jeudi 23 février 2012

Licencier plus pour gagner plus

Il y a quelques jours maintenant, une enquête du cabinet Proxinvest sur les salaires des dirigeants du CAC40 est parue. Que nous apprend-elle ? Tout simplement que la rémunération de ces grands patrons a cru, en moyenne, de 34 % en 2010. Pour avoir un ordre d'idée, Jean-Paul Agon (L'Oréal) a touché 10,7 millions d'euros, Carlos Ghosn (Renault) 9,7 millions d'euros et Franck Riboud (Danone) 7,7 millions d'euros.
Cela étant, où est le problème me direz-vous ? Certes il n'est pas anormal de gagner beaucoup d'argent, en particulier en cas de grosses responsabilités. De plus, ces rémunérations n'ont pas été volées puisqu'elles ont été validées par un conseil d'administration. Malgré tout, je crois que cette étude pose au moins trois questions.
 
La première concerne le niveau même des rémunérations. En effet, j'ai beaucoup de mal à comprendre ce qui justifie de tels émoluments. D'importantes responsabilités ? D'accord. Un gros volume de travail ? Certainement. Mais tout de même, on parle là de plusieurs millions d'euros par an. A titre de comparaison, le SMIC annuel brut est de seulement 16 780 euros.
 
La seconde a trait aux stratégies menées par ces dirigeants ainsi qu'aux performances de leurs entreprises respectives. Il apparaît clairement que les multinationales françaises ont sciemment opté pour une politique de délocalisations dans une logique de réduction massive des coûts, notamment salariaux. En somme, ces personnes, qui sont en fait des mercenaires de type "cost killer", sont grassement rémunérées dans un seul et unique but : satisfaire l'avidité des actionnaires. L'emploi et la cohésion sociale font alors pâles figures face à la rentabilité et le profit.
 
La troisième est relative à l'équité et la justice sociale. Car au-delà de leur exorbitante rémunération, il ne faut pas oublier que ces grands patrons ne payent que peu d'impôts, en raison du jeu des différentes niches ou pire grâce à l'évasion fiscale.
 
Pour résumer, on se trouve actuellement dans une situation où des grands patrons payés à coup de millions d'euros œuvrent aux dépens de leur entreprise pour créer chômage et précarité en France. Et tout cela bien évidemment avec la complicité plus ou moins active de la caste politique au pouvoir.
 
Rendez-vous bien compte des aberrations auxquelles on assiste. Et en cela l'exemple de Renault est parfait. Récemment, le constructeur automobile a inauguré une usine au Maroc, où les salaires sont nettement moins élevés, dans le but de produire des véhicules destinés au marché européen. Sous prétexte de faire des économies et donc de favoriser les actionnaires, Renault, entreprise française dont l'Etat possède 15 %, encourage le dumping social et la concurrence entre les peuples.
Mais ne peut-on pas se demander alors s'il serait préférable de fabriquer des voitures dans le pays de destination ? Carlos Ghosn ne pourrait-il pas renoncer à une partie de sa rémunération pour créer des emplois en France ? Ou mieux, ne peut-on pas délocaliser le poste de PDG dans un pays low-cost afin d'avoir un patron qui coûte moins cher ?
 
Plus sérieusement, avec de tels comportements, je crois qu'il ne faut pas s'étonner que le patronat soit si peu considéré, voire même détesté, par une large majorité de Français. Si ceux-ci souhaitent alimenter encore un peu plus la lutte des classes alors il faut continuer en ce sens.
Il faut toutefois faire la part des choses, je crois, entre petits entrepreneurs dans les TPE et PME et grands patrons de sociétés cotées. De fait, l'amalgame ne me semble pas possible, ni souhaitable, entre les premiers qui créent de l'emploi et de la richesse dans notre pays et les seconds qui ne sont que des suppôts de la finance au service du grand capital.
 
C'est donc envers cette dernière catégorie qu'il faut prendre des mesures coercitives. Cela passe notamment par la mise en place d'un salaire maximal dans les entreprises, l'instauration d'un écart réglementé entre le salaire le plus faible et celui le plus élevé ou encore la création de tranches d'impôt sur le revenu supplémentaires.
 
Car ce n'est que par plus d'équité et de justice sociale que nous recréerons la cohésion nécessaire pour redresser notre pays. C'est par le retour d'un interventionnisme économique de l'Etat que nous pourrons retrouver emploi, croissance et prospérité.

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