mercredi 1 février 2012

Les Etats généraux du Renouveau - Partie 3

Après les débats du vendredi, voici maintenant ceux du samedi.
 
- L'Europe, un bouc émissaire ?
Stéphane Cossé (économiste, membre du think tank Europa Nova) - Pervenche Bérès (député européenne socialiste) - Philippe Jurgensen (Président de la Ligue de Coopération Européenne) - Modérateur : Jean-Marie Cavada (député européen Nouveau Centre, président du Mouvement Européen)
 
- Europe, quel pouvoir économique ?
Costas Botopoulos (ancien député européen Pasok, président de l'équivalent de l'AMF en Grèce) - Jean-Louis Bourlanges (ancien député européen UDF, enseignant à IEP Paris) - Guntram B. Wolff (économiste allemand) - Modérateur : Stéphane Boujnah (président du think tank En temps réel)


J'ai choisi de faire un commentaire général sur ces deux débats car finalement ceux-ci sont assez proches, ou tout du moins les postions et propos des différents intervenants. Globalement, trois thèmes ont été abordés : le désamour des peuples pour l'UE, la crise des dettes souveraines et en particulier le cas de la Grèce et l'organisation, la gouvernance de l'UE.
Fondamentalement, et c'est l'aspect essentiel voire unique qui ressort de ces débats, tous les participants sont d'accord sur le fait que l'Europe actuelle est critiquable, que son fonctionnement n'est pas optimal … Le constat est partagé par tout le monde, dont moi-même. Mais là où je ne suis plus d'accord c'est lorsque l'on aborde la question des solutions. Quel que soit le débat, un consensus a eu lieu pour invoquer un fédéralisme européen. L'Europe n'irait pas bien car il n'y aurait pas assez d'Europe et car les Etats des freins voire mêmes des boulets pour certains. En somme, les intervenants appelaient de leurs vœux la création des Etats-Unis d'Europe.
Je ne vais pas m'étendre indéfiniment sur le sujet tant j'ai déjà longuement et à plusieurs reprises exprimé mes positions. Je dirais simplement, et c'était l'objet de la question que j'ai posé durant le premier débat, que cette Europe souffre d'un grand déficit démocratique (commission non élue, viol du non au référendum de 2005, mise sous tutelle des budgets nationaux, remplacement de dirigeants élus par des technocrates en Italie et en Grèce …). Or je suis persuadé que l'Europe ne peut pas se faire sans les peuples comme c'est le cas actuellement. De plus, je crois que c'est au niveau national, donc à l'échelle des Etats, que l souveraineté s'exprime le mieux. Il est donc illusoire et même dangereux de croire que nous pourrons regrouper au sein d'une même super-entité des pays avec des cultures, des langues, des Histoires différentes.
Je terminerai par quelques brefs commentaires sur des propos tenus au cours du second débat. Il a été émis le souhait, ou plutôt l'objectif, d'avoir plus de croissance et moins de dette. Bien évidemment il faudrait être fou pour vouloir le contraire. En revanche, c'est sur la manière d'y arriver que j'ai doutes. L'austérité et la rigueur ne sont pas des solutions, comme cela a été avancé, mais bien des problèmes qui nous entrainent dans un cycle infernal de récession. S'agissant de la dette, il me semble impératif de revenir à un financement direct des Etats par la banque centrale (BCE ou banques centrales nationales) en renationalisant le pouvoir de création monétaire. Pour la croissance, je crois que c'est par la relance, donc par une politique keynésienne, que le moteur économique pourra être relancé. Cela implique donc en particulier des augmentations de salaire et non une rigueur salariale de type allemande comme cela est proposé par nos dirigeants.
 
- Peut-on encore produire en France ?
Pascal Canfin (député européen EELV) - Gérard Mancret (ancien président de la CGPME Isère, ancien chef d'entreprise) - Jacques Rigaudiat (économistes, membre de la fondation Copernic) - Modérateur : Vincent Giret (Libération)
Il est un fait que je ne connaissais pas forcément mais qui est tout à fait intéressant : la France réalise 2/3 de son commerce extérieur au sein de l'Union Européenne, notamment avec l'Allemagne et l'Italie.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'UE est la première zone économique du monde et qu'elle représente 500 millions de consommateurs. En somme, et pour faire court, l'UE est capable de tenir tête à la Chine et aux Etats-Unis si tant est qu'elle en a la volonté. Je rajouterais également que l'europe latine (France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Belgique) représente à elle seule environ 200 millions d'habitants.
Mais revenons-en à nos moutons. Depuis maintenant une trentaine d'années la France s'est engagée dans un processus de désindustrialisation, initialement impulsée par Valéry Giscard d'Estaing puis subie par la suite. Petit à petite, la France est donc passée d'une nation industrielle de premier plan à une société de services, notamment en raison d'une volonté de tertiarisation de l'économie. Pour autant, ce phénomène est-il inéluctable ? Personnellement je ne le crois pas. Un changement de cap est bien évidemment possible, certes pas à court terme puisqu'il s'agit d'un mouvement de fond, dès lors que l'on s'en donne les moyens. Et je crois que cela passe par une forme de protectionnisme, comme le font toutes les autres économies du monde (Chine, Inde, Etats-Unis, Brésil …). Pour l'Europe serait-elle alors la seule zone de libre-échange intégral, la grande perdante de la mondialisation alors que tous les autres se protègent ? Si ce n'est par dogmatisme bien sûr.
On nous cite souvent, et beaucoup trop à mon goût pour tout dire, l'Allemagne comme exemple à suivre. Alors effectivement ce pays est un exportateur de premier choix. Cela est tout à fait vrai. Mais il ne faut pas faire preuve de malhonnêteté intellectuelle en ne dévoilant qu'une partie de la réalité. Car la vérité, celle que l'on ne cesse de cacher, est que l'Allemagne réalise la majorité de son excédent commercial au sein de l'UE donc uniquement grâce à nous. La vérité est que l'Allemagne, tout comme la France, est en situation de déficit commercial vis-à-vis de la Chine. La vérité est que l'Allemagne exploite les ex-pays de l'est pour sous-traiter la fabrication des composants qui seront assemblés sur son territoire. La vérité est qu'il n'existe pas de salaire minimum en Allemagne entrainant la multiplication de jobs à 1 € de l'heure et donc la précarisation de l'économie. Voila ce qu'est réellement ce fameux modèle que l'on nous vante tant.
Mais je m'égare et m'éloigne de la question initiale. Oui je crois, je suis persuadé même que l'on peut encore produire en France. Mais pour cela il faut avoir le courage de l'affirmer et la volonté de prendre les mesures qui s'imposent. Je pense, comme je l'ai déjà dit, au protectionnisme mais cela implique également de soutenir nos PME, d'investir dans la recherche et l'innovation, de promouvoir auprès des entrepreneurs les qualités de notre pays (éducation, infrastructures, productivité ….). Car le coût du travail n'est pas l'alpha et l'oméga de la production. Cela serait trop facile. Bien d'autres critères entrent en ligne de compte et c'est à ce niveau, je crois, que la France a une carte à jouer.
 
- L'Etat a-t-il perdu face aux marchés financiers ?
Nicolas Baverez (économiste) - Guillaume Hannezo (ancien conseiller de François Mitterrand, membre des Gracques) - Karine Berger (économiste, proche de Hollande) - Modérateur : Vincent Giret (Libération)
Cela faisait quelques débats qu'il n'y avait pas eu de réelle opposition entre les intervenants et celui qui nous intéresse maintenant vient mettre un terme à cela. Alors bien sûr il ne faut pas croire que l'affrontement fut véhément, malheureusement et je regrette d'ailleurs l'absence de Jacques Généreux qui était initialement annoncé, mais cela permit tout de même d'assister à une légère contradiction.
De ce débat j'ai retenu une idée principale par intervenant, idée qui, je trouve, reflète finalement assez bien la pensée de son auteur. Ainsi, pour Nicolas Baverez, la "finance a une responsabilité majeure dans la crise mais pas exclusive". Il est alors nécessaire de "réguler la finance mais pas de la réprimer". Pour Karine Berger, "le système financier doit financer l'économie réelle" car c'est son métier. Néanmoins, malgré les discours de certains, "l'Etat n'a pas la volonté de lutter face aux marchés financiers". Enfin, selon Guillaume Hannezo, le remède à la crise est de faire un pas vers plus d'intégration européenne car les solutions mises en œuvre entre Etats actuellement ne marchent pas. Pour preuve, il constate que le défaut de la Grèce sur une partie de sa dette est finalement inutile puisque les marchés se rattrapent par la suite en prêtant à des taux d'intérêts plus importants.
Au final, et je remarque que c'est une relative constante dans les débats auxquels j'ai assisté, il me semble que les intervenants n'ont pas vraiment répondu à la question initiale. Personnellement, je crois effectivement que les Etats se sont couchés devant les marchés financiers qui ont pris le dessus, l'économique primant alors sur le politique. D'ailleurs, la meilleure illustration de cela, qui constitue pour moi l'un des plus gros échecs de l'Etat face aux marchés financiers, est la privatisation de la création monétaire. Au risque de me répéter, je rappelle que depuis la loi Pompidou-Giscard de 1973, reprise dans l'article 104 du traité de Maastricht et l'article 123 du traité de Lisbonne, l'Etat n'a plus le droit de se financer directement auprès de la banque centrale. Cela nous conduit alors à des aberrations ou plutôt des scandales moraux comme ce fut le récemment : en décembre dernier, la BCE et son président Mario Draghi (qui est, au passage un ancien dirigeant de Goldman Sachs) a prêté 500 milliards à 1 % aux banques privées alors que celles-ci financeront les Etats à des taux usuraires parfois supérieurs à 10 %. Il ne peut donc y avoir de réel affranchissement des marchés financiers tant que le financement des dettes souveraines sera subordonné à la bonne volonté des banques privées.
 
- Le capitalisme peut-il être régulé ?
Nathalie Arthaud (porte-parole de LO) - Jean Peyrelevade (proche de François Bayrou, ancien dirigeant du crédit lyonnais) - Modérateur : Philippe Douroux (Libération)
S'il était un débat qui pouvait s'avérer passionnant, c'était bien celui-là. En effet, il s'agissait d'un sujet totalement d'actualité opposant une candidate révolutionnaire à la présidentielle et un ancien banquier, plus ou moins proche de François Bayrou. Malheureusement, ce fut une nouvelle déception puisque la quasi-totalité de l'échange consista en un affrontement au sujet de l'URSS et du système soviétique.
Ce débat m'a toutefois permis de confirmer mon sentiment à l'égard de Nathalie Arthaud et de Lutte Ouvrière, auxquels j'ajoute par la même occasion Philippe Poutou et le NPA car pour moi c'est bonnet blanc et blanc bonnet. La seule différence étant, selon Nathalie Arthaud, que le NPA n'est pas un parti communiste. Un détail presque sémantique en somme. Mais passons. Je disais donc que ce débat m'a été utile, dans une certaine mesure, puisque celui-ci m'a permis de renforcer mon opposition totale aux idées de ce parti. Pour faire bref, Arthaud est contre la propriété privée et promeut la collectivisation des moyens de production. De plus, celle-ci tient un discours caricatural au possible, notamment sur le capitalisme.
Mais revenons-en au sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire la possibilité ou non de réguler le capitalisme. Avant tout, je crois qu'il est nécessaire de bien faire la différence entre "devoir" et "pouvoir". Très clairement, l'Etat doit impérativement réguler l'économie et la finance. Mais la question est de savoir si cela est réellement possible. A titre personnel je crois que oui. Et une fois encore cela ne pourra se faire à l'unique condition qu'il existe une volonté politique. En clair, si on veut on peut.
Alors allons un peu plus loin et intéressons-nous rapidement au "comment". Comme tout système, le capitalisme est susceptible d'aboutir à des excès et des dérives dès lors qu'il n'existe pas de règles visant à l'encadrer. C'est donc par un ensemble de règles que l'Etat doit réaffirmer son rôle. Mais une règle seule est inutile si elle ne s'accompagne pas de sanctions, sanctions qui doivent être suffisamment dissuasives. Parallèlement, il me semble également nécessaire de promouvoir les bons comportements, ou en réalité de décourager les mauvais (principe du renforcement négatif). Pour être concret, on peut prendre l'exemple de la taxe sur les transactions financières qui vise à lutter contre la spéculation. Mais tous ces éléments seront vains si les mesures ne sont pas effectivement appliquées. Car aujourd'hui la peur de la répression ne suffit plus. Seule la contrainte fera vraiment évoluer les choses. Comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs.

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