Pour beaucoup, à gauche comme à droite, la date du 27 janvier 2016
restera dans les mémoires. Non pas qu'il s'agisse d'un évènement planétaire,
bien au contraire mais suffisamment important pour secouer la classe politique
française. Je pense bien évidemment, vous l'aurez compris, à la démission de
Christiane Taubira.
Souhaité et inlassablement réclamé par la droite depuis le début du
quinquennat, la garde des Sceaux s'est finalement résolue à quitter le
gouvernement en ce début d'année. Certains s'en réjouissent, voyant cela comme
un cadeau de noël en retard alors que d'autres le regrettent. Mais cette
démission n'est finalement que très logique au vu des divergences de point de
vue qui existent et persistent depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois,
notamment entre elle et le premier ministre.
Démission logique donc mais finalement assez tardive malgré les
circonstances. Comme nous l'avons dit, les relations entre Christiane Taubira
et Manuel Valls ont toujours été assez conflictuelles, notamment lorsque ce
dernier était ministre de l'Intérieur, avec des visions de la société quelque
peu différentes. La ministre de la Justice ne s'est d'ailleurs jamais gênée
pour remettre en cause publiquement certaines décisions du gouvernement. La
dernière en date étant évidemment relative à la déchéance de nationalité.
Revenons justement sur le déroulement de cette démission.
Comme à son habitude, Christiane Taubira a fait preuve de lyrisme pour
annoncer son départ. Nul ne s'attendait d'ailleurs à moins vu les envolées
successives de la ministre lors des débats parlementaires.
Mais plus que ce simple tweet, c'est une véritable mise en scène qui a
été organisée autour de cette démission. Déclarations dans la presse,
interviews tout azimut et émissions de télé sur Canal +, tout a été réglé au
millimètre pour donner le beau rôle à la garde des Sceaux. Sans oublier bien
évidemment le livre sorti ce 1er février, soit moins d'une semaine
après la date fatidique. Du grand art !
J'ai regretté à de nombreuses reprises sur ce blog cette tendance de plus
en plus massive à la peoplisation de la vie politique. Nicolas Sarkozy avait
certes ouvert la boite de Pandore mais beaucoup d'autres après lui se sont
emparés de cette stratégie visant à scénariser à outrance l'action politique.
Et Christiane Taubira ne fait pas défaut ici puisqu'elle s'y engage pleinement.
Mais la ministre de la Justice est-elle alors la seule responsable dans
cette histoire ? Evidemment que non. Et toute cette comédie n'a finalement été
rendu possible que par la complicité, au minimum passive, du président de la
République. Car c'est bien lui qui l'a nommé et confirmé dans son poste, c'est
encore lui qui a toléré ses sorties médiatiques et c'est toujours lui qui n'a
pas eu le courage de la virer malgré sa remise en cause de la politique
gouvernementale.
Je ne reviendrai pas ici sur le parcours de Christiane Taubira tant de
nombreux portraits de celle-ci ont été dressé récemment dans la presse depuis
son élection comme député à sa candidature à la présidentielle de 2002. Quoi
que l'on en dise, et c'est d'ailleurs pour cela que François Hollande l'a prise
comme ministre, Taubira est devenue une "icône de la gauche". Un
symbole à elle toute seule devenue véritable rock-star après l'adoption du "mariage
pour tous". Il n'y a qu'à voir les membres de son fan-club, notamment à la
gauche de la gauche, se répandre dans les medias pour s'en convaincre.
Beaucoup de bruit pour rien me direz-vous. Je vous l'accorde bien
volontiers. Et c'est assez paradoxal en réalité. Il me semble, de manière assez
objective, que la réputation de Christiane Taubira est en fait surfaite, pour
ne pas dire démesurée. Car en y regardant de plus près, les "faits d'armes
de gauche" sont relativement modestes et se limitent finalement à des
réformes essentiellement sociétales. A l'inverse, l'aspect social est peu
présent dans son bilan. Rare exception si l'on peut dire, la condamnation des
syndicalistes de Goodyear qui se révèle peu reluisante pour une ministre de
gauche.
Mais Christiane Taubira n'illustre-t-elle pas finalement à merveille la
direction prise par le gouvernement et le parti socialiste ? A savoir une focalisation
sur les thématiques sociétales aux dépens des problématiques sociales. Et cela
est-il vraiment surprenant ? Poser la question c'est déjà y répondre comme
dirait l'autre. Et effectivement cet accent mis sur le sociétal se comprend
aisément dans la mesure où il permet de se différencier de la droite. Il agit
alors ici comme un marqueur de gauche au moment où la frontière gauche/droite
en matière économique et sociale tend de plus en plus à disparaitre.
Pour en terminer sur le sujet, toute la question est maintenant de savoir
si cette démission jouera pour ou contre François Hollande. Le futur nous le
dira mais il est indéniable que le départ de Taubira redonne une certaine
cohérence au gouvernement, en particulier en perspective des débats autour de
la déchéance de nationalité. En effet, il aurait été impensable, mais pas
impossible, qu'une ministre défende devant le Parlement un projet auquel elle
est opposée.
A l'inverse, cette démission représente un risque pour le président et
son gouvernement. Tout d'abord, certains voient cela comme le départ d'une
caution de gauche, laissant champ-libre aux sociaux-démocrates. Ensuite, cela
signifie la fin de la solidarité gouvernementale de la part de Taubira et peut
donc conduire à la surgescence d'une opposante (2017 ?). Enfin, et c'est
peut-être le plus problématique à la fois pour le PS et l'UMP, cela met un
terme au personnage de punching-ball qui s'avérait parfois bien utile afin de concentrer
les attaques.
Alors finalement comment interpréter la démission de Christiane Taubira ?
Coup médiatique, rébellion suite à indigestion de couleuvres, mise en scène
télécommandée depuis l'Elysée ? Départ sincère et réfléchi ou arnaque du siècle ?
Comme sur TF1, c'est vous qui décidez !
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