lundi 27 septembre 2010

Police à bout, justice trop couard !

Dans le magazine Marianne de la semaine dernière (n° 700, du 18 au 24 septembre), une enquête était consacrée au malaise régnant au sein des forces de l'ordre. La parole était ainsi donnée à ces policiers et gendarmes dont on parle tant mais si peu à la fois. Ces derniers ont ainsi pu exprimer leur ras le bol.
Ce dossier, organisé sous forme de "chapitres" aborde différents thèmes dont certains sont au coeur des débats. Pour plus de praticité, je reprendrai la même articulation que celle utilisée par les journalistes. 

I. La peur
"La peur doit changer de camp". Cette phrase, prononcée maintes fois par les politiques, me semble symptomatique de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Pour beaucoup de citoyens, la peur du gendarme reste d'actualité et la seule vue de l'uniforme suffit à installer une certaine tension. Pourtant, pour d'autres, les forces de l'ordre ne représentent rien, ou tout du moins rien de plus qu'un ennemi. Les faits divers de ces dernières années illustrant à merveille ce phénomène. Les délinquants n'hésitant plus à tendre des embuscades à la police, les accueillant avec des pierres ou même des armes à feux.
Chaque intervention, même la plus anodine, représente alors un risque. Cette nouvelle génération n'a plus de respect pour ces hommes et ces femmes qui doivent dorénavant assurer leur propre sécurité avant celle de leurs concitoyens qui, rappelons-le, constitue le coeur de leur métier.
Plus grave encore, on assiste de plus en plus à "une véritable chasse aux poulets" puisque les policiers sont parfois attaqués alors même qu'ils ne sont pas en service.
 
II. La misère
Lorsque l'on parle de l'Education nationale, il est souvent question de moyens, tant humains (profs, surveillants ...) que financiers. Cela est moins le cas, tout du moins dans les médias de masse, lorsqu'il s'agit de la police. Pourtant, les moyens font, ici aussi, cruellement défaut. Les véhicules sont ainsi généralement (très) vieux, les locaux vétustes et les moyens informatiques archaïques. Il existe évidemment des exceptions mais la majorité des commissariats sont insuffisamment équipés. Comment alors espérer mener à bien des investigations dans ces conditions ? 

III. Les effectifs en baisse
Pas un ministère n'échappe à la fameuse RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques). Celui ne l'Intérieur ne déroge évidemment pas à la règle. Lutte contre le déficit oblige, les effectifs de police et de gendarmerie diminuent. Un départ à la retraite sur deux n'est pas remplacé et les créations de poste sont limitées. Les conséquences sont rapides puisque plusieurs milliers de postes sont déjà supprimés chaque année. D'ailleurs, certaines personnes entrées à l'école de police se sont retrouvées sans affectation à leur sortie. Heureusement, la situation semble s'être arrangée depuis.

IV. La politique du chiffre
Nouvelle lubie pour nos dirigeants, montrer que les politiques sécuritaires menées portent leurs fruits. Quoi de mieux pour cela que de présenter de flatteuses statistiques ? Malheureusement, le travail d'investigation est un travail de fourmi souvent long et minutieux dont les effets ne sont pas forcément visibles à court terme. Efficace donc mais pas assez rapide. A l'inverse, les infractions routières, même si le préjudice est moindre, sont légions et faciles à réprimer.
Outre l'effet sur les statistiques, sanctionner les largesses avec le code de la route permet de remplir les caisses de l'Etat qui, n'oublions pas, "sont vides".
 
V. Les zones de non-droit
Réalité ou fantasme ? Telle est la question. En fait, la nuance est de rigueur pour répondre. Il est clair que les forces de l'ordre peuvent rentrer dans toutes les cités de France. Pourtant, la tâche n'est pas aisée dans certains quartiers où il serait suicidaire de s'aventurer avec une simple voiture de patrouille. La moindre petite perquisition nécessite alors l'envoi de dizaines d'hommes lourdement armés.
 
VI. Les chefs
Selon les témoignages lus dans Marianne, il semblerait que les "flics de base" soient de plus en plus lâchés par leur hiérarchie. Ces derniers, devant eux-mêmes rendre des comptes à leur patron, inciteraient donc à faire du chiffre pour avoir de bonnes évaluations et obtenir ainsi une promotion. De même, ces chefs seraient encouragés à ne pas faire de vagues pour ne pas risquer de déclencher des émeutes comme en 2005. De là à penser que les cités ont été abandonnés volontairement pour acheter une hypothétique paix sociale, il n'y a qu'un pas que certains policiers ont allégrement franchis.
 
VII. Les juges
Si l'incompréhension existe entre la police et la population, il semble que le torchon soit à la limite de brûler avec la justice. Dernier exemple en date, la libération sous contrôle judiciaire du second braqueur présumé du casino d'Uriage, braquage qui avait débouché sur des affrontements à Grenoble. L'homme qui avait donné tant de mal à la police a donc été relâché en quelques minutes par un juge des libertés et de la détention.
Ce cas n'est qu'un exemple mais il est fréquent d'entendre qu'un délinquant arrêté la veille est déjà en liberté le lendemain. D'ailleurs, on s'aperçoit que le nombre de délinquants multirécidivistes est loin d'être nul. Le fossé tend donc à se creuser entre une justice accusée de laxisme et des forces de l'ordre parfois impuissantes face à l'étendue de leur tâche.

VIII. La police de proximité
Instaurée par le gouvernement Jospin en 1999 et supprimée par Nicolas Sarkozy en 2003, la police de proximité est au coeur de l'actualité. Jugée inefficace par les uns (la police n'est pas faite pour jouer au foot avec, les jeunes), indispensable par les autres, elle revient tout de même sous une autre forme (uteq, unité territoriale de quartier) en 2008.
Il semblerait que sa disparition ait contribué à favoriser l'écart avec la population. On est alors passé d'une présence quotidienne à une intervention ponctuelle de la police.

IX. Nicolas Sarkozy
L'ancien ministre de l'Intérieur se pose comme le Monsieur sécurité de ces dernières années. Quoi qu'on en pense, il restera un des ministres de l'Intérieur le plus singulier des gouvernements passés. En charge de la sécurité des Français depuis 2002, Nicolas Sarkozy a rencontré un certain succès de par son volontarisme et son énergie. Malgré tout, en prenant un peu de recul, il s'avère que son bilan est peu réjouissant. Il est indéniable que Sarkozy est un beau parleur mais il l'est tout autant que les actes ne sont pas à la hauteur. La délinquance n'a pas forcément diminué et tend même à croitre, notamment en réaction à ses diverses provocations (Karcher ...).
Au final, que nous apprend cette enquête de Marianne ? Rien que nous ne savions déjà, si ce n'est que cette fois ce sont les principaux concernés qui expriment un ras-le-bol souvent porté par les politiques. La sécurité est le péché mignon de Sarkozy. D'ailleurs, il y revient fréquemment lorsque les choses commencent à lui échapper.
 
Aujourd'hui pourtant, le divorce est consommé entre le pouvoir et les forces de l'ordre. Il est donc grand temps d'arrêter les promesses et les belles paroles et de passer réellement à l'action avant qu'il ne soit trop tard. Pour cela, diverses solutions sont possibles.
La première concerne l'aspect financier. Il faut cesser immédiatement les suppressions de poste et, à l'inverse augmenter considérablement les effectifs. Dans le même ordre d'idée, des efforts budgétaires doivent être consentis afin de moderniser les locaux et équipements des commissariats et gendarmeries.
Un deuxième point devrait être la réhabilitation de la police de la proximité. Celle-ci permet de réaliser un travail de fond (renseignement, connaissance des lieux ...) par un contact quotidien avec la population sur le terrain.
Le troisième élément est relatif à la Justice. Des moyens supplémentaires sont évidemment nécessaires mais il convient également d'agir pour préserver son indépendance, tant des milieux économiques que politiques. En outre, un peu plus de sévérité, surtout en cas de récidive, ne me semble pas être inutile.
 
Alors bien sûr il n'existe pas de solution miracle pour endiguer la délinquance. Malgré tout, des efforts peuvent être faits à l'égard des forces de l'ordre. Bien qu'insuffisant, ce sera un premier pas non négligeable. En parallèle, il faudra également mobiliser l'ensemble de la société, au travers notamment de l'éducation tant scolaire que parentale. Car, je persiste à penser que l'on ne naît pas délinquant mais qu'on le devient. C'est donc durant l'enfance et l'adolescence que l'Etat doit intervenir pour remettre les brebis égarées dans le droit chemin ...

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