dernier chapitre du livre. Quelques pages qui retracent l’évolution du tandem depuis leur rencontre en 2016 jusqu’à leurs relations actuelles et qui montrent notamment la relation de confiance et de respect qui existe entre les deux protagonistes. L’objectif étant clairement de réfuter les doutes émis quant à leur duo mais également les velléités de potentiel matricide qui seraient les siennes. Bien évidemment cela n’assure en rien de sa sincérité et peut ne révéler que d’un coup de communication mais ne pas le réaffirmer ici aurait été une erreur. Méfiance dirons toutefois certains lorsque l’on connait le sort réservé par le passé aux numéros 2 du FN …

S’agissant du parti justement, il n’en est finalement que peu question en tant qu’organisation politique dans la mesure où le livre se veut davantage personnel. La seconde partie de l’ouvrage est ainsi largement consacrée à son passé, sa jeunesse et son ascension progressive depuis son engagement suite au débat Marine Le Pen/Jean-Luc Mélenchon du 23 janvier 2012 sur France 2 à sa candidature comme tête de liste aux européennes de 2019 à 23 ans en passant par son passage comme dirigeant de la branche jeune du parti.
La carte du témoignage personnel est ici ouvertement jouée lorsqu’il est question de son prénom, du lien avec son origine sociale et surtout des difficultés que cela représente de le porter, en particulier dans des milieux politiques plutôt aisés. Il est d’ailleurs plusieurs fois question de sa jeunesse passée dans une cité de saint Denis avec la présence de trafics, de violence … L’idée est indéniablement de mettre en avant ses origines populaires pour se distinguer des autres dirigeants politiques.
Plus encore, et l’objectif du livre étant là, cette partie vise à distiller ci et là confidences et anecdotes personnelles pour fendre l’armure et humaniser le personnage. Ainsi en est l’expression de ses doutes sur sa capacité à réussir, à ne pas décevoir, sur sa légitimité. Mais également sur les sacrifices de la politique, le sacerdoce que cela représente ainsi que la dureté et la violence des campagnes politiques.

Mais bien qu’il ne s’agisse pas d’un livre programmatique au sens strict du terme, Jordan Bardella en profite malgré tout pour distiller quelques éléments structurants de sa pensée : récompense du travail, lutte contre l’insécurité et l’immigration, défense du pouvoir d’achat, soutien à la filière nucléaire, promotion de la souveraineté nationale, rejet du wokisme … Des idées généralement associées à la droite dont il se revendique plutôt ouvertement au demeurant, contrairement à Marine Le Pen qui défend un positionnement ni gauche, ni droite. Il évoque d’ailleurs la nécessité de rassembler classes populaires et bourgeoisie conservatrice, à l’instar de Nicolas Sarkozy en 2017. Sur le même registre, il évoque Eric Zemmour pour le cataloguer comme trop radical, trop excessif, trop caricatural et doute de sa capacité à devenir un homme d’État. Enfin et pour enfoncer le clou, plusieurs charges véhémentes sont portées à l’encontre de Mélenchon et LFI.

Évidemment d’autres aspects sont évoqués au cours des quelques 300 pages : campagne des européennes et législatives, préparation en vue de la constitution d’un gouvernement de cohabitation, résultats du second tour des législatives et tentatives d’explications de l’échec (alliance macronistes/NFP avec des retraits au profit de l’autre, candidatures problématiques avec buzz médiatiques, mobilisation des médias pour chercher la moindre erreur), abandon du monde rural …

Alors au final, on achète ou pas ?
Déjà fait pour ma part. Plus sérieusement, ce livre me parait plutôt intéressant dans la mesure où il allie témoignages personnels et aspects plus idéologiques. Bien évidemment il s’agit d’une opération de communication/séduction visant à mettre en lumière l’auteur et à donner une image positive et affable, pour ne pas dire de gendre idéal. Et sur ce point l’objectif est rempli.
Sera-ce suffisant pour s’affranchir de l’étiquette d’extrême droite et séduire un électorat plus large ? Réponse lors des prochaines élections mais sans aucun doute c’est ce que cherche à faire Jordan Bardella.