mercredi 11 avril 2012

Refusons le diktat des marchés financiers

Après l'interview de Denis Kessler hier, je voulais partager avec vous un extrait d'une tribune d'Axel de Tarlé également parue dans le JDD du 8 avril. Le voici :
 
"Faisons ... un cauchemar.
Lundi 7 Mai 2012 : à peine remise de sa victoire, le (nouveau) président est informé d'une bien mauvaise nouvelle : l'agence Standard & Poor's dégrade de nouveau la France. Les taux d'intérêt s'envolent à 6 % contre 3 % aujourd'hui.
Jeudi 10 mai, le Trésor français ne parvient plus à emprunter d'argent sur les marchés financiers. La douche froide ! Le lendemain, une réunion d'urgence est organisée à Bruxelles. Il faut débloquer une aide internationale pour la France.
Dimanche 13 mai, les cow-boys du FMI débarquent à l'Elysée et imposent une cure d'austérité et des réformes drastiques.
Le quinquennat aura duré ... une semaine."
 
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, Axel de Tarlé est un journaliste et animateur télé qui rédige notamment une chronique chaque semaine dans le Journal du Dimanche. Parallèlement, celui-ci intervient sur Europe 1, France 5 ou dans Paris Match. Clairement, et malgré quelques bon papiers que j'ai lu dans le JDD, je dois reconnaître que je ne porte par Axel de Tarlé dans mon cœur. Ou plus précisément, je ne partage pas forcément ses idées.
 
Une fois n'est pas coutume donc, j'ai trouvé cette nouvelle tribune abjecte. Pas sur la forme car je trouve que le style de l'auteur est intéressant mais il en est tout autre chose sur le fond qui empeste la pensée unique et le conformisme économique. Bref, Axel de Tarlé est un magnifique défenseur de l'ordre établi et du système en place.
 
Mais laissons là ce pauvre bougre et penchons-nous sur les reproches que je fais à ce texte. En fait ceux-ci sont de trois ordres.
Tout d'abord, on peut remarquer que l'histoire racontée par le journaliste débute par la dégradation de la note de la France par Standard & Poor's. Implicitement, cela signifie que l'agence de notation sanctionne le vote des Français à l'élection présidentielle et qu'elle ne fait pas confiance au président nouvellement élu. Au passage, cela semble étonnant car qu'il s'agisse de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy, gageons que le vainqueur saura être docile et ne fera pas de vague malgré leurs promesses. Mais passons.
Ce qui me dérange le plus, en l'état actuel des choses, c'est le pouvoir considérable et démesuré accordé à ces agences. Et cela d'autant plus que ce sont ces mêmes entités qui ont, en quelque sorte, fait la promotion des subprimes, entrainant ainsi le monde entier dans la crise. En quoi ces agences sont-elles légitimes ? Pourquoi accepte-t-on de laisser nos taux d'intérêt entre les mains de cassandres privées ?
 
Remarquons ensuite que les notes attribuées par ces agences ont une incidence non négligeable sur les nations en ce sens que celles-ci influent sur leur taux de financement sur les marchés financiers. Car oui, en particulier depuis la loi de 1973 reprise dans l'article 104 du traité de Maastricht et l'article 123 du traité de Lisbonne, la France ne peut plus de financer auprès de sa banque centrale. Concrètement, cela signifie que l'Etat français est contraint d'emprunter de l'argent sur les marchés financiers à des taux se situant pour l'instant autour de 3 % mais qui sont bien évidemment susceptibles d'évoluer. Et dans le même temps, comble de l'ironie mais logique libérale oblige, la BCE (Banque Centrale Européenne) a, ces derniers mois, mis à disposition des banques privées environ 1 000 milliards d'euros au taux de 1 %. Somme que ces mêmes banques se sont empressées de reprêter plus cher aux Etats, réalisant au passage des marges plus que confortables.
 
Enfin, toujours dans cet article, il nous est suggéré, en filigrane et de manière subtile, que la France n'arriverait pas à s'en sortir seule, que son destin est tracé sans possibilité d'en changer. Ainsi, on nous raconte que les marchés ne feraient plus confiance à la France et qu'il faudrait s'en remettre à Bruxelles et au FMI avant de se faire saigner comme des gorets. En somme, on cherche à nous préparer doucement à une situation à la grecque qui consiste à essorer le peuple pour sauver un système financier coupable qui ne se remet pas en question.
 
Bref, il ressort de cet article une vision pessimiste de la situation, certes problématique, de notre pays. Selon Axel de Tarlé, mais c'est aussi le sentiment de bien d'autres personnes, la France est condamnée d'avance.
Or je ne pense pas que notre sort soit scellé. Pas tant que nous ne l'avons pas décidé en tout cas. Je crois fermement à l'action de l'Etat, je crois à la primauté du politique sur l'économique. Bref je crois qu'un changement est possible.
 
Mais je parle d'un vrai changement. Pas d'un changement à la Sarkozy qui change de cap comme de chemise. Ni d'un changement à la Hollande qui se résume à de l'antisarkosysme primaire. Je parle d'une modification en profondeur de notre modèle de société et du système en place.
 
Pour rebondir sur les critiques émises précédemment, il me semble impératif de prendre les mesures qui s'imposent pour mettre un terme à ces aberrations. En premier lieu, il est nécessaire que notre pays recouvre sa souveraineté monétaire, c'est-à-dire le pouvoir de battre monnaie. Ou autrement dit la possibilité de se financer directement auprès de la banque centrale. Les Allemands étant opposés à un tel mécanisme, il est donc impossible de recourir à la BCE. Reste alors la solution de la Banque de France, ce qui suppose évidemment un retour aux monnaies nationales donc une sortie de l'euro.
 
Par ailleurs, il est clair que notre pays, mais ce n'est évidemment pas le seul, souffre du carcan européen dans lequel il s'est laissé enfermer. Une renégociation des traités actuels pour aboutir à une europe des nations dans laquelle les souverainetés nationales seraient respectées doit alors être à l'ordre du jour. En cas de refus de nos partenaires, une mise en retrait pure et simple doit être envisagée.
 
Alors bien sûr de telles solutions peuvent faire peur. D'ailleurs, les candidats des deux grands partis cherchent par tous les moyens à attiser et entretenir ces craintes pour éviter tout débat et tuer dans l'œuf l'émergence d'une alternative. Mais en y réfléchissant bien, en se documentant quelque peu sur le sujet, il apparaît que ces mesures ne sont pas utopiques ni extrémistes. Partout en europe ces idées commencent à faire leur chemin et il y a fort à parier que l'action de la France ferait boule de neige, notamment dans les pays du sud, qui sont pris à la gorge par les plans d'austérité imposés par la troïka (BCE, FMI, commission).
 
Dans l'Histoire de l'humanité des précédents existent (Tchécoslovaquie, Argentine ...). Et il ne faut pas oublier que d'autres Etats membres de l'UE (Angleterre, Suède ...) ne sont pas dans la zone euro et ne s'en portent pas forcément plus mal. Une fois de plus tout est question de volonté et de courage politique.
 
A quelques jours de l'élection présidentielle, les Français doivent faire un choix. Soit continuer comme avant avec quelques changements à la marge, soit opérer un virage avant de foncer dans le mur. C'est donc en conscience qu'il faudra trancher entre alternance et alternative. Et ne vous y trompez pas, le seul vote utile c'est le vote pour vos convictions.

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