jeudi 2 février 2012

Après l'austérité de droite et de gauche, voila la rigueur du centre

Mercredi 1er février, François Bayrou a présenté 20 propositions pour redresser le pays avec comme thème "contre le surendettement, tout pour l'emploi".
Si le candidat centriste est effectivement plus réaliste en termes de croissance anticipée pour les années à venir, celui-ci, malgré ses dires, nous promet un avenir assez similaire à celui que nous offrent Nicolas Sarkozy et François Hollande. En effet, le Béarnais, dans la veine du PS et de l'UMP, ne remet pas en cause le système actuel et s'inscrit complètement dans sa continuité. Augmentation d'impôts (pour 50 milliards) et baisse des dépenses publiques (pour 50 milliards), voilà ce que nous propose François Bayrou.
Revue de détail des principales mesures avancées.
 
- Coup de rabot de 20 milliards en 3 ans sur les niches fiscales
Il serait idiot de ma part de critiquer une telle mesure puisque j'en suis moi-même partisan. En revanche, le parti pris d'une baisse généralisée, donc aveugle, est stupide. Je crois au contraire qu'il convient d'analyser  ces niches fiscales, mais aussi sociales, les unes après les autres et de se prononcer sur leur sort : soit elles sont légitimes et efficaces et alors on les maintient en l'état, soit elles sont inutiles et on les supprime totalement. Arrêtons cette frilosité qui consiste à ménager la chèvre et le chou, pour au final perdre sur les deux tableaux, et tranchons, pour une fois, dans le vif.
 
- Augmentation de la TVA de deux points sur 3 ans
Sur le principe je ne suis pas opposé à l'utilisation du levier de la TVA. Néanmoins, et du fait de l'absence de contrepartie du type baisse des cotisations sociales, cela revient à faire payer aux consommateurs, donc au peuple, les conséquences d'une crise dont ils ne sont pas responsables. Il serait alors préférable d'aller prioritairement chercher l'argent là où il se trouve plutôt que de faire les poches de ceux qui souffrent.
 
- Modification des tranches de  l'impôt sur le revenu : 45 % au lieu de 41 % actuellement et création d'une tranche à 50 % pour les revenus supérieurs à 250 000 €
Pas grand-chose dire sur cette mesure si ce n'est qu'elle ne va pas assez loin à mon goût. Pourquoi se limiter à 50 % et ne pas créer davantage de tranches afin de rétablir une réelle progressivité de l'impôt ? Roosevelt l'avait d'ailleurs fait à partir de 1932 avec un taux marginal de 91 %.
 
- Inscription de la règle d'or dans la constitution et soutien au traité européen qui l'impose aux Etats membres
On reconnaît bien là le côté béni oui-oui européiste de Bayrou. C'est d'ailleurs là son plus gros point faible dans la mesure où il veut gouverner la France tout en remettant ses prérogatives entre les mains de l'Union Européenne. D'après lui, point de salut hors de l'Europe ce qui est, selon moi, une bêtise sans nom.   
S'agissant de la règle d'or, cela reviendrait à renoncer à toute marge de manœuvre en termes de politique budgétaire. Est-ce bien raisonnable alors même que notre pays s'est déjà vu confisquer sa souveraineté monétaire ?
 
 - Création d'un commissariat national aux stratégies
Il s'agit là de l'héritier du commissariat au plan supprimé sous Jacques Chirac. Je ne peux qu'abonder dans le sens du centriste tant je pense que l'Etat se doit d'avoir une vision à long terme dans les politiques qu'il met en œuvre. Cela tranche largement avec ceux qui considèrent que le terme "planification" est un gros mot qu'il faut bannir.
 
- Mise en place d'un avantage fiscal pour les grandes entreprises qui investissent dans les PME
Une fois de plus, et en cela François Bayrou n'est pas le seul, nos politiques veulent exonérer d'impôts les entreprises qui ne font, ni plus ni moins, que de jouer leur rôle. Cessons de multiplier les avantages fiscaux pour encourager des conduites normales. A l'inverse, utilisons la sanction pour corriger les comportements déviants. Car dans la métaphore de l'âne, s'il existe effectivement la carotte, le bâton n'en est pas moins présent.
 
- Création de banques d'économie mixte décentralisées de soutien aux PME
Voila une mesure qui revient de manière quasi-systématique dans les programmes de la plupart des candidats. Une nuance toutefois ici puisque le privé serait associé au public. Alors volonté de contenir les dépenses publiques ou méfiance/défiance vis-à-vis des sociétés publiques de la part de l'ancien président de l'UDF ?   
 
- Création d'un livret d'épargne industrie
Venant en complément du livret A, servant à financer le logement social, et du livret de développement durable, ce nouveau livret serait effectivement une idée intéressante et doublement profitable : pour les épargnants et pour les entreprises en bénéficiant. A surveiller néanmoins la gestion qu'en feront les banques.
 
- Négociation nationale autour de la rénovation du climat social dans l'entreprise et négociation au niveau des entreprises et des branches
Là encore on remarque la prise de distance du président du Modem avec l'Etat. Ainsi, celui-ci, de même que François Hollande, souhaite privilégier les négociations au niveau local. Sur le principe je ne vois pas d'objection particulière. Toutefois, il me semble indispensable que l'Etat joue un rôle en termes de droit du travail, en particulier afin d'éviter toute dérive liée à un rapport de force défavorable aux salariés.
 
- Négociation des conditions de travail et des rémunérations par les CE
Cette proposition va dans le même sens que la précédente puisqu'elle encourage des négociations au niveau de chaque entreprise. Elle va toutefois plus loin en donnant davantage de prérogatives aux comités d'entreprise. On risque alors d'aboutir à une disparition progressive, et déjà bien entamée, des syndicats dans les entreprises. De là à penser que cela constitue un objectif caché ...         
 
- Présence des salariés dans les conseils d'administration
François Bayrou ne pouvait évidemment pas passer à côté de cette proposition tant elle a été reprise par tous les candidats. Il s'agit là d'une évolution logique et souhaitable de la gouvernance des sociétés et d'un réel progrès pour les salariés. Il aura pourtant fallu attendre plus de 40 ans pour que l'idée de participation, chère au général de Gaulle, revienne sur le devant de la scène.
 
- Mise en place d'un crédit impôt innovation
Pendant du crédit impôt recherche (CIR), ce crédit d'impôt innovation me paraît être une bonne  chose. Il faudra néanmoins veiller à ce que celui-ci soit accessible à toutes les entreprises, en particulier les PME, et que son usage ne soit pas détourner. Je pense notamment aux dérives du CIR qui a conduit à faire supporter au contribuable des recherches en finance sur le moyen spéculer plus efficacement.
 
- Création d'un statut privilégié, notamment fiscal, pour les business angels
Il est tout de même surprenant que François Bayrou souhaite diminuer les niches fiscales d'un côté et que de l'autre il se prononce en faveur de la création de multiples autres avantages fiscaux pour les entreprises. Je ne souhaite pas remettre en cause le système de business angels mais l'Etat a-t-il vocation à prendre en charge les pertes de ces organismes, alors même que les gains réalisés sur ces opérations sont parfois faramineux. Par ailleurs, pourquoi aligner le régime des business angels sur celui des "private equity" (cf détails des propositions de François Bayrou) et non faire le contraire ?
 
- Inscrire le produire en France dans le cadre d'une politique industrielle européenne
Je parlais tout à l'heure de "béni oui-oui européiste" et il semblerait bien je ne me trompais pas. En effet, comment François Bayrou peut-il parler de politique industrielle européenne alors même que celui-ci a signé tous les traités qui interdisent les aides directes aux entreprises et qui prônent le libre-échange et la concurrence libre et non faussée ? L'Union Européenne, en son état actuel, mène une politique totalement contraire aux intérêts industriels des États membres. Donc soit Bayrou est d'une incroyable malhonnêteté intellectuelle, soit il vit dans le monde des Bisounours. Et je ne sais pas laquelle des deux solutions est la plus rassurante.    
 
- Exonération de charges patronales pendant deux ans dans les entreprises de moins de 50 salariés qui embauchent un jeune ou un chômeur en CDI
Encore une fois le président du Modem nous propose une énième exonération de charges. Comme si les exonérations massives et répétées de ces dernières décennies avaient permis de créer des emplois. Combien de temps va-t-il encore falloir à nos dirigeants politiques pour comprendre que les charges sociales, donc le coût du travail dans une certaine mesure, ne sont pas la cause principale du chômage dans notre pays ? Cette course vers toujours plus d'exonération, outre son inefficacité économique, conduit à amputer l'Etat d'une partie considérable de ses recettes.
Le levier fiscal n'est pas l'unique moyen de lutter contre le chômage. D'autres outils existent (politique monétaire, protectionnisme ...) mais encore faut-il que la volonté politique de s'en servir existe. Ce qui ne semble pas être le cas des principaux partis de ce pays. 
 
Au bout du compte, le programme économique de François Bayrou me paraît décevant puisqu'il consiste, fondamentalement, à réutiliser les mêmes recettes qui ont déjà montré leur inefficacité par le passé. Aucune nouveauté donc de la part d'un homme qui se veut une alternative à François Hollande et Nicolas Sarkozy alors qu'il ne constitue qu'une copie similaire, si ce n'est conforme.
Car c'est bien la rigueur et l'austérité que nous offrent ces trois candidats. Certes la forme peut changer mais, sur le fond, rien ne les distingue vraiment ou alors de manière homéopathique. Avec de tels programmes, il est clair que l'abstention et Marine Le Pen ont de beaux jours devant eux ...

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