dimanche 24 avril 2011

Arrêtons de brandir la menace d'un nouveau 21 avril !

Jeudi dernier, cela faisait neuf ans jour pour jour que le FN s'est qualifié au second tour de l'élection présidentiel. En effet, le 21 avril 2002 Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour, ce qui conduit à un duel entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, largement remporté par le premier avec un score stalinien (82,1 %).
Pour ce neuvième anniversaire donc, un site internet dédié a été créé. Celui-ci relaie ainsi un appel visant à obtenir une candidature unitaire à gauche.
 
Disons le clairement je trouve stupide l'idée d'avoir un unique candidat, que ce soit à gauche ou à droite. Effectivement, il me semble préférable que chacun puisse exprimer son opinion par le biais d'un certain pluralisme politique, ce qui s'oppose bien évidemment à la conception de rassemblement unitaire dès le premier tour. Au contraire, il me semble souhaitable voire même nécessaire d'avoir des candidats de sensibilités différentes dans toutes les élections.
 
Alors bien sûr la date de parution de cet appel n'est pas anodine. De fait, celui-ci fait ostensiblement écho à l'élection présidentielle de 2002 dans laquelle la gauche n'a pas participé au second tour. Les auteurs de ce texte souhaitent ainsi éviter la multiplication de candidatures et donc un phénomène de division, jugé responsable de l'échec de Jospin en 2002. De fait, Jean-Pierre Chevènement et Christiane Taubira, en particulier, ont été accusés d'avoir sabordé les chances du PS après sept années de Chiraquisme.
 
N'ayant pas personnellement suivi la campagne présidentielle à l'époque, mon opinion est à relativiser. Néanmoins, je ne pense pas que l'échec de Lionel Jospin soit entièrement imputable à la présence d'autres candidats de gauche. En effet, il me semble trop facile de rejeter la faute sur les autres sans analyser, par ailleurs, ses propres faiblesses (bilan, programme ...). En outre, on peut se demander si ces candidatures dissidentes ne venaient pas justement combler un manque programmatique voire idéologique.
 
Mais cessons de parler du passé pour revenir à notre époque et plus particulièrement à 2012.
Cet appel qui se veut humaniste, rassembleur ... est en fait un moyen de faire barrage à Marine Le Pen afin de l'empêcher d'accéder au second tour en capitalisant toutes les voix à gauche. 
Selon moi, cet objectif est doublement contre-productif.
D'une part, les auteurs partent du principe que les électeurs de gauche accepteront bien gentiment de voter pour le candidat qui aura été désigné. Permettez-moi d'en douter. Je ne suis pas convaincu qu'un partisan de Jean-Luc Mélenchon vote pour DSK et inversement, tout du moins pas au premier tour. En outre, cela pose également la question des désistements en faveur d'un autre, d'où des problèmes d'ego en perspective.
D'autre part, je ne trouve pas qu'un tel comportement soit très démocratique ni très moral (encore que la morale en politique ne soit plus chose très répandue). Ainsi, je ne comprends pas que des partis qui se disent porter des valeurs participent avec autant d'engouement à une telle chasse aux sorcières.
 
Car oui il semble bien que Marine Le Pen fasse l'objet d'une véritable cabale à son encontre. Effectivement, la leader frontiste est condamnée d'emblée, sur la base d'a priori et d'amalgames. Je crois alors que cette dernière est victime de l'héritage de son père et de son parti. Pour autant, je ne pense pas que cela soit complètement fondé dans la mesure où il apparaît que la fille Le Pen cherche à dédiaboliser le FN, tant dans les mots que dans les actes (expulsion de membres indésirables, révision programmatique ...).
Malgré tout, je ne donne pas un blanc-seing à Marine Le Pen. Je me suis d'ailleurs déjà exprimé sur le sujet dans un précédent article. En revanche, je dois reconnaître que je suis avec attention l'évolution de ce parti. Cela s'explique notamment par le fait que celui-ci a repris un certain nombre de thèmes dans lesquels je me reconnais, en particulier au niveau économique et social.
De plus, et quoi que l'on en pense, le FN est aujourd'hui la troisième formation politique de notre pays et mérite donc, de ce fait, d'être pris en compte dans les analyses politiques. Cela est d'autant plus vrai que le vote FN est de plus en plus un vote d'adhésion qui séduit 36 % des ouvriers (sondage IFOP pour le JDD) et tend à se développer dans toutes les classes sociales.
 
Aujourd'hui, nous en sommes arrivés à un point où nos politiques sont dans l'opposition permanente (à Nicolas Sarkozy, à Marine Le Pen ...) et non plus dans la proposition qui est l'essence même de la politique. De plus, il apparaît assez clairement que le fossé entre le peuple et les élites est en croissante augmentation, ce qui renforce à la fois le rejet de nos dirigeants et le succès de Marine Le Pen.
 
Au final, brandir la menace d'un nouveau 21 avril me semble être une hérésie tant cela ne repose sur rien de factuel. En effet, soit le FN est un parti dangereux et anti-républicain et auquel cas il faut l'interdire soit le FN est un parti "classique" et il faut alors arrêter de le diaboliser à outrance.
Je peux tout à fait concevoir que des individus aient des opinions différentes. Néanmoins, j'ai plus de mal avec les bien-pensants qui veulent nous imposer leurs dogmes et crachent sur ceux qui réfléchissent différemment.
 
Pour moi, la présence de Marine Le Pen au second tour l'élection présidentielle de 2012 ne serait pas un danger pour notre pays. De fait, cette dernière ne me semble pas être une dictatrice qui ambitionne de faire un coup d'Etat et de remettre en cause nos institutions. Un nouveau 21 avril ne serait donc pas une menace en soi mais traduirait plutôt l'échec de l'UMP et du PS qui n'auraient pas su répondre aux attentes légitimes des Français. 
En 2002, l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour a été une surprise pour tout le monde. En 2012, un tel succès pour sa fille ne surprendrait personne ... et serait un débouché logique pour la contestation actuelle.

2 commentaires:



  1. Je suis également pour considérer le FN comme un parti classique. Mais mon inquiétude se concentre sur les risques pour l'économie française. Car si il y a une inertie qui nous empêcherait de
    plonger en cas d'élection de Marine, il me semble que le FN prendrait de nombreuses décisions aqui ferait du mal au pays. Bien que non économiste, je me réfère au dossier de Challenges qui a
    qualifié leurs propositions. Si l'analyse est juste, ce ne serait pas la réponse attendue aux défis qui nous attendent...



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  2. J'ai également lu l'article de Challenges qui traitait du programme économique du FN. Personnellement, je reste dubitatif sur leurs conclusions tant elles semblent parti pris.


    Je crois au contraire que Marine Le Pen, et d'autres, ont bien posé le constat des difficultés de notre pays. D'ailleurs, j'ai bien l'impression que ce constat fait plus ou moins consensus dans
    la classe politique.
    En revanche, ce sont les solutions à apporter qui divergent. Selon moi, ces propositions vont dans le bon sens et constituent un tout. En outre, celles-ci sont partagées par différents
    économistes et hommes politiques.


    Pour autant, il est clair que ces mesures tranchent clairement avec le dogme européiste en vigueur. Me semblant vain de persister dans la même direction, je pense donc qu'il faut changer de cap
    et ce de manière assez rapide et radicale.


    Malgré tout, je ne suis pas naïf et il est très improbable que le FN accède au pouvoir en 2012. Et même dans le cas contraire, il y a fort à parier qu'il y aura une forte résistance qui limitera
    considérablement les marges de manoeuvre de la nouvelle présidente.



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