jeudi 21 juillet 2011

"La France est-elle finie ?" de Jean-Pierre Chevènement

Comme je l'avais annoncé dans un précédent article, je vais profiter de l'été pour lire. Après, "votez pour la démondialisation" d'Arnaud Montebourg, voilà maintenant mes remarques concernant le dernier ouvrage de Jean-Pierre Chevènement : "la France est-elle finie ?"
 
Disons le tout de suite, ce livre est en quelque sorte un livre de témoignage. En effet, l'ancien ministre de l'Intérieur retrace de manière critique les dernières décennies de notre pays. C'est notamment le cas dans les premiers chapitres qui m'on semblé particulièrement long et somme toute peu intéressants dans la mesure où l'auteur énumère des faits historiques.
 
Alors bien sûr les différents évènements sont choisis à dessein. Ainsi, ils permettent de réaliser une forte critique du tournant libéral pris par la gauche en 1983, deux ans après l'espoir suscité par l'élection de 1981.
Dans ces propos, il apparaît que Jean-Pierre Chevènement épargne relativement François Mitterrand mais charge Jacques Delors qui est, selon lui, le responsable de cette politique. Il explique également que c'est à cette période que la fuite en avant européenne commence, notamment avec l'Acte unique (1987).
Chevènement nous explique alors comment une "alliance" entre la commission européenne et le ministère des finances de l'époque a réussi à imposer la dérégulation, la libéralisation et la financiarisation de notre économie.
 
Clairement Chevènement réalise un véritable réquisitoire contre Jacques Delors. Ce dernier est ainsi accusé d'être l'instigateur du libéralisme en France et d'avoir grandement contribué à la "parenthèse libérale" des années 1980. En outre, son action à la tête de la Commission européenne (1984 - 1994) est sévèrement jugée dans la mesure où il lui est reproché  d'avoir fait de l'Europe le cheval de Troie de la mondialisation.
 
Mais décrochons maintenant du fil des pages pour nous intéresser à quelques phrases ou passages en particulier qui, je crois, méritent d'être commentés :
 
- Les écarts de richesse se réduisent entre nations mais s'accroissent au-dedans
Il fut un temps où il existait une réelle frontière entre les pays du nord, riches et industrialisés et les pays du sud, plus pauvres et moins développés. Aujourd'hui, et même si des différences persistent, la situation a grandement évolué puisque les seconds tendent à rattraper les premiers. C'est notamment le cas de la Chine et de l'Inde ou encore du Brésil.
Pour autant, malgré une croissance très importante et souvent à deux chiffres, ces nations dites émergentes ou en développement conservent encore de grosses lacunes. De fait, cette croissance s'est souvent faite aux dépens du peuple, voire même contre lui. Cela s'explique notamment par le type de développement choisi qui consiste à attirer des capitaux extérieurs en jouant sur une main d'œuvre servile et bon marché. On assiste alors à une opposition entre des travailleurs pauvres et, en particulier dans les terres, et des "élites" aisées et cultivées.
Mais ce contraste existe également en France et en Europe. On le voit bien depuis quelques années et cela risque de s'intensifier dans le futur. Bien que la France soit un pays riche, il n'en demeure pas moins que d'importantes inégalités subsistent et que la pauvreté n'épargne pas une partie de nos concitoyens. Alors bien sûr cet état de fait ne date pas d'hier mais il apparaît clairement que la situation empire malgré les postures et autres incantations de nos dirigeants. Ainsi, cohabitent dans notre pays des personnes gagnant moins de 600 € par mois et des individus émargeant à plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Cela pose donc clairement la question de l'égalité et de la justice sociale. L'idée d'instaurer un "salaire maximal", notamment avancée par Jean-Luc Mélenchon, ne semble donc pas forcément être une hérésie, bien au contraire.
 
- L'Europe est "germanocentrée"
Dans ce livre, la question de l'Allemagne et de la relation franco-allemande est abondamment traitée. Ainsi, un long chapitre est consacré à l'explication des raisons de son succès. Pour faire simple, l'Allemagne dirige l'Europe et impose sa volonté aux autres nations (traité de Lisbonne, pacte de stabilité …). De plus, elle mène une politique peu coopérative voire même égoïste sans que cela ne semble déranger personne.
Cette stratégie s'exprime ainsi parfaitement durant la crise de l'euro et des dettes souveraines puisque Mme Merkel souhaite de drastiques plan de rigueur en contrepartie de prétendus plans de sauvetage. En fait, la chancelière allemande fait fi de la solidarité européenne et, sous des airs de chevalier blanc, cherche uniquement à défendre les intérêts de son pays.
Pour autant, il n'est pas illégitime que l'Allemagne protège ses intérêts. J'ajouterais également que si ce pays se comporte d'une telle manière est que la France l'a, de façon plus ou moins consciente, encouragé ou tout du moins accepté. En réalité, nous sommes passés d'un discours de vainqueur à vaincu après la seconde guerre mondiale à un échange respectueux d'égal à égal pour finalement aboutir à un complet retournement de situation, nous retrouvant alors en position de dominé.
 
- Le couple franco-allemand est l'avenir de l'UE
Aujourd'hui il est clair que l'Union Européenne va mal. Pour survivre et redevenir une puissance qui compte, cette dernière va impérativement devoir se remettre en question, tant au niveau de son fonctionnement et de son organisation que de ses valeurs et de ses principes fondateurs.
Quoi que certains en disent, cela ne se fera pas sans les nations. Durant trop longtemps l'Europe s'est construite en faisant abstraction des peuples et en niant le cadre national. Pour Jean-Pierre Chevènement, ce renouveau passera obligatoirement par un partenariat entre la France et l'Allemagne, comme cela a toujours été le cas depuis le commencement. Malheureusement, et comme nous l'avons vu précédemment, cela n'est pas possible ni envisageable en l'état actuel des choses. Pour ce faire, il faudrait remettre cette relation à plat et repartir sur des bases saines et solides.
Personnellement, je ne suis pas spécialement optimiste quant à la réussite d'une telle entreprise. Enfin pas avec ces dirigeants là qui ne me semblent pas être capables de s'asseoir autour d'une table et de tenir un discours de vérité. Les prochaines élections dans nos deux pays risquent alors d'être déterminantes pour la suite.
En revanche, il est une alternative que Jean-Pierre Chevènement n'aborde que trop peu. Je pense bien évidemment à la possibilité d'une union latine restreinte qui deviendrait le pilier de l'Union Européenne. Ainsi, il existe une proximité forte, tant au niveau de la culture que de l'Histoire mais également géographique, entre les pays du bord de la Méditerranée. Il ne me semble donc pas si impossible que la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal voire la Grèce décident de s'entendre pour relancer la machine européenne.
 
- Si la crise est le problème, elle est aussi la solution pour sortir de l'impasse néolibérale
Je ne vous ferais pas l'affront de revenir sur la crise que nous connaissons depuis plusieurs années tant les médias ne cessent d'en parler. De même, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'expliciter davantage la première partie de la phrase. En revanche, la suite de cette déclaration me semble tout à fait intéressante.
En toute logique, et cela n'est pas seulement vrai en économie, l'erreur fait partie de l'apprentissage. De fait, et de manière assez naturelle, nous cherchons tous à ne pas reproduire deux fois la même bêtise. Pour ce faire, une analyse du problème permet d'identifier les dysfonctionnements en vue de les corriger et donc de progresser.
Malgré tout, cela ne semble pas avoir été le cas dans le cadre de la crise, ou tout du moins pas entièrement. Il semblerait bien que les causes de la crise aient effectivement été identifiées, le constat étant sensiblement le même toute sensibilité confondue. Là où le bât blesse est que les dirigeants en place ne mettent pas en place les mesures correctives visant à nous prémunir d'une éventuelle rechute. Ainsi, et malgré de belles envolées lyriques, les promesses de l'UE ou du G20 restent lettres mortes.
Depuis la crise, rien n'a donc fondamentalement changé, ou alors à la marge, et cela pour la plus grande joie des marchés financiers et des banques qui sont les grands gagnants de l'histoire. A l'inverse, les Etats donc les contribuables sont les dindons de la farce puisqu'ils doivent se sacrifier pour ceux qui sont responsables de tout ce bordel. L'exemple de la Grèce illustre cela de manière fabuleuse, pour le plus grand malheur du peuple.
Clairement la crise a été un choc terrible. Mais il faut maintenant chercher à tourner la page en reprenant le pas sur l'économie. Cela ne se fera probablement pas sans heurts mais les politiques doivent avoir le courage de présenter la facture à qui de droit et non comme toujours à leur population.
Notre système économique, financier mais aussi politique a distinctement montré ses limites. C'est donc l'occasion rêvée pour en changer et reconstruire un nouveau modèle.

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