lundi 28 mars 2016

Terrorisme : il est temps d'agir !

Après je suis Charlie, je suis Paris, je suis Tunis, je suis Beyrouth et tous les autres, c'est maintenant la Belgique qui est touchée par un nouvel attentat revendiqué par Daech. Terribles explosions à l'aéroport de Zaventem et dans le métro près de Maelbeek causant ainsi 31 morts et plus de 300 blessés.

Bien évidemment nous ne pouvons qu'avoir une pensée pour les victimes et leurs familles. Bien sûr ces attentats ont soulevé une vague d'émotion dépassant largement la Belgique et nombre de pays ont rendu hommage aux victimes. Quoi de plus naturel finalement ? Mais est-ce pour autant suffisant ? Je ne le crois pas. Car c'est ce que nous avons fait après le 7 janvier, c'est ce que nous avons fait après le 13 novembre. Et ensuite ? Doit-on continuer à faire le deuil et à allumer des bougies en attendant la prochaine fois ?

Le temps du deuil et du recueillement est évidemment nécessaire. Mais il n'est clairement pas suffisant. Et ces attentats qui se répètent, en Europe mais partout dans le monde, ne peuvent continuer indéfiniment. En tout cas, nos dirigeants doivent faire le maximum pour y mettre un terme. Nul ne prétend avoir la solution miracle face au terrorisme tant cette menace est diffuse. Prétendre éradiquer ce risque serait évidemment un mensonge éhonté. Pour autant, il est possible de réduire ce risque, de le contenir en prenant des mesures fortes et immédiates.

Car au final, quelles ont été les réactions du gouvernement face à ces attentats ?
Presque aucune en janvier malheureusement. Rien de réellement significatif en réalité. La loi renseignement, qui se révélera totalement inutile, a été avancée pour donner l'illusion du mouvement et l'opération Sentinelle, c'est-à-dire le déploiement de militaires dans nos rues afin de protéger des points jugés sensibles, a été mise en place. Déjà critique à l'époque comme je l'expliquais ici, je continue à penser que cette opération est contre-productive et relève davantage d'un coup de communication visant à rassurer la population plutôt qu'à assurer sa sécurité. Preuve en est la terrible conversation entre un policier et un soldat le soir du massacre au Bataclan où le second refuse d'agir sans ordres de sa hiérarchie.

Fervent soutien de nos forces armées, je ne peux que saluer le travail accompli par nos soldats. Pour autant, je pense que l'opération Sentinelle doit être arrêtée. Il en va de l'intérêt de nos militaires qui sont complètement épuisés, avec encore récemment la suppression de jours de repos. Mais cela serait également profitable pour notre pays si ces hommes et ces femmes étaient envoyés sur des théâtres d'opérations extérieures (Mali ou Syrie par exemple) afin de faire vraiment leur métier. Car il serait grand temps que nos dirigeants comprennent que nos soldats n'ont pas vocation à patrouiller dans les rues de France, mission qui relève de la police et de la gendarmerie. Enfin si tant est que ceux-ci en aient encore les moyens suite aux coupes budgétaires et suppression de postes imposées par Nicolas Sarkozy et François Hollande …

Faibles réactions donc après le 7 janvier. Et moins d'un an plus tard, nouveaux attentats sur notre sol, en plein Paris, le 13 novembre 2015. Nouveau choc, nouvelle vague d'émotions. Là encore la réponse n'est pas forcément à la hauteur des évènements. Certes des annonces ont été faites, certes l'état d'urgence a (enfin) été déclaré. Mais que retient-on de tout cela ? Des affrontements stériles entre politiciens autour de la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. Toute une mise en scène autour d'une mesure qui relève de la symbolique et qui ne permet en rien de lutter activement contre le terrorisme. A l'inverse très peu sur des actions plus urgentes et efficaces telles que le renforcement des contrôles aux frontières ou l'augmentation des moyens des forces de l'ordre. Bref, encore et toujours de la comm …

Nous l'avons déjà dit et je le réaffirme ici, il n'existe aucune solution miracle permettant à coup sûr d'éradiquer le terrorisme de notre planète. Pour autant, cela ne doit pas nous réduire à la passivité, en attente d'un nouveau massacre. Bien au contraire. Car il existe malgré tout des mesures simples et concrètes qui permettraient de réduire le risque. Mais encore faut-il avoir le courage politique de les annoncer et de les mettre en œuvre.

L'un des aspects que l'on retrouve dans chacune des attaques que nous avons subies est que les personnes impliquées étaient déjà connues et surveillées par les services de renseignements. Pourtant, les informations obtenues n'ont pas été traitées ou les surveillances avaient été abandonnées. A qui la faute ? Bonne question en réalité. Et il serait justement intéressant d'analyser si des manquements ont eu lieu et surtout si les actions correctives ont été prises afin d'éviter que cela ne se reproduise. Clairement l'accent doit être mis sur le renseignement et la coopération, notamment au niveau européen, en matière d'échanges d'informations. C'est tout ce travail de fourmi réalisé dans l'ombre qui permettra de déjouer les attentats en préparation et d'identifier les menaces potentielles.

Mais les services de renseignement sont seulement un rouage du système de lutte contre le terrorisme. Et si cette lutte passe par une surveillance sur notre territoire, le combat doit aussi être mené à la source du problème là où se développe Daech, c'est à dire notamment en Syrie. Pendant trop longtemps nos dirigeants ont pris le problème syrien à la légère et leur volonté de voir Bachar El Assad tomber a pris le pas sur toute autre considération. Pire, nous avons soutenu, dans ce vil objectif, différents groupes islamistes tels qu'Al Nosra, filière locale d'Al Qaida. Tout cela laissant alors champ libre à Daech. Il semblerait que notre diplomatie commence progressivement à changer son fusil d'épaule et à ne plus conspuer les forces armées russes largement actives sur le terrain, contribuant notamment à la reprise de Palmyre ce week-end. Une partie de notre sécurité, en Europe, se joue actuellement au Moyen-Orient et il me semble indispensable de combattre Daech dans ses bastions notamment afin de couper ses sources de financement liées en grande partie au pétrole et à ses relations plutôt ambigües avec la Turquie.

Renseignement d'une part, opérations militaires au Moyen-Orient d'autre part. Sans oublier évidemment les actions qui doivent être menées sur notre sol au quotidien. L'état d'urgence est en soi une réponse si tant est qu'il soit utilisé à bon escient et non pour persécuter d'éventuels opposants politiques. Évidemment que les moyens des forces de l'ordre doivent être renforcées, ne particulier en termes d'hommes et de matériel. Mais les effets se verront uniquement à moyen terme suite aux coupes réalisées lors des quinquennats Sarkozy et Hollande. En revanche, il est un élément qui peut, sur simple volonté politique, être immédiatement mis en œuvre. Je pense bien sûr au contrôle des frontières aujourd'hui totalement inexistant. Car nous l'avons vu, là aussi lors des évènements du 13 novembre, les assaillants ont pu allégrement circuler entre la France et la Belgique avec armes et munitions sans être inquiétés. Schengen est mort et enterré mais nos gouvernants ne veulent malheureusement pas l'admettre par pure idéologie. En ces  temps troublés est-ce si illogique que cela de contrôler qui entre et qui sort de notre territoire ? Et pourquoi ce qui serait possible dans la plupart des pays du monde ne le serait pas pour la France ?

Enfin,  il est une chose que j'ai, comme beaucoup de nos concitoyens d'ailleurs, beaucoup de mal à comprendre. Nous l'avons dit précédemment, la quasi-totalité des terroristes étaient connus des services de police ou de renseignement. D'autres, qui sont allés combattre en Syrie et qui sont de retour sur le territoire français, sont également clairement identifiés. Sans parler évidemment de toutes les personnes radicalisées ayant une fiche S. Bref toute une flopée d'individus représentant une menace potentielle sérieuse circulent aujourd'hui en toute liberté dans nos rues. Et face à cela nos dirigeants ne font rien ou plutôt si, ils attendent que la menace se matérialise donc que ces dégénérés passent à l'acte. N'a-t-on pas, dans un pays comme la France, les moyens de neutraliser de manière préventive ces individus, avant même qu'il ne soit trop tard ?

En matière de terrorisme, comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs, nos dirigeants font preuve d'un angélisme et d'un laxisme dévastateur. Pour des raisons économiques, politiques ou idéologiques, pour ne pas dire électorales,  certains ont pendant trop longtemps détourné le regard préférant nier les problèmes plutôt que de les combattre à la racine. Nous en récoltons malheureusement aujourd'hui les fruits. Charge à nous maintenant d'ouvrir les yeux et d'affronter la réalité en face …

mardi 8 mars 2016

Une légion d'honneur pour le droit des femmes

"Tu sais quel jour on est ? On est le 8 mars. C'est ma journée !"
Voilà ce que la plupart de mes congénères mâles ont entendu ce matin au réveil.  Et bien désolé de vous décevoir mesdames mais le 8 mars n'est pas VOTRE journée. Et non, il s'agit de la journée internationale pour les droits des femmes. Ne vous attendez donc pas à un bouquet de fleurs ou en tout cas pas plus qu'en temps normal.

Mais trêve de plaisanteries. Enfin pas tout à fait en réalité. Regardons plutôt du côté de notre cher président, lui qui est si réputé pour son humour potache. François Hollande a une nouvelle fois prouvé son sens du timing en remettant vendredi dernier la légion d'honneur à Mohammed ben Nayef ben Abdelaziz Al Saoud. Quel rapport me direz-vous ? Et bien ce fameux monsieur Ben Nayef n'est ni plus ni moins que le prince héritier d'Arabie Saoudite. Belle ironie donc que de décorer le prince d'un régime sanguinaire, despotique et misogyne à quelques jours de la célébration des droits des femmes.

Car, faut-il le rappeler, l'égalité hommes-femmes est une utopie en ce pays et la discrimination des femmes un mode de vie. La notion de "sexe faible" semble avoir été inventée pour cet État du Moyen-Orient tant les libertés de la femme sont restreintes : interdiction de conduire, prohibition de la mixité dans certains lieux publics, obligation de porter une abaya (longue robe noire) et de couvrir ses cheveux. Bref, les femmes (sur)vivent au quotidien sous domination masculine.
Mais si la question du droit des femmes ne suffisait pas, l'Arabie Saoudite est également un pays qui fait preuve de largesses avec les droits de l'Homme. Liberté d'expression inexistante, justice arbitraire, police religieuse omniprésente …  Sans oublier évidemment la propension du régime à exécuter à tour de bras (153 décapitations en 2015, 70 depuis le début de l'année).

Vous l'aurez compris, l'Arabie Saoudite n'est clairement pas un modèle de démocratie. Et pourtant l'un de ses dirigeants a reçu la légion d'honneur des mains du président de la République française. Troublant, non ? Et cela d'autant plus que notre gouvernement fait preuve de nettement moins d'indulgence avec d'autres régimes du même acabit, Syrie en tête. Pourquoi une telle différence de traitement, pourquoi ce deux poids deux mesures si ce n'est pour des raisons purement économiques ? "Business is business" comme dirait l'autre et la realpolitik a pris aujourd'hui le pas en matière de politique étrangère.

Mais revenons-en au thème de cette journée, à savoir les droits des femmes. Et il n'est pas besoin, malheureusement, d'aller jusqu'en Arabie Saoudite pour voir poindre des inégalités entre hommes et femmes. Notre pays, si évolué soit-il, est lui aussi confronté à cette problématique que ce soit à l'école, en entreprise ou en politique. Remarques machistes, différences de salaires ou de niveau de responsabilités, discrimination à l'embauche … Le sexisme est finalement plus répandu qu'on ne le pense et fait parfois partie du quotidien, au risque de se banaliser. L'exemple le plus flagrant étant évidemment les blagues misogynes.

Alors que faire pour rétablir une égalité réelle entre hommes et femmes. Certains grands penseurs parmi nos dirigeants ont eu l'idée lumineuse de créer un secrétariat d'Etat dédié. D'autres ont souhaité mettre en place des quotas, par exemple au travers de loi parité de 2000. Nul ne peut prétendre avoir la solution miracle en ce domaine mais indéniablement l'Etat et les institutions publiques doivent prendre toute leur part dans l'évolution des mentalités par un travail de fond dès le plus jeune âge. Car je suis persuadé que ces inégalités prennent naissance, pour certaines, dans l'éducation. Et les nouvelles générations ont donc un rôle à jouer en ce sens afin de déconstruire les stéréotypes et autres clichés sur la gente féminine.

Rome ne s'est pas faite en un jour. L'égalité hommes-femmes non plus. Les droits des femmes sont en définitive une somme de conquêtes au fil du temps (droit de vote en 1944, loi pour l'IVG en 1975, lois successives sur l'égalité professionnelle …). La leçon à retenir est peut-être finalement que le combat n'est jamais réellement terminé et que rien n'est totalement acquis. La vigilance est donc de mise pour aller vers davantage d'égalité, vers toujours plus de droits et ne pas revenir à un quelconque asservissement comme cela peut exister ailleurs. La France est la patrie des droits de l'homme. Œuvrons pour qu'il soit aussi le pays des droits de la femme !

dimanche 21 février 2016

Loi El Khomri : Sarkozy en a rêvé, Hollande l’a fait !

6 mai 2012, François Hollande sort vainqueur de l’élection présidentielle face à Nicolas Sarkozy (51,64 % vs 48,36 %). Son slogan d’alors : » le changement c’est maintenant ». Si certains y ont cru, beaucoup ont vite déchanté face à la cruelle réalité des faits. Comment parler de changement alors que la politique économique, sociale, européenne … du nouveau président socialiste s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur ?
Hollande, Sarkozy, même combat ? M’étant moi-même largement gaussé sur le sujet, je ne reviendrais pas ici sur cette dommageable continuité idéologique.

Mais tout vient à point à qui sait attendre comme dit le fameux adage. Et s’il aura fallu attendre près de quatre ans après le début du mandat, il semblerait que le changement pointe finalement le bout de son nez. Ne voyez ici aucune allusion à ce triste remaniement sans autre intérêt que celui des personnalités entrantes qui ont sacrifié leurs convictions pour un maroquin. Celui-ci n’est finalement qu’une mise en œuvre à l’échelle gouvernementale des petits calculs politiciens réalisés par François Hollande du temps où il était à la tête du PS. Ou autrement dit, une nouvelle illustration d’un consensus mou ménageant tout à la fois la chèvre et le chou. 

Non je parle d’un vrai changement. Un changement (ou plus exactement une accélération) digne du tournant libéral de 1983. Alors évidemment dit comme cela plusieurs évènements viennent à l’esprit mais il sera question ici du dernier en date, à savoir la loi El Khomri sur la réforme du droit du travail. Projet qui n’est, in fine, qu’une étape supplémentaire dans la remise en cause de notre modèle social. Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, avait ouvert la brèche le premier avec sa loi adoptée par le biais du 49-3. Puis Robert Badinter, illustre homme de gauche, avait préparé le terrain en janvier dernier avec son rapport sur le code du travail. La ministre du travail, Myriam El Khomri, ne fait alors qu’enfoncer le clou, soutenue en cela par Pierre Gattaz et le MEDEF qui n’en attendaient pas tant d’un gouvernement dit de gauche.

Mais arrêtons-nous brièvement sur les principales mesures de ce projet afin de mieux en saisir les tenants et aboutissants :

- plafonnement des indemnités prud'homales (de trois à quinze mois de salaire selon l'ancienneté)
- modification de la durée du travail (jusqu'à 12 heures par jour et 60 heures par semaine)
- fixation par accord d'entreprise du taux majoration des heures supplémentaires (10 % minimum contre 25 % auparavant)
- instauration des "accords offensifs" en faveur de l'emploi permettant une modulation du temps de travail en vue de la préservation ou développement de l'emploi
- assouplissement des motifs de licenciement économique (notamment baisse du chiffre d'affaires ou des commandes, pertes d'exploitation répétitives ou dégradation de la trésorerie)
- primauté de l'accord d'entreprise sur les autres sources de droit

Voilà donc ce que nous réserve ce gouvernement socialiste. Comment ne pas comprendre alors l’enthousiasme du patronat et, à l’inverse, la révolte et le dégoût d’une grande partie de la population ?
Trahison, écœurement, consternation. Tels sont les ressentis de nombreux militants et sympathisants de gauche. Et je ne peux que compatir à la douleur de tous ces socialistes qui se sentent trompés dans leurs valeurs et leurs convictions. Et en même temps, ce projet de loi n’est-il pas la suite logique des évènements ? Depuis son élection, et plus encore depuis l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, François Hollande s’évertue à mener une politique de l’offre et à déployer un ensemble de mesures en faveur des entreprises. Il ne s’agit donc que d’une nouvelle pierre dans le jardin de la social-démocratie dont les mentors se nomment Gerhard Schröder  et Tony Blair.
Plus qu’une nouvelle atteinte à notre modèle, ce projet est une réelle régression sociale qui ne fera qu’aggraver la situation en précarisant davantage notre économie. Pire, celui-ci tend à déséquilibrer encore davantage le rapport de force entre salarié et employeur.
Portée aux nues par ses défenseurs, la "flexisécurité" n’est en réalité qu’une illusion visant à libéraliser toujours plus notre marché du travail. Le code du travail, certes lourd et complexe, ne doit pas être vu comme une somme de contraintes inextricables pour les entreprises mais bien comme un outil qui assure aux salariés un niveau de protection plancher dans une relation de subordination clairement en sa défaveur. Et la primauté donnée aux accords d’entreprise ne fera que renforcer les inégalités en accroissant le pouvoir des employeurs.

Vous l’aurez donc compris, je suis fortement opposé à ce projet qui heurte profondément mes convictions de gaulliste social. Et je ne peux qu’espérer, sans grande illusion toutefois, que le gouvernement prenne conscience de la nocivité de ce texte et décide de le retirer. A défaut, j’implore nos parlementaires de ne pas participer à cette mascarade en votant contre.

Pour conclure, je tenais à réaffirmer que ce projet de loi était une honte pour un parti se revendiquant "socialiste". Pour autant, ce texte a le mérite d’illustrer à nouveau deux thèses que je défends depuis de nombreuses années.
La première est que le phénomène de lutte des classes n’est pas mort. Bien que moins vivace, ou en tout cas moins revendiqué, cet affrontement entre salariat et patronat continue à perdurer dans notre société. J’ajouterais d’ailleurs que le basculement d’une part croissante de notre classe politique en faveur de ce dernier (libéralisation de l’économie et du marché du travail accrue, condamnation de syndicalistes à de la prison ferme …) tend à lui redonner un nouveau souffle.

La deuxième est l’idée que gauche et droite, ou plus précisément UMP/LR et PS, constituent les deux faces d’une même pièce. De fait, ces deux partis sont aujourd’hui quasiment interchangeables et leurs divergences relèvent davantage de la forme que du fond. Pour preuve, de nombreux ténors des Républicains (Copé, Chatel …) se sont félicités de cette réforme du marché du travail. Et on pourrait multiplier à loisir les exemples de convergences (rapport à l’Allemagne, politique étrangère, positions sur l’austérité et les dépens publiques ou les 35h  …). Cet état de fait pose d’ailleurs souci à droite en vue de la primaire pour 2017 car cela oblige les candidats à radicaliser leur discours afin de se démarquer de la "gauche".

Comme disait feu Philippe Séguin, "l’UMP et le PS sont les détaillants d’un même grossiste : l’europe ". Et il est comique, ou affligeant c’est selon, de voir François Hollande mettre en œuvre des mesures autrefois défendues par la droite et conspuées par la gauche. Gageons d’ailleurs que de tels projets n’auraient jamais pu voir le jour lors du précédent quinquennat, sauf à déverser dans la rue des millions de nos concitoyens.
Bref, Sarkozy en a rêvé, Hollande l’a fait …

mardi 2 février 2016

Démission de Taubira : un oscar pour la ministre

Pour beaucoup, à gauche comme à droite, la date du 27 janvier 2016 restera dans les mémoires. Non pas qu'il s'agisse d'un évènement planétaire, bien au contraire mais suffisamment important pour secouer la classe politique française. Je pense bien évidemment, vous l'aurez compris, à la démission de Christiane Taubira.

Souhaité et inlassablement réclamé par la droite depuis le début du quinquennat, la garde des Sceaux s'est finalement résolue à quitter le gouvernement en ce début d'année. Certains s'en réjouissent, voyant cela comme un cadeau de noël en retard alors que d'autres le regrettent. Mais cette démission n'est finalement que très logique au vu des divergences de point de vue qui existent et persistent depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, notamment entre elle et le premier ministre.

Démission logique donc mais finalement assez tardive malgré les circonstances. Comme nous l'avons dit, les relations entre Christiane Taubira et Manuel Valls ont toujours été assez conflictuelles, notamment lorsque ce dernier était ministre de l'Intérieur, avec des visions de la société quelque peu différentes. La ministre de la Justice ne s'est d'ailleurs jamais gênée pour remettre en cause publiquement certaines décisions du gouvernement. La dernière en date étant évidemment relative à la déchéance de nationalité.

Revenons justement sur le déroulement de cette démission.
Comme à son habitude, Christiane Taubira a fait preuve de lyrisme pour annoncer son départ. Nul ne s'attendait d'ailleurs à moins vu les envolées successives de la ministre lors des débats parlementaires. 

 
Mais plus que ce simple tweet, c'est une véritable mise en scène qui a été organisée autour de cette démission. Déclarations dans la presse, interviews tout azimut et émissions de télé sur Canal +, tout a été réglé au millimètre pour donner le beau rôle à la garde des Sceaux. Sans oublier bien évidemment le livre sorti ce 1er février, soit moins d'une semaine après la date fatidique. Du grand art ! 

J'ai regretté à de nombreuses reprises sur ce blog cette tendance de plus en plus massive à la peoplisation de la vie politique. Nicolas Sarkozy avait certes ouvert la boite de Pandore mais beaucoup d'autres après lui se sont emparés de cette stratégie visant à scénariser à outrance l'action politique. Et Christiane Taubira ne fait pas défaut ici puisqu'elle s'y engage pleinement.

Mais la ministre de la Justice est-elle alors la seule responsable dans cette histoire ? Evidemment que non. Et toute cette comédie n'a finalement été rendu possible que par la complicité, au minimum passive, du président de la République. Car c'est bien lui qui l'a nommé et confirmé dans son poste, c'est encore lui qui a toléré ses sorties médiatiques et c'est toujours lui qui n'a pas eu le courage de la virer malgré sa remise en cause de la politique gouvernementale.

Je ne reviendrai pas ici sur le parcours de Christiane Taubira tant de nombreux portraits de celle-ci ont été dressé récemment dans la presse depuis son élection comme député à sa candidature à la présidentielle de 2002. Quoi que l'on en dise, et c'est d'ailleurs pour cela que François Hollande l'a prise comme ministre, Taubira est devenue une "icône de la gauche". Un symbole à elle toute seule devenue véritable rock-star après l'adoption du "mariage pour tous". Il n'y a qu'à voir les membres de son fan-club, notamment à la gauche de la gauche, se répandre dans les medias pour s'en convaincre.

Beaucoup de bruit pour rien me direz-vous. Je vous l'accorde bien volontiers. Et c'est assez paradoxal en réalité. Il me semble, de manière assez objective, que la réputation de Christiane Taubira est en fait surfaite, pour ne pas dire démesurée. Car en y regardant de plus près, les "faits d'armes de gauche" sont relativement modestes et se limitent finalement à des réformes essentiellement sociétales. A l'inverse, l'aspect social est peu présent dans son bilan. Rare exception si l'on peut dire, la condamnation des syndicalistes de Goodyear qui se révèle peu reluisante pour une ministre de gauche.

Mais Christiane Taubira n'illustre-t-elle pas finalement à merveille la direction prise par le gouvernement et le parti socialiste ? A savoir une focalisation sur les thématiques sociétales aux dépens des problématiques sociales. Et cela est-il vraiment surprenant ? Poser la question c'est déjà y répondre comme dirait l'autre. Et effectivement cet accent mis sur le sociétal se comprend aisément dans la mesure où il permet de se différencier de la droite. Il agit alors ici comme un marqueur de gauche au moment où la frontière gauche/droite en matière économique et sociale tend de plus en plus à disparaitre.

Pour en terminer sur le sujet, toute la question est maintenant de savoir si cette démission jouera pour ou contre François Hollande. Le futur nous le dira mais il est indéniable que le départ de Taubira redonne une certaine cohérence au gouvernement, en particulier en perspective des débats autour de la déchéance de nationalité. En effet, il aurait été impensable, mais pas impossible, qu'une ministre défende devant le Parlement un projet auquel elle est opposée.
A l'inverse, cette démission représente un risque pour le président et son gouvernement. Tout d'abord, certains voient cela comme le départ d'une caution de gauche, laissant champ-libre aux sociaux-démocrates. Ensuite, cela signifie la fin de la solidarité gouvernementale de la part de Taubira et peut donc conduire à la surgescence d'une opposante (2017 ?). Enfin, et c'est peut-être le plus problématique à la fois pour le PS et l'UMP, cela met un terme au personnage de punching-ball qui s'avérait parfois bien utile afin de concentrer les attaques.

Alors finalement comment interpréter la démission de Christiane Taubira ?
Coup médiatique, rébellion suite à indigestion de couleuvres, mise en scène télécommandée depuis l'Elysée ? Départ sincère et réfléchi ou arnaque du siècle ? Comme sur TF1, c'est vous qui décidez !