mardi 27 juillet 2010

Vers une démocratie émotive ?

J'ai profité de la petite semaine de vacances que je me suis octroyée pour lire l'ouvrage "Révolution ! Pour en finir avec les illusions françaises" de Gérard Mermet.
Ce livre, que j'ai trouvé assez intéressant malgré quelques imprécisions liées au fait qu'il date de 2005, aborde différents aspects de notre pays aussi divers que l'économie, la politique ou encore la culture. Parmi ceux-ci, trois éléments m'ont particulièrement interpellé et feront donc l'objet d'une série d'articles. 
Commençons dès aujourd'hui avec le premier thème : la place de l'émotion dans la société.
 
On a souvent pour habitude d'opposer raison et émotion, ou de manière plus métaphorique, le cerveau (la tête, l'esprit) et le coeur. Le premier étant sensé être plus objectif, plus logique alors que le second a un côté plus impulsif, plus fougueux. En réalité, cela est plus complexe et un équilibre entre les deux doit être trouvé.
 
Mais quittons l'échelle de l'individu pour nous placer au niveau de la société. En toute logique, on pourrait penser qu'en ce qui concerne le débat public la raison devrait l'emporter sur l'émotion. De fait, il semblerait normal que les responsables adoptent un discours raisonnable en s'adressant à l'intellect de ses concitoyens.
 
Néanmoins, on s'aperçoit qu'aujourd'hui la raison tend à perdre du terrain au profit de l'émotion. Ainsi, on cherche de plus en plus à toucher le coeur des gens, à susciter leur compassion. Ce phénomène est extrêmement visible dans les médias et plus particulièrement dans la façon dont l'actualité est abordée. En effet, on peut remarquer que l'on voit de plus d'images de misère et de détresse et ce quel que soit le contexte, qu'il s'agisse de guerres (Afghanistan ...) ou de catastrophes naturelles (inondations dans le Var ...) par exemple.
Ce sentiment est d'autant plus renforcé que l'on voit émerger depuis quelques années un nouveau type de marketing : le marketing sensoriel qui vise à stimuler les achats et à conforter le lien entre la marque et ses clients grâce à la sollicitation des cinq sens. Là encore, le recours à la raison n'est plus une priorité.
 
L'émotion tend donc à se généraliser dans différents domaines. Il semblerait que ce soit, malheureusement, également le cas dans la sphère politique. Je pense évidemment au développement de la peoplitique, que j'avais abordé dans un précédent article.
Mais cela n'est pas tout. Prenons pour exemple le référendum de 2005 relatif au traité établissant une Constitution pour l'Europe. A l'époque, le duo Chirac/Raffarin avait soumis la question suivante au peuple français : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ?". Résultat : 55 % de NON et une participation d'environ 70 %.
Ce référendum illustre parfaitement la prépondérance de l'émotion dans le débat public. Effectivement, la campagne précédant le vote a été l'occasion de jouer sur les peurs des gens mais aussi de promettre monts et merveilles. Une analyse quelque peu sérieuse et réfléchie suffisait à écarter un certain nombre d'arguments saugrenus.
 
Si l'on extrapole un peu ce cas particulier, il semble légitime de se demander si le suffrage universel est réellement efficace. En effet, beaucoup de personnes votent de manière quasi-aléatoire, en s'attachant davantage à des éléments subjectifs (physique, capacité à discourir, aura médiatique ...) qu'aux programmes électoraux eux-mêmes. Cela peut donc aboutir à l'élection d'individus peu compétents, ou tout du moins inappropriés aux fonctions auxquelles ils prétendent.
Si l'on va au bout de ce raisonnement, cela conduirait à une remise en question du suffrage universel, considérant que certaines personnes sont inaptes à la citoyenneté. Personnellement, je crois que, malgré les critiques, le droit de vote doit être maintenu en l'état. Je suis convaincu, contrairement à d'autres, que le peuple est loin d'être stupide. Alors bien sûr il peut faire des erreurs mais il ne faut pas oublier que le peuple français est à l'origine de grandes choses qui font que la France est la France (Révolution de 1789, résistance contre l'Allemagne nazie ...).
 
Pour conclure, il est clair que l'on se dirige de plus en plus vers une démocratie émotive où la raison tend à disparaître. Pour autant, je crois qu'il est possible d'inverser la tendance. Loin de moi l'idée de dénigrer l'émotion et les sentiments mais je reste persuadé que la raison doit être un guide et que la réflexion est indispensable à l'Homme. D'ailleurs, n'est-ce pas celle-ci qui est à l'origine de tant de découvertes et d'avancées technologiques ?
Aujourd'hui, les jeunes générations ne savent plus réfléchir par elles-mêmes tant elles ont été habituées à ce qu'on leur mâche le travail. Il me paraît donc urgent de réapprendre à la jeunesse à penser, à raisonner. Et cela me semble être le rôle de l'école mais aussi de l'environnement familial. Encore un domaine où le duo école/famille est la solution aux problèmes ...

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