jeudi 8 septembre 2011

Règle d'or ou règle de plomb ?

En ce moment, il est une expression que l'on retrouve dans toutes les bouches. Je parle bien évidemment de cette fameuse "règle d'or". Initiée par Nicolas Sarkozy, il n'est pas étonnant que la droite prêche pour son adoption. A l'inverse, cela est plus problématique à gauche, et notamment au sein du PS.
Alors bien sûr l'ensemble des candidats à la primaire socialiste se sont élevés contre cette règle et ont appelé à s'y opposer au Parlement. En revanche, il faut noter que François Hollande et Ségolène Royal se sont prononcés pour le principe d'une telle règle mais seulement après 2012. De là à les considérer comme des girouettes et de faire de l'antisarkozysme primaire ...
 
Mais passons sur cette politique politicienne pour nous intéresser davantage au fond du problème. Pour rappel, cette "règle d'or" consiste à inscrire dans la Constitution le fait que chaque gouvernement devra contribuer à un assainissement budgétaire. En clair, l'objectif est de contraindre de manière constitutionnelle nos gouvernants à réduire notre déficit et notre dette donc à présenter des budgets en équilibre.
 
A première vue, l'adoption d'un tel principe semble être une bonne chose. Ce n'est pas faux. En effet, qui, aujourd'hui, s'opposerait à réduire notre endettement ? Pour autant, cela serait bien évidemment trop simple et il faut prendre conscience de l'étendue des conséquences de cette règle. Et c'est là que le bât blesse.
 
Comme vous l'aurez sûrement compris, je suis favorable à une meilleure gestion de finances publiques mais je suis clairement opposé à cette règle qui, je le crois, se révélera contre-productive. Et cela d'autant plus que je ne pense pas que cela aura un réel effet puisque d'autres solutions sont envisageables.
 
Tous ceux qui ont un minimum de formation en droit savent que la Constitution est la source de droit la plus élevée en France. Je laisse volontairement de côté la législation européenne qui me paraît illégitime. Ce texte a pour objectif de fixer le fonctionnement et l'organisation de notre Etat. En somme, notre Constitution contient d'une part l'ensemble des règles qui organisent les pouvoirs publics et leurs rapports entre eux (gouvernement, Parlement, président ...) et d'autre part les libertés publiques (ou libertés fondamentales) qui sont accordées à toute personne résidant sur le territoire ou ressortissante de l'État concerné. (Source : wikipedia.fr)
 
Tout ce baratin juridique pour dire que la Constitution n'a pas pour vocation de contenir une règle de politique budgétaire. Je dirais même que ce texte ne doit pas définir la politique à mener. Une modification de son contenu comme souhaité par Nicolas Sarkozy reviendrait donc à aller à l'encontre de l'esprit du droit.
 
Parallèlement à ce point assez technique, il est un argument qui me semble nettement plus important. Contraindre un gouvernement à l'équilibre budgétaire consiste en fait à lui ôter toute latitude, toute marge de manoeuvre pour diriger le pays à son aise. Mais aussi, et c'est peut-être le plus grave, à faire face à des évènements imprévus.
 
Prenons comme exemple la crise économique et financière de ces dernières années dans l'hypothèse où cette règle d'or serait en vigueur. Notre cher président aurait alors été confronté à un choix cornélien : soit respecter à la lettre la Constitution et donc laisser le pays sombrer, soit faire fi de ladite règle et mettre en oeuvre les mesures adéquates tout en creusant la dette.
 
Il est bien évident que la seconde solution serait privilégiée, quitte à aller à l'encontre de notre loi fondamentale. D'ailleurs, cela a bien été le cas pour le pacte de stabilité et ces fameux critères de Maastricht. Bref, on veut nous faire adopter une ligne de conduite que l'on s'empressera de violer à la première occasion.
 
Pour pallier cet inconvénient, certains proposent  d'assortir la règle de conditions. Pour faire simple, on réduit l'endettement quand tout va bien et on fait comme on peut en temps de crise. Dans ce cas, pourquoi vouloir inscrire cela dans la Constitution, au prix d'un cheminement long, coûteux et incertain, alors même que c'est la démarche entreprise ces dernières décennies.
 
Au final, la "règle d'or" voulue par notre président et son gouvernement se révèle être une règle de plomb qui nous pénalisera davantage puisque le remède sera pire que le mal.
Malgré tout, cela ne signifie pas que l'on doive faire preuve de laxisme budgétaire, bien au contraire. La lutte contre la dette doit être menée de front mais de manière juste et efficace, pas comme le font les gouvernements en place que ce soit en France ou à l'étranger (Grèce, Espagne ...).
 
On pourrait donc, finalement, s'interroger sur le réel objectif de Nicolas Sarkozy avec ce nouveau chiffon.
Ne pourrait-on pas imaginer qu'il s'agit d'un énième coup de communication ?
Serait-il impossible que cette règle soit agitée à destination des marchés financiers et des agences de notation pour préserver le triple A ?
Oserait-on penser qu'il s'agit ni plus ni moins que d'une manière de "jouer au président responsable face aux laxistes socialistes" en période pré-électorale ?
Franchement, il faudrait être bien impudent pour songer à cela. D'autant plus que ce n'est pas du tout le genre de notre président ...

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