dimanche 25 novembre 2012

Manger ou se soigner, pourquoi trancher ?

En cette période de fin d'année, le Parlement s'affaire généralement à voter les budgets pour l'année suivante. Et parmi ceux-ci, on trouve bien évidemment celui de la sécurité sociale. Tradition oblige, on nous annonce encore que le trou de la sécu est toujours là, et ce malgré toutes les économies faites depuis de nombreuses années.
 
Ces économies, bien qu'ayant visiblement peu d'effets sur l'équilibre des comptes, ont pourtant d'importantes conséquences sur les Français. De fait, nos concitoyens ont le sentiment, légitime, de cotiser toujours davantage tout en étant de moins en moins remboursé. Phénomène qui oblige d'ailleurs à recourir de manière massive à des complémentaires santé qui tirent grand avantage de la situation.
 
Cette situation, depuis longtemps inquiétante, est aujourd'hui devenue insoutenable pour un très (trop) grand nombre de personnes. Aggravée par un contexte de crise économique, la surface financière des ménages devient de plus en plus précaire, ce qui les conduit malheureusement à renoncer à se soigner. Ainsi, l'accès aux soins n'a jamais été si compliqué de nos jours et rien ne permet d'être optimiste pour le futur.
 
La récente polémique autour des dépassements d'honoraires est ainsi symptomatique du mal qui frappe notre pays dans le domaine de la santé. Nous nous trouvons alors dans une relation quadripartite (sécurité sociale, mutuelles, patients et médecins) où chacun cherche à défendre ses intérêts divergents, sans parfois tenir suffisamment compte des problématiques de santé publique. Pire, cela conduit parfois à des configurations où ce sont les malades qui trinquent.
 
Le cas le plus flagrant est bien évidemment le fait de ne pas se soigner pour des raisons purement financières. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il apparaît pourtant que celui-ci est en recrudescence. Chacun, dont moi-même, est donc susceptible aujourd'hui de connaître une personne dans cette situation tout à fait inacceptable. En outre, et c'est une honte selon moi, cela s'applique la plupart du temps à des soins de première nécessité (optique, dentaire ...).
 
Évidemment, il s'agit d'un problème complexe qui ne peut être réglé par un coup de baguette magique. Pour autant, et comme dans bien d'autres domaines, cette question doit être traitée de manière prioritaire par le gouvernement en cherchant une convergence des intérêts des patients et des médecins. Mieux, pour aboutir à une solution viable, nos dirigeants doivent faire abstraction des lobbies et des dogmatismes en faisant preuve de pragmatisme.
 
Pour ce faire, je crois que se placer du point de vue des patients serait une bonne chose afin d'identifier les problèmes auxquels les gens sont réellement confrontés. Et c'est seulement après qu'il faudra proposer des solutions. A mon modeste niveau, et de manière non exhaustive, j'ai moi-même effectué ce travail de réflexion :
 
- des praticiens trop éloignés
Dans certaines régions, le terme de "désert médical" est une réalité. De fait, il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour accéder à une consultation médicale. De plus, outre les spécificités propres au milieu rural, il apparaît que la loi Bachelot ayant conduit au regroupement des installations n'a en rien arrangé les choses.
Pour moi, deux mesures s'imposent. La première est de revenir sur cette loi en redéployant dans les campagnes de petites structures de soin pour garantir à chacun un accès de proximité. La seconde est de remettre en question, au moins, partiellement la liberté d'installation des médecins. Cela pourrait notamment prendre une forme équivalente à l'obligation faite aux énarques de travailler dans le public pour une durée prédéterminée. Adapté à notre cas, cela consisterait à obliger les médecins à exercer pendant deux à trois ans dans une zone en tension. En cas de refus ou de non respect de cette disposition, de même que pour les élèves de l'ENA, les jeunes médecins devront rembourser tout ou partie du coût de leur formation financée, rappelons-le, par le contribuable.
 
- des délais de rendez-vous trop longs
Toutes celles et tous ceux qui portent des lunettes ont déjà rencontré le problème, à savoir une attente de plusieurs mois pour pouvoir consulter un ophtalmologue. Mais il ne s'agit pas d'une exclusivité liée à cette spécialité, bien au contraire.
Personnellement, et en parallèle d'une meilleure répartition des effectifs, je crois qu'il est impératif d'augmenter le numérus clausus en première année afin de former davantage de praticiens. Par ailleurs, il serait peut-être utile de réformer les études de médecine qui ne me paraissent pas forcément adaptées. Je pense notamment aux cours sur DVD qui me semblent être une hérésie ainsi qu'à la durée même du cursus. Est-il réellement nécessaire que tous les médecins suivent un parcours similaire quelle que soit la discipline à laquelle ils se destinent ? N'est-il pas envisageable de créer des cursus différents selon les spécialités ? Ce dernier point reste cependant en suspens car je n'ai clairement pas les compétences pour me prononcer sur le sujet de manière ferme et définitive.
 
- des soins trop chers
L'une des causes principales du renoncement aux soins est bien évidemment l'aspect financier. Je laisse de côté pour le moment l'aspect remboursement car j'y reviendrai par la suite. En revanche, les dépassements d'honoraires constituent un vrai frein dans l'accès aux soins. Si certains patients peuvent supporter ce surcoût, d'autres n'en ont clairement pas les moyens. Or les médecins pratiquant ces dépassements sont plutôt nombreux, dont beaucoup de spécialistes.
La question est donc ici de savoir pourquoi ces praticiens adoptent un tel comportement. L'argument généralement avancé est le faible montant du tarif de la sécurité sociale. Une première réponse est donc de revaloriser de manière juste et équitable l'ensemble des actes médicaux afin de tenir compte de leur complexité. Pour autant, je crois également qu'il faut lutter contre les dépassements d'honoraires abusifs.
 
- des remboursements trop faibles
Il s'agit là clairement du problème central de notre système protection sociale avec une augmentation des cotisations et une diminution des prestations. Il me semble donc urgent de chercher à contrer ce phénomène par une remise à plat complète de notre système. Cela constitue bien évidemment d'un chantier de très grande ampleur mais qui, je crois, nécessite d'être mené au plus vite.
En premier lieu, un plan massif de lutte contre la fraude doit être entrepris en direction des particuliers, des médecins mais aussi des entreprises. Ensuite, je pense qu'il faut recentrer l'intervention de la sécurité sociale. Aujourd'hui, de très nombreux actes ou médicaments sont remboursés, mais souvent de manière partielle. Je crois donc qu'il faudrait adopter un principe simple mais juste : si l'acte est justifié, utile et efficace alors le remboursement doit être total. Dans le cas contraire, aucun remboursement ne sera effectué et le patient devra payer l'intégralité de la dépense s'il souhaite malgré tout en bénéficier. Il en sera ainsi de tous les médicaments jugés sans réelle efficacité mais aussi des consultations ou opérations non indispensables (chirurgie esthétique, consultation pour un rhume aux urgences ...). A l'inverse, les soins dentaires et les lunettes seront remboursés de manière décente et non comme cela est le cas à l'heure actuelle (1,70 € pour une monture par exemple).
 
- des urgences surchargées
S'il existe un paradoxe dans le domaine médical, c'est bien celui des urgences. En effet, voila un service où l'on attend des heures durant alors que l'on s'y rend pour être soigné en urgence donc rapidement. Ce paradoxe s'explique malgré tout aisément pour n'importe qui se sera déjà rendu dans un tel service. De fait, les urgences souffrent de leur qualité et de leur disponibilité. Ainsi, et c'est bien là le coeur du problème, un grand nombre de personnes qui se rendent aux urgences n'ont aucune raison de s'y trouver. Je pense notamment à tous les cas de "bobologie" qui engorgent pour rien ces services et qui pourraient être traités par un médecin de ville.
Pour lutter contre cela et inverser la tendance, la prévention est sans effet. Pour obtenir de réels résultats, c'est au porte-monnaie qu'il faut frapper les gens. Ainsi le meilleur moyen d'arriver à l'objectif souhaité est d'agir sur le niveau de remboursement de ces consultations en leur appliquant un taux de remboursement moindre, voire en ne les remboursant plus du tout à terme.
 
- des petites aberrations qui coûtent cher
Parallèlement à l'ensemble des points que j'ai abordés précédemment, il existe également tout un tas d'absurdités dont le coût pourrait être utilisé à meilleur escient. Deux exemples me viennent à l'esprit mais chacun pourrait en citer bien d'autres. Premièrement, le respect du parcours de soin. Depuis plusieurs années, les patients sont obligés d'aller consulter leur généraliste avant d'aller voir un spécialiste. Le but était bien évidemment de limiter les consultations abusives mais, au final, cela conduit à rembourser deux consultations au lieu d'une seule. Deuxièmement, le renouvellement des ordonnances pour les ALD (Affection de Longue Durée). Par définition les ALD sont des maladies de long terme qui ne se guériront pas rapidement voire pas du tout. Aussi pourquoi imposer à ces patients de retourner régulièrement (tous les 3 ou 6 mois) voir leur médecin pour obtenir une nouvelle ordonnance ? 
Certes ces éléments peuvent paraître futiles mais à l'échelle du pays, leurs conséquences ne sont plus anecdotiques et il faut donc chercher à les éradiquer.
 
Voila donc résumé ici une partie des problèmes dont souffre notre système de soins. Il est fort probable que d'autres existent et c'est pourquoi je crois que sa réforme doit faire l'objet d'une grande concertation associant l'ensemble des parties prenantes (gouvernement, sécurité sociale, médecins, patients, mutuelles ...) afin que chacune puisse faire profiter de son expérience.
 
Clairement notre système n'est pas le meilleur au monde. Mais je crois que nous avons de la chance de vivre dans un pays tel que la France où la situation sanitaire est bonne malgré tout. De même, plus que notre système de soin, c'est plus largement tout notre système de protection sociale qu'il défendre des menaces qui le guettent. Héritage de l'après-guerre, celui-ci constitue une force pour notre pays.
 
Impossible pour moi de terminer cet article sans quelques mots pour notre personnel médical, pour tous ces hommes et ces femmes qui ont décidé de consacrer leur vie à aider les autres. Car plus qu'un métier, la médecine est une vocation ... quand il ne s'agit pas d'un sacerdoce. Si la situation des patients n'est pas toujours facile, je crois qu'il ne faut pas oublier non plus la souffrance de ce corps médical, notamment celui de l'hôpital où les conditions de travail sont parfois exécrables (gardes à rallonge, heures supplémentaires non payées ...). Je voulais donc avoir ici une pensée pour l'ensemble de ces personnes et leur exprimer tout mon respect et mon soutien.

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