mardi 2 février 2016

Démission de Taubira : un oscar pour la ministre

Pour beaucoup, à gauche comme à droite, la date du 27 janvier 2016 restera dans les mémoires. Non pas qu'il s'agisse d'un évènement planétaire, bien au contraire mais suffisamment important pour secouer la classe politique française. Je pense bien évidemment, vous l'aurez compris, à la démission de Christiane Taubira.

Souhaité et inlassablement réclamé par la droite depuis le début du quinquennat, la garde des Sceaux s'est finalement résolue à quitter le gouvernement en ce début d'année. Certains s'en réjouissent, voyant cela comme un cadeau de noël en retard alors que d'autres le regrettent. Mais cette démission n'est finalement que très logique au vu des divergences de point de vue qui existent et persistent depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, notamment entre elle et le premier ministre.

Démission logique donc mais finalement assez tardive malgré les circonstances. Comme nous l'avons dit, les relations entre Christiane Taubira et Manuel Valls ont toujours été assez conflictuelles, notamment lorsque ce dernier était ministre de l'Intérieur, avec des visions de la société quelque peu différentes. La ministre de la Justice ne s'est d'ailleurs jamais gênée pour remettre en cause publiquement certaines décisions du gouvernement. La dernière en date étant évidemment relative à la déchéance de nationalité.

Revenons justement sur le déroulement de cette démission.
Comme à son habitude, Christiane Taubira a fait preuve de lyrisme pour annoncer son départ. Nul ne s'attendait d'ailleurs à moins vu les envolées successives de la ministre lors des débats parlementaires. 

 
Mais plus que ce simple tweet, c'est une véritable mise en scène qui a été organisée autour de cette démission. Déclarations dans la presse, interviews tout azimut et émissions de télé sur Canal +, tout a été réglé au millimètre pour donner le beau rôle à la garde des Sceaux. Sans oublier bien évidemment le livre sorti ce 1er février, soit moins d'une semaine après la date fatidique. Du grand art ! 

J'ai regretté à de nombreuses reprises sur ce blog cette tendance de plus en plus massive à la peoplisation de la vie politique. Nicolas Sarkozy avait certes ouvert la boite de Pandore mais beaucoup d'autres après lui se sont emparés de cette stratégie visant à scénariser à outrance l'action politique. Et Christiane Taubira ne fait pas défaut ici puisqu'elle s'y engage pleinement.

Mais la ministre de la Justice est-elle alors la seule responsable dans cette histoire ? Evidemment que non. Et toute cette comédie n'a finalement été rendu possible que par la complicité, au minimum passive, du président de la République. Car c'est bien lui qui l'a nommé et confirmé dans son poste, c'est encore lui qui a toléré ses sorties médiatiques et c'est toujours lui qui n'a pas eu le courage de la virer malgré sa remise en cause de la politique gouvernementale.

Je ne reviendrai pas ici sur le parcours de Christiane Taubira tant de nombreux portraits de celle-ci ont été dressé récemment dans la presse depuis son élection comme député à sa candidature à la présidentielle de 2002. Quoi que l'on en dise, et c'est d'ailleurs pour cela que François Hollande l'a prise comme ministre, Taubira est devenue une "icône de la gauche". Un symbole à elle toute seule devenue véritable rock-star après l'adoption du "mariage pour tous". Il n'y a qu'à voir les membres de son fan-club, notamment à la gauche de la gauche, se répandre dans les medias pour s'en convaincre.

Beaucoup de bruit pour rien me direz-vous. Je vous l'accorde bien volontiers. Et c'est assez paradoxal en réalité. Il me semble, de manière assez objective, que la réputation de Christiane Taubira est en fait surfaite, pour ne pas dire démesurée. Car en y regardant de plus près, les "faits d'armes de gauche" sont relativement modestes et se limitent finalement à des réformes essentiellement sociétales. A l'inverse, l'aspect social est peu présent dans son bilan. Rare exception si l'on peut dire, la condamnation des syndicalistes de Goodyear qui se révèle peu reluisante pour une ministre de gauche.

Mais Christiane Taubira n'illustre-t-elle pas finalement à merveille la direction prise par le gouvernement et le parti socialiste ? A savoir une focalisation sur les thématiques sociétales aux dépens des problématiques sociales. Et cela est-il vraiment surprenant ? Poser la question c'est déjà y répondre comme dirait l'autre. Et effectivement cet accent mis sur le sociétal se comprend aisément dans la mesure où il permet de se différencier de la droite. Il agit alors ici comme un marqueur de gauche au moment où la frontière gauche/droite en matière économique et sociale tend de plus en plus à disparaitre.

Pour en terminer sur le sujet, toute la question est maintenant de savoir si cette démission jouera pour ou contre François Hollande. Le futur nous le dira mais il est indéniable que le départ de Taubira redonne une certaine cohérence au gouvernement, en particulier en perspective des débats autour de la déchéance de nationalité. En effet, il aurait été impensable, mais pas impossible, qu'une ministre défende devant le Parlement un projet auquel elle est opposée.
A l'inverse, cette démission représente un risque pour le président et son gouvernement. Tout d'abord, certains voient cela comme le départ d'une caution de gauche, laissant champ-libre aux sociaux-démocrates. Ensuite, cela signifie la fin de la solidarité gouvernementale de la part de Taubira et peut donc conduire à la surgescence d'une opposante (2017 ?). Enfin, et c'est peut-être le plus problématique à la fois pour le PS et l'UMP, cela met un terme au personnage de punching-ball qui s'avérait parfois bien utile afin de concentrer les attaques.

Alors finalement comment interpréter la démission de Christiane Taubira ?
Coup médiatique, rébellion suite à indigestion de couleuvres, mise en scène télécommandée depuis l'Elysée ? Départ sincère et réfléchi ou arnaque du siècle ? Comme sur TF1, c'est vous qui décidez !

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