mercredi 28 mars 2012

Car le pédagogisme tue l'école


Une "quinzaine sans devoirs" à la maison : parents d'élève et enseignants lancent à partir de lundi 26 mars une campagne contre cette pratique qui perdure, malgré des doutes sur son "utilité".
Dans un communiqué, FCPE et ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne) rappellent que les devoirs écrits sont interdits dans le primaire depuis 1956. Les devoirs sont une "cause d'inégalités pour les enfants qui n'ont ni le temps ni les moyens d'être aidés", explique une responsable nationale à l'ICEM, partisan de la pédagogie Freinet, fondée sur l'expression libre des enfants.
Source : lemonde.fr
 
Comme nombre de sujets récurrents, la question des devoirs à la maison revient fréquemment sur le devant de la scène. Il n'est donc pas surprenant qu'une nouvelle charge soit conduite contre ceux-ci tant ils sont l'expression d'une opposition, d'un clivage plus large que ce point particulier.
 
Mais commençons tout d'abord par le cas qui nous intéresse et dont il est fait mention dans l'article. Évidemment la question des devoirs est polémique. Je dirais même plus qu'il s'agit d'un sujet de discorde important au sein des familles. Pour autant il serait trop simple d'invoquer ce seul argument pour les abolir.
 
Bien que les devoirs soient officiellement interdits en primaire depuis 1956, ce qui prouve que notre cadre législatif doit être réactualisé, je crois que ceux-ci sont légitimes et nécessaires. Ainsi, et ce pour des raisons différentes (effectifs, manque de temps, programmes trop denses ...), il n'est pas possible de réaliser l'intégralité du travail scolaire en classe, impliquant alors de le faire en partie à la maison. Par ailleurs, je considère que les devoirs, s'ils sont effectués correctement, permettent à l'élève de mettre en application et/ou d'approfondir ses connaissances par ses propres moyens, ce qui lui permet de gagner en autonomie.
 
Alors bien sûr certains me rétorqueront qu'un tel système accroît les inégalités entre ceux qui peuvent se faire aider et les autres ou entre ceux qui évoluent un environnement propice au travail et les autres. Effectivement cela n'est pas faux. Mais alors sous prétexte de ne pas léser certains nous devrions pénaliser tout le monde ? J'ajoute d'ailleurs que la suppression des devoirs n'empêcherait pas les parents qui le peuvent de payer des cours à leurs enfants, justement pour palier les carences de l'école.
 
La problématique des devoirs n'est donc qu'un micro-problème qui doit s'insérer dans une réflexion plus vaste autour de la question de l'école. A l'origine cette institution avait pour vocation de transmettre des savoirs, d'instruire les élèves. Or depuis plusieurs années maintenant, il apparaît que, sous la pression toujours plus forte de pédagogistes, l’Éducation Nationale a perdu de vue cet objectif au combien essentiel. Ainsi, l'école s'est vue confier de plus en plus de responsabilités : apprentissage des règles de vie, ouverture à la culture et aux langues ... Pire, l'école est maintenant sensée être un lieu de vie où les élèves passent du bon temps.
 
Clairement je crois que cette dérive explique, pour grande partie, les problèmes que rencontre aujourd'hui notre système éducatif (violence, baisse de niveau ...). En accordant une place de plus en plus importante au bien-être de l'élève plutôt qu'à sa bonne instruction, nos dirigeants successifs ont complètement dénaturé et déstructuré l'école de Jules Ferry. En fait, comme le reste de la société, l'école souffre du règne de l'enfant-roi.
 
Deux alternatives s'offrent alors à nous : soit continuer sur la même lancée, c'est-à-dire vers un consumérisme rampant de l'école avec toutes ses nouvelles évolutions (cours à la carte, développement de matières annexes, mise en place d'activités sportives l'après-midi), soit décider de reprendre en main l’Éducation Nationale afin de la réorienter vers son objectif originel qu'est l'instruction.
 
Personnellement, je suis plutôt partisan de la seconde solution. Cela ne sera certes pas facile, voire même complexe vu la tournure prise par les évènements ces dernières années, mais je suis convaincu que les résultats seront à la hauteur du défi qui nous attend. Plus que des réformes, chaque ministre ayant voulu laisser son empreinte, c'est d'un réel projet dont notre école a besoin. Et pour un chantier tel que celui-ci, d'une telle envergure, il est impératif d'associer toutes les parties prenantes, et notamment les enseignants, afin de s'assurer de son succès.
 
Dire que j'ai les réponses à ces questions serait à la fois présomptueux et mensonger. En revanche, mes réflexions personnelles m'ont conduites à envisager quelques pistes.
En premier lieu, et malgré le climat ambiant, je crois que des augmentations de moyens, ou éventuellement des réallocations entre zones, sont nécessaires afin de donner à chacun un cadre propice à l'apprentissage. Cela passe en priorité par une diminution du nombre d'élèves par classe afin de permettre un meilleur accompagnement des élèves les plus en difficultés.
 
Ensuite, je crois nécessaire de réorienter les cours vers les savoirs fondamentaux, en particulier en primaire. Nous devons impérativement mettre le paquet sur la lecture, l'écriture et le calcul tant il s'agit de notions stratégiques qui conditionnent le reste de la scolarité et plus largement de la vie des enfants. De fait, comment ne pas être en marge de la société lorsque l'on ne sait ni lire ni écrire.
 
En outre, il me semble nécessaire de lutter contre l'échec  scolaire, et ce dès le plus jeune âge. A mon sens, cela nécessite de développer le système "d'études" après 16h30, qui consiste à aider les élèves à faire leurs devoirs ou à leur réexpliquer certaines notions. De même, il me paraît intéressant de chercher à développer le soutien scolaire en petits groupes, au sein même des établissements. Là encore le but est de permettre aux élèves les plus en difficulté de ne pas complètement décrocher.
 
Enfin, je crois fermement au retour de l'autorité dans les salles de classe. Depuis trop longtemps déjà, le rapport entre enseignants et élèves s'est dégradé au profit des seconds. Il n'est d'ailleurs pas neutre que le nombre de candidats aux concours de professeurs diminue d'année en année. De fait, il n'a jamais été aussi compliqué, voire risqué à certains endroits, d'enseigner alors même que les salaires ne sont pas mirobolants et que les exigences augmentent. Un travail doit donc être effectué en termes de revalorisation du métier (rémunération, formation ...) mais également au niveau de la discipline en classe et dans l'établissement ce qui passe notamment par une coopération avec la hiérarchie (souvent absente) et les parents (parfois démissionnaires).
 
En cette période de campagne présidentielle, il serait souhaitable que les différents candidats s'emparent réellement de la question de l'école afin de présenter clairement leurs propositions. Il s'agit là d'un sujet crucial et fondamental dans la mesure où il a des conséquences à la fois sur le présent et le futur. Malheureusement, pour l'heure, il semblerait que les candidats des principales formations politiques préfèrent s'écharper entre eux plutôt que de développer leur projet pour le pays.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire