mardi 6 mars 2012

Hallali sur le halal

Après avoir soutenu les propos discutés de Claude Guéant, qui a fait un lien entre le droit de vote des étrangers et l'arrivée dans les cantines de viande abattue selon le rite musulman, le premier ministre -s'exprimant à titre personnel- a lancé: «Je pense que les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'état aujourd'hui de la science, l'état de la technologie, les problèmes de santé».
Et de poursuivre cette réflexion sur les viandes «halal» et «casher»: «On est dans un pays moderne, il y a des traditions qui sont des traditions ancestrales, qui ne correspondent plus à grand-chose alors qu'elles correspondaient dans le passé à des problèmes d'hygiène». «On pourrait y réfléchir», a enchaîné François Fillon, avant de préciser que ce n'était «pas le jour et pas le moment d'engager ce débat».
Source : lefigaro.fr
 
 Une fois encore c'est bien Marine Le Pen qui dicte l'actualité médiatique. En effet, après avoir lancé une polémique sur la viande halal, la plupart des responsables politiques lui ont emboité le pas sur le sujet. Dans ce domaine, il est clair que Marine est bien la fille de son père puisque d'un micro-problème on en arrive à un débat national.
 
Mais revenons-en à la question qui nous occupe, à savoir la viande halal et par extension la viande casher. Disons le tout net, il n'existe aucune différence de goût ou de saveur entre une viande halal, casher ou "traditionnelle". En revanche, il faut savoir que ce sont les méthodes d'abattage qui divergent : égorgement avec prière contre étourdissement.
 
A priori donc aucune conséquence pour le consommateur donc qui, s'il ne le sait pas, ne se rend compte de rien. A mon sens, le problème n'est pas tant que la viande soit halal ou casher mais plutôt que les gens ne le savent pas. Il s'agit donc là tout simplement d'une question d'information du consommateur qui me semble tout à fait légitime.
 
De nombreuses réglementations, notamment européennes, sont venus renforcés les obligations de traçabilité de la viande. Ainsi, on peut maintenant connaître de manière assez précise l'origine des bêtes. Pourquoi alors ne pas rajouter sur les étiquettes une indication sur la méthode d'abattage ?
Certains disent que cela reviendrait à stigmatiser les musulmans ou les juifs. Mais c'est idiot. Si ces personnes souhaitent manger une viande particulière c'est bien leur droit. Comme c'est également le droit d'autres personnes de ne pas vouloir manger de viande halal.
 
Personnellement, je n'ai aucune réticence à manger de la viande halal ou casher. Mais il est vrai que je préfère le savoir. Et je crois qu'il s'agit d'une question de respect envers les gens que l'on reçoit à sa table que leur indiquer ce qu'ils mangent.
Pour autant, je peux comprendre que certaines personnes refusent catégoriquement de manger une telle viande, et ce quelle qu'en soit la raison (égorgement des animaux, financement d'une religion ...). Voila pourquoi je crois qu'un étiquetage permettrait de mettre un terme à cette polémique stérile.
 
Toutefois, il me semble intéressant de s'arrêter quelques instants sur cette dispute. Car je crois que celle-ci n'est évidemment pas neutre, surtout en cette période de campagne électorale. De fait, la question du halal est un sujet très ancien qui revient de manière périodique sur le devant de la scène avec notamment le remue-ménage autour de l'affaire du Quick. Or plutôt que de clarifier les choses une bonne fois pour toutes, on préfère garder le sujet sous le coude pour le ressortir au moment opportun.
 
Pour moi la question de la viande halal ou casher peut être abordée de deux manières. La première consiste à la traiter comme un problème alimentaire, ce qu'elle est en fin de compte. Mais c'est souvent la seconde qui est privilégiée dans la mesure où elle est plus rentable électoralement parlant. Il s'agit alors de l'aborder sous l'angle de la religion, thème au combien polémique.
 
Loin de moi l'idée de déconnecter complètement le caractère religieux de ces pratiques. Malgré tout, et c'est ce que fait le Front National, je crois qu'il ne faut pas faire d'amalgames ni prendre de raccourcis. Oui les musulmans et les juifs consomment de la viande abattue selon des rites religieux et c'est bien leur droit. Mais au nom du principe de laïcité, je crois que l'Etat n'a pas à intervenir dès lors que cette pratique ne constitue pas un trouble à l'ordre public, ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
 
Si on creuse un peu, on se rend compte que Marine Le Pen, par la mise en exergue de ce phénomène ancien, cherche à stigmatiser une partie de la population. De fait celle-ci s'engage sur le terrain communautaire et identitaire qu'elle n'a finalement jamais quitté. En réalité, en soulevant le point du halal, c'est la religion musulmane dans son ensemble qu'elle dénonce.
 
Malgré ses dires, la présidente du FN s'inscrit donc bien la lignée de son père et de son parti. Et si l'on ne s'arrête pas simplement aux postures et à l'image qu'elle se donne, on se rend bien compte que Marine Le Pen est en fait une bonne communicante et une excellente équilibriste entre d'un côté la frange dure du Front National qu'il faut conserver et de l'autre l'électorat modéré qu'il faut attirer.
 
Selon moi Marine Le Pen est à l'image d'un bijou en plaqué-or : brillant à l'extérieur, en toc à l'intérieur et finalement sans grande valeur.

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