mercredi 30 mars 2011

Non les électeurs FN ne sont pas des gros cons !

"Sophia Aram doit sûrement regretter la chronique du 23 mars sur France Inter dans laquelle elle qualifiait les électeurs du Front National de “gros cons”. Cible d’insultes et de menaces, là voilà réduite à se faire accompagner lorsqu’elle se rend à France Inter, si l’on en croit Le Parisien. Sans compter l’insulte de Guy Carlier, qui l’a traitée, dans sa chronique matinale, sur Europe 1, deux jours plus tard, de “petite conne”.
Sans attendre que Guy Carlier se mêle de l’affaire, le Front National avait réagi par voie de communiqué et laissé entendre qu’il pourrait saisir le CSA. Il n’en a rien fait pour l’instant, nous a assuré une source interne au conseil. Celui-ci ne s’est pas moins saisi de l’affaire, ému par “plus de 150 mails de protestation, mais aucun courrier du FN”. Moralité: le CSA examinera donc, dès demain, mercredi 30 mars, la chronique en question."
Source : nouvelobs.com

Après Stéphane Guillon, voila que la nouvelle chroniqueuse de France Inter, Sophia Aram, se fait reprendre et provoque la polémique. Décidément, cette radio n'a vraiment pas de chance avec ses humoristes. Mais peu importe, je me contrefiche de ces individus qui, je dois le reconnaître, ne me font pas rire.
Ce qui m'intéresse davantage est le fond des propos en question. Autrement dit, les électeurs du Front National sont-ils des "gros cons" ?
 
Avant de rentrer dans le vif du sujet, j'aimerais m'attarder quelques instants sur le principe même de la démocratie. Certains considèrent que ce système est peu satisfaisant et qu'il conviendrait de le faire évoluer. Cet avis peut éventuellement s'entendre mais alors quelle alternative mettre en place ? Car comme disait Churchill, "la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres". Ce système, bien qu'imparfait, reste donc à l'heure actuelle la base de nos sociétés et permet, quoi qu'on en dise, une expression populaire libre.
Personnellement, je ne suis pas sûr que ce soit la démocratie qui soit en cause mais plutôt l'usage que l'on en fait. Je rappellerais seulement deux éléments afin d'appuyer mes propos : la forte abstention lors des élections et la violation du Non au référendum relatif au Traité Constitutionnel Européen (TCE).
 
Mais revenons-en à nos moutons. Dans son billet, la soi-disant humoriste a sciemment insulté des électeurs. Dans un premier temps, il me semble nécessaire de laisser de côté la nature même du vote incriminé. En effet, nous sommes dans un pays qui garantit la liberté d'expression et le pluralisme politique. Chacun est donc libre de voter pour le parti qu'il veut et ce choix, quel qu'il soit, doit être respecté et pris en compte.
Il me paraît donc anormal et est même illégal de discriminer un individu sur la base de ses convictions politiques. Cette "règle" est évidemment valable pour toutes les formations politiques, y compris celles qui sont jugées extrèmistes.
 
Lors de ces dernières cantonales, chacun a pu voir que le Front National a rencontré un certain succès. Cela voudrait-il dire que le nombre de "gros cons" a explosé en ce mois de mars ? Evidemment non et il serait préférable de comprendre les raisons de ce vote.
Selon moi, il est clair que l'électorat FN est hétérogène. On peut ainsi y retrouver des individus d'âge et de classe sociale divers. De plus, ce bulletin peut exprimer un vote d'adhésion mais également de contestation et de protestation (au même titre que l'abstention) en direction du pouvoir en place ou plus largement à l'adresse de la classe politique en général.
Réduire les électeurs du Front National uniquement à des nostalgiques du régime de Vichy et de l'Algérie française ou alors à des racistes et xénophobes en puissance serait alors stupide et très éloigné de la réalité. En effet, il ne faut pas oublier qu'une grande partie de la classe ouvrière, et plus récemment des employés, s'est détournée de la gauche (particulièrement du PCF) pour renforcer le score du FN. D'ailleurs, la prise de pouvoir de Marine Le Pen a accentué et accéléré ce transfert, notamment du fait de son image plus "édulcorée".
 
Mais attention, ce n'est pas parce que je peux comprendre ces personnes que je ferai de même lors des prochaines élections. Alors bien sûr, je dois reconnaître que le FN version Marine reprend un certain nombre de thèmes que j'affectionne, en particulier au niveau économique et social. J'ajouterais même que la leader frontiste défend des positions proches de mes idées (Etat fort, défense des services publics, protectionnisme ...). Lui accorder ma voix semblerait alors logique, ou tout du moins cohérent.
Pour autant, il s'avère qu'à l'heure actuelle certains éléments font que je ne le peux pas.
Tout d'abord, je ne suis pas certain de la sincérité du virage pris par ce parti, alors même que son programme économique et social pour la présidentielle de 2007 était presque totalement le contraire des prises de positions de Marine.
Ensuite, je crois qu'il ne faut pas être naïf quant à l'évolution même des structures du parti. Effectivement, il semble clair qu'une partie des cadres et militants ne sont pas sur la même ligne que la chef du parti. Or, en cas d'accession au pouvoir, ces mêmes individus seront appelés à prendre des responsabilités. Aussi, qui peut croire que Bruno Gollnisch est tout à coup devenu un fervent étatiste ? De plus, la récente polémique autour du salut nazi d'un responsable local du FN ne fait que renforcer cette idée et n'est en aucun cas rassurante.
Enfin, il subsiste toujours dans la sémantique des dirigeants et surtout dans leur programme et leur logiciel idéologique des sujets qui sont pour moi rédhibitoires. Je pense, entre autres, à la fixette sur l'immigration ou l'islam ou encore à la préférence nationale.
Pour toutes ces raisons je ne souhaite pas mettre un bulletin Front National dans l'urne. Néanmoins, je ne souhaite pas jeter la pierre à ceux qui le font tant je peux comprendre leur geste.
 
Hier le Front National était largement diabolisé et son audience était fortement limitée. Aujourd'hui les choses ont changé, notamment du fait de la déception et du dégoût provoqués par nos dirigeants ces dernières années. Malgré une évolution idéologique (de façade ?), le FN n'en reste pas moins le FN avec le spectre de son fondateur et sa longue histoire depuis sa création en 1972.
Pour autant, chacun doit être conscient de l'essor médiatique et électoral de ce parti. Bien que ce dernier ne soit pas le mal absolu ni un danger pour la République, il me semble préférable de chercher à l'affronter. Toutefois ce combat doit avoir lieu sur le terrain des idées et des valeurs et non plus "à l'ancienne" comme cela était le cas du temps de François Mitterrand.
Cela ne signifie pas de chasser sur les terres du FN comme le fait l'UMP mais cela ne consiste pas non plus à refuser le débat sur certains sujets ou problèmes comme le fait le PS. En outre, le FN ne doit en aucun cas être un étalon ou un quelconque baromètre.
Pour moi la meilleur façon de lutter contre le FN est de lui opposer de vraies réponses alternatives et crédibles aux thèmes qu'il aborde afin de démontrer que ses solutions imparfaites, voire même contre-productives.

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