jeudi 15 mars 2012

L'UIMM et le patronat n'ont rien compris à la crise ...

Récemment, je suis tombé sur la tribune de l'UIMM (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie) du mois de mars 2012 intitulée "le temps de l'effort". Et je dois reconnaître que j'ai failli m'étouffer à plusieurs reprises en la lisant. Je respecte bien évidemment le point de vue de cette organisation patronale, mais je crois que celle-ci est complètement déconnectée des réalités. 

Voici quelques extraits les plus représentatifs : 

L’Allemagne, qu’on le veuille ou non, est devenue un modèle économique et financier, une référence en terme de compétitivité. [...] Force est de constater que nous avons beaucoup à apprendre d’un grand pays, hier encore divisé, qui a su mener avec courage et pugnacité une politique de l’offre faite de modération salariale et de flexibilité du marché du travail. [...]
La « fourmi » Allemande pouvait afficher en 2010 près de 190 milliards de surplus… alors que les « cigales » vivaient – et vivent encore – au-dessus de leurs moyens.
 
Il s’agit de reconnaître que les pays de la zone euro ont, de manière générale, dépensé sans compter, accordant à leurs actifs des hausses de salaire sans rapport avec leurs gains de productivité. [...] Les « médications » appropriées : une industrie forte et compétitive, davantage de rigueur budgétaire, et de réformes structurelles. [...]
Un grand quotidien du soir, parlant sans ambages, écrivait il y a peu : « L’équilibre budgétaire, oui… à condition de s’attaquer aux bonnes dépenses, celles liées au fonctionnement de l’État, et non les dépenses d’investissement cruciales pour l’avenir. Autrement dit, la réduction du nombre de certains fonctionnaires ou de leur rémunération – comme ce qui se fait en Italie, en Espagne ou au Portugal – serait, bien que difficile à faire accepter, en partie justifiable ». On ne saurait mieux dire…
 
Trop de déséquilibres constatés dans certains États membres « nécessitent de réduire le niveau élevé de leur endettement, et de regagner de la compétitivité». (Commission européenne). [...]
À cet égard, on ne peut passer sous silence les efforts méritoires que fait l’Espagne pour réformer son marché du travail. Conscient des rigidités de ce dernier, le gouvernement de Mariano RAJOY veut promouvoir la « flexibilité interne » dans les entreprises afin de permettre à ces dernières de s’adapter aux évolutions du marché. Les syndicats dénoncent l’assouplissement des conditions de licenciement mais en Espagne comme ailleurs, il faut garder à l’esprit que c’est en facilitant la sortie que l’on facilite l’entrée dans le monde du travail.
 
Alors que retenir de cette tribune ? Et bien tout simplement que l'UIMM veut nous servir une nouvelle ration de cette potion ultralibérale qui a déjà gravement rendu malade notre pays. Comme beaucoup de libéraux, cette organisation attaque notre fonctionnement social en mettant en avant l'exemple de l'Allemagne. Une énième rediffusion d'un grand classique en somme.
Comme je l'ai déjà expliqué sur ce blog, l'Allemagne n'est forcément un modèle à suivre pour notre pays, et ce d'autant plus que son paradigme économique n'est pas réplicable en l'état à d'autres nations européennes. 

Evidemment, et c'est le cas de l'UIMM, l'Allemagne est un exemple pour tous ceux qui veulent mettre à bas notre modèle social. D'ailleurs, il n'est pas neutre de citer les politiques de modération salariale et de flexibilité du travail, car il s'agit là de vieilles revendications patronales.
Mais je crois que les césars de la mauvaise foi et de la désinformation peuvent être décernés à l'UIMM pour ce passage : La « fourmi » Allemande pouvait afficher en 2010 près de 190 milliards de surplus… alors que les « cigales » vivaient – et vivent encore – au-dessus de leurs moyens. Car je rappelle une fois de plus que l'excédent commercial allemand est réalisé au sein de l'UE. C'est donc bien car les autres pays ont mené une politique à l'inverse de l'Allemagne que les consommateurs ont suffisamment de pouvoir d'achat pour acheter des produits allemand. Enfin, rappelons également que l'Allemagne se sert allégrement de ses voisins à l'est pour toutes ses opérations de sous-traitance. 

Les deux autres paragraphes sont globalement du même acabit. Pour résumé, l'UIMM nous explique que pour gagner en compétitivité, notre économie doit être davantage libéralisée. Concrètement, cela signifie baisse des salaires, coupe dans les effectifs et notamment dans le public, austérité, et bien sûr allégement des contraintes pesant sur les entreprises (droit du travail, fiscalité ...). 

On retrouve bien là le parallèle avec l'Allemagne qui a opéré de telles réformes sous l'ère Gerhard Schröder. En revanche, et même si l'on nous en montre seulement les aspects positifs, il ne faut pas oublier de regarder toute la réalité des faits. Or on ne nous en parle que trop peu tant celle-ci n'est guère reluisante : accroissement des temps partiels, multiplication des jobs à 1 € de l'heure ... Bref, une précarisation à outrance du marché de l'emploi. 

Alors bien sûr on peut penser que de telles propositions permettraient d'améliorer la situation économique et financière de notre pays. Personnellement je ne le crois pas. Et à tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi, je recommande de regarder ce qui se passe en Grèce où une telle politique est menée à grande échelle.
Une question alors : la Grèce va-t-elle mieux ? Les choses se sont-elles arrangées depuis ? Non, bien évidemment que non. Et c'est même le contraire qui se produit. En effet, comment peut-on envisager de relever un pays en affamant son peuple par la baisse des salaires ou des retraites ?
Cela est tout bonnement impossible. 

A mon sens ce n'est pas une politique de l'offre qu'il faut mener mais bien une politique de la demande. Car c'est en stimulant la demande par la relance et l'intervention de l'Etat que les choses iront en s'améliorant. C'est par l'injection de pouvoir d'achat que les entreprises se remettront à produire donc à embaucher. Et cela, tout adepte de l'économiste britannique John Maynard Keynes pourra vous le confirmer.

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