mardi 19 janvier 2016

Plan d'urgence pour l'emploi : comment faire du neuf avec du vieux

Surfant sur les suites des attentats de novembre dernier la mise en place de l'état d'urgence, François Hollande a donc présenté hier son "plan d'urgence pour l'emploi". Façon détournée de dire que le président de la République prend à bras le corps le problème du chômage comme il s'est attaqué à la question terroriste.

Indéniablement, François Hollande et son gouvernement se devaient d'agir, ou plutôt de réagir face à l'une des principales préoccupations des Français. Et ce d'autant qu'il s'agit d'un des nombreux engagements, non tenus pour le moment, du candidat socialiste. C'est donc en grand pompe mais de manière grave que de "nouvelles mesures" ont été annoncées hier :

- création d'une prime à l’embauche de 2.000 euros pour les PME
- transformation du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) en une baisse définitive de charges
- assouplissements sur le temps de travail via les accords d’entreprise
- augmentation des contrats de professionnalisation
- plafonnement des indemnités de licenciement
 
Voici donc les principaux éléments que l'on peut retenir et qui dont le coût a été évalué à environ deux milliards d'euros dont la moitié sera consacré à la formation de 500 000 chômeurs. Le tout n'occasionnant pas déficit supplémentaire ou d'augmentation d'impôts car entièrement financé par des économies.

S'agissant d'annonces, beaucoup de questions restent encore en suspens concernant les modalités de leur mise en œuvre. Et il sera intéressant d'attendre davantage de détails pour juger de leur potentielle application. De fait, cela se limite pour le moment à de simples intentions, certes louables mais peu réalistes pour certaines. Passer de 8 000 à 50 000 contrats de professionnalisation ou former 500 000 chômeurs n'est pas une mauvaise chose en soi. Au contraire. Mais encore faut-il que les formations dispensées soit réellement utiles et ne se limitent pas à fausser les chiffres du chômage ou à rémunérer des organismes amis.

Mais avant même de parler de mise en œuvre concrète sur laquelle nous aurons le temps de revenir à loisir dans le futur, il me semble nécessaire de s'intéresser aux mesures en elles-mêmes. Et c'est peut-être davantage là que le bât blesse.

Car de quoi parle-t-on au final ? De lutter contre le chômage, phénomène bien connu de tous et qui touche malheureusement notre pays depuis plusieurs décennies maintenant.
Et que propose-t-on face à cela ? Des solutions vues et revues. Des mesures maintes et maintes fois proposées sans réel succès.

Et c'est encore la même histoire qui se rejoue aujourd'hui. Ce gouvernement dit de gauche avance les mêmes solutions que celles du gouvernement précédent dit de droite. Encore et toujours les mêmes potions libérales à base de baisse de charges pour les entreprises et de déréglementation du marché du travail. A croire que les leçons des échecs précédents n'ont pas été tirées.

Il est assez surprenant, pour ne pas dire navrant, que quel que soit le problème la solution soit toujours la même : moins de règles, moins d'Etat, moins de charges. Même si tout cela a montré son inefficacité, il faut aller encore plus loin, encore plus fort. C'est finalement un peu comme l'europe. Le problème n'est pas le trop d'europe mais le manque d'europe. Donc on accélère toujours plus même si on va droit dans le mur.

Mais qui est le plus condamnable dans cette histoire ? Les entreprises, Medef en tête, qui défendent leurs profits ou ces gouvernements, de droite et de gauche, qui cautionnent ce système et leur servent la soupe ? Poser la question c'est évidemment y répondre. Et je ne peux que regretter que nos dirigeants se soumettent à la doxa libérale et au diktat du patronat sans même faire semblant de résister. Il existe clairement une collusion malsaine entre les sphères politiques et économiques qui conduit irrémédiablement à cette situation de fuite en avant.  

Bien malin serait celui qui aurait une solution miracle contre le chômage. Et je ne prétends nullement être celui-ci. Cela étant, il me semble indispensable de reconnaitre que les allégements de charges mis en place depuis plusieurs décennies entretiennent davantage les dividendes versés aux actionnaires qu'ils ne créent d'emplois. Il ne s'agit alors que de mettre sous perfusion un système à l'agonie.  
De même, pour la dérégulation du marché du travail qui déséquilibre toujours plus le rapport de force entre salariés et employeurs par une précarisation de l'économie.   

Reconnaissons donc que ces vieilles méthodes ont échoué et cessons cette course à l'échalote infernale. Sauf à renoncer entièrement à notre modèle de protection sociale, nous ne pourrons jamais concurrencer l'Inde ou la Chine en termes de coûts de production. Et résumer l'ensemble de nos problèmes à des questions de coût du travail est clairement une ineptie, voire un mensonge.

Il est toutefois impossible de nier que notre pays rencontre des problèmes. Et c'est sur ces aspects qu'il convient donc de se pencher, en particulier en renforçant la compétitivité de nos entreprises. Je ne ferai pas ici une liste à la Prévert des mesures possibles dans la mesure où je l'ai fait par le passé au travers de différents articles.

Je souhaitais toutefois évoquer la problématique de la concurrence déloyale dont sont victimes nos entreprises. Concurrence déloyale du fait du recours aux travailleurs détachés ou encore concurrence déloyale du fait du non respect des mêmes réglementations sociales et environnementales. Bref, concurrence déloyale du fait que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. Voila pourquoi il me semble urgent que la France et plus largement l'europe cesse d'être le dindon de la farce de cette "mondialisation heureuse" comme dirait Alain Minc. Arrêtons de nous mettre nous-mêmes des bâtons dans les roues et cherchons plutôt à défendre nos entreprises et notre économie comme le font toutes les grandes nations du monde.

Cet objectif ne sera pas atteint en un jour. C'est indéniable. Mais il ne le sera jamais si nous continuons à nous enfermer dans le même mode de pensée en vigueur depuis le tournant libéral de Mitterrand en 1983. "Impossible n'est pas français" disait Napoléon. Charge à nous de lui donner raison. Mais il faudra pour cela avoir recours à des dispositifs honnis par nos élites (protectionnisme, TVA sociale …) dans le cadre d'un état stratège et interventionniste. En somme, tout le contraire de la politique menée actuellement …

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire